#ColloqueFO : Priver les salariés de pouvoir pour mieux les asservir

Colloque du 22 juin par Clarisse Josselin

Photographie : F. Blanc (CC BY-NC 2.0)

Depuis toujours, la non-reconnaissance des savoirs professionnels des salariés a existé pour anesthésier leur pouvoir d’agir, mieux les subordonner et permettre au patron d’imposer seul ses critères de rentabilité. C’est ce qu’a affirmé Danièle Linhart, directrice de recherche au CNRS, intervenant à la table ronde sur le management moderne.

Le savoir, c’est du pouvoir. Cette formule, dans la droite ligne du taylorisme, reste d’actualité. Aujourd’hui, le nouveau modèle d’organisation managériale repose sur l’individualisation de chacun à son travail, pour affaiblir le collectif, on parle de management des affects, poursuit-elle.

Cette domination s’exerce par une mise en obsolescence des travailleurs en termes de connaissances et de savoirs. Constamment confrontés à un nouvel environnement de travail, ils se retrouvent apprentis permanents, une situation qui les expose au burn-out et à l’épuisement professionnel. Il y a une dévalorisation de l’image de soi, la peur de mal faire son travail, poursuit-elle. Ce sentiment d’impuissance peut déclencher le suicide.

Pour Marie-Christine Soula, médecin du travail, ce pouvoir échappe aussi aux managers de proximité. Ils doivent appliquer des injonctions contradictoires permanentes, sans savoir pourquoi ni à quoi ça sert, a-t-elle expliqué. Certains doivent même demander de faire moins bien, dans la logique du quick and dirty, autorisée par certains clients, y compris dans l’aéronautique...

La perte de sens provoque l’épuisement professionnel

Cette perte de sens provoque des dégâts importants sur leur santé. Ce sont eux qui sont les plus exposés à l’épuisement professionnel, constate-t-elle. La direction, détentrice de l’information, craque moins.

Elle relève six causes à cet épuisement, à commencer par la surcharge de travail en terme d’amplitude des horaires. Mais entrent aussi en jeu le sentiment d’injustice et d’iniquité ou le déficit de collectif. Elle a appelé les syndicats à agir sur ces signaux d’alerte. On arrive à absorber la charge de travail, mais pas les injonctions paradoxales ou l’absence de sens, poursuit-elle.

Le médecin a aussi lancé un véritable cri d’alarme sur les pathologies à effet différé en lien avec le stress excessif et le non-sens du travail. Y aura-t-il des cancers hormonaux induits à long terme ? interroge-t-elle. Nous devons être très attentifs, je ne veux pas d’un nouveau scandale, comme celui de l’amiante où tout le monde était au courant.

 

Clarisse Josselin Journaliste à L’inFO militante