Le courrier est parti le 15 octobre, direction Matignon. Appuyée par la FGTA-FO et la FEC-FO, la confédération y revendique la mise en place d’un comité stratégique de filière (CSF) au commerce, dédié à la franchise et à la location-gérance. A l’image de ce qu’ont permis les 19 CSF créés dans l’industrie depuis 2010, l’objectif de l’instance serait d’instaurer un dialogue régulier entre l’État, les entreprises, les représentants des salariés. Sur tous les sujets posés par ce mode de gestion, synonyme de casse sociale. Il prospère au détriment de l’emploi, avec un effet destructeur sur les fonctions centralisées. Au détriment des salariés qui perdent peu à peu des avantages sociaux (pour un total moyen estimé de 2.000 euros), et se retrouvent avec des grilles de salaires moins favorables. Au détriment aussi des institutions représentatives du personnel, aux prérogatives réduites dans les petits établissements.
Il y a urgence à agir pour FO, qui défend l’intégration d’ une clause sociale pérenne dans tous les contrats de franchise et de location-gérance (lesquels relèvent du droit commercial, ndlr) pour sauvegarder les acquis sociaux essentiels
. Ceux dont les salariés bénéficiaient dans le groupe intégré dont ils sont issus (voir encadré). Ce CSF sera l’occasion aussi de porter la revendication FO d’une conditionnalité des aides publiques aux entreprises, a précisé le secrétaire général Frédéric Souillot au meeting du 26 octobre.
Faire du CSF un garde-fou
Le temps presse avant que la transformation sociale, générée par cette bascule des établissements en franchise ou en location-gérance, ne devienne un fait majoritaire. Dans la grande distribution, on n’en est pas loin, note Angélique Bruneau, secrétaire fédérale à la FGTA-FO. Le démantèlement du groupe Casino (passé de 50.000 à 30.000 salariés, notamment par le transfert de 18.000 salariés à la concurrence, ndlr) précipite la mutation du secteur. La location-gérance est déjà très développée chez Carrefour : depuis 2018, 79 hyper et 179 supermarchés employant plus de 18.000 salariés ont quitté le réseau intégré. Elle est passe de l’être chez Auchan, qui passe chaque année jusqu’à 5 magasins en location-gérance. Le modèle du groupe intégré se disloque, et les salariés paient l’addition
. Le constat tient en deux chiffres, relevés par les équipes FO chez Carrefour : chez les indépendants, les frais de personnel tournent à 10% ; dans les hypermarchés, on est à 14-17%
.
Chez Casino, la nouvelle gouvernance mise sur le passage en franchises pour conduire le redressement. Il permet d’encaisser des redevances, de ne pas supporter les stocks ni la masse salariale. Cela annonce une multiplication de formats de moins de onze salariés et, pour eux, une convention collective moins-disante, l’absence de CSE, moins d’emplois proposés
, a expliqué au congrès FO du 26 octobre Nathalie Devienne, secrétaire générale du SNTA-FO. Elle voit dans le CSF un garde-fou
.
Dans la restauration rapide, le recours à la franchise est aussi constaté. Et synonyme de conditions de travail dégradées
, souligne Nabil Azzouz, secrétaire fédéral à la FGTA-FO. Les franchisés exigent polyvalence et productivité maximale
, appuie le militant, qui dénonce aussi l’affaiblissement délibérée
des instances du personnel. Les franchisés font tout pour ne pas avoir d’établissements de plus de 50 salariés. Certains ont 10-15 franchises, constituées en autant de structures juridiques distinctes
. Face à cet éclatement, la FGTA-FO bataille pour faire reconnaître leur unité économique et sociale (UES), ce qui permet de considérer ces structures distinctes comme une seule entreprise pour l’application du droit du travail.
Le commerce non-alimentaire n’échappe pas au phénomène surtout dans le bricolage et l’ameublement
, renchérit Audrey Rosellini, de la section commerce à la FEC-FO, qui juge primordiale
la création d’un CSF au commerce. Le CSF permettra de connaître la position de l’exécutif. On verra s’il laisse, ou non, les entreprises faire ce qu’elles veulent
. Une restructuration à bas bruit.
FO à la manœuvre
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