« Communes nouvelles » : toujours moins de proximité de l’action publique

InFOéco n°103 du 11 mars 2015 par Pascal Pavageau

Le 4 mars 2015, le Sénat a adopté les conclusions de la commission mixte paritaire sur la « proposition de loi relative à l’amélioration du régime de la commune nouvelle, pour des communes fortes et vivantes » et a ainsi définitivement adopté ce texte.

L’objet de cette proposition de loi, déposée à l’Assemblée nationale, est de faciliter le regroupement des communes en « communes nouvelles ».

La loi n°2010-1563 du 16 décembre 2010 [1] a en effet créé un nouveau dispositif de fusion de communes : « la commune nouvelle ». Quatre ans après sa promulgation, le bilan de la fusion des communes est sans appel : seulement une douzaine de communes nouvelles ont été créées. C’est la preuve que, comme Force Ouvrière l’indique de longue date, regrouper les communes ne répond ni à une envie, ni à un besoin !

A l’inverse, au 1er janvier 2014, 90 % des communes françaises comportent moins de 2 000 habitants, et les 2/3 d’entre elles moins de 1 000 habitants.

Comme Force Ouvrière l’a démontré dans l’ouvrage « Il faut sauver le service public » en octobre 2014, la suppression des services publics territoriaux de l’État et la régionalisation des politiques publiques font que la mairie est désormais le dernier service public accessible. Le maillage fin des 36 000 communes et de leurs élus locaux de proximité permet de coller aux réalités du terrain et d’éviter, à tout le moins de limiter, toute concentration future métropolitaine ou régionale de l’action publique.

Le maire reste l’entrée vers tous les acteurs publics, il est le dernier représentant public à « portée de gifle » du citoyen, de l’usager. D’ailleurs, les « grandes villes » développent les « conseils de quartiers » par souci d’essayer de retrouver des élus de proximité. Les communes sont les briques du mur de la démocratie. Les supprimer, ainsi que les départements, créerait une désertification de la puissance publique, un abandon de la République au plus proche des citoyens ouvrant alors la voie aux communautarismes, poujadismes et autres populismes.

Or, ce texte vise à assouplir et simplifier la création de « nouvelles communes », de façon à réduire leur nombre et accroitre leur taille. Ce qui, de facto, revient à éloigner les communes et les élus locaux des citoyens.

Cette loi, débattue en catimini depuis octobre 2014, est un peu la « 4e loi cachée » de l’actuelle réforme territoriale (loi du 27 janvier 2014 instaurant notamment les métropoles / loi du 16 janvier 2015 fusionnant en particulier les régions / projet de loi NOTRe en cours de débat parlementaire sur les compétences des collectivités qui demeureront).

Cette réforme territoriale et ce texte sur les « nouvelles communes » visent désormais explicitement la suppression à terme des 36 000 communes.

Par la création des métropoles et par l’obligation faite depuis 2010 à chaque commune d’être rattachée à un Etablissement public de coopération intercommunale (EPCI), l’intercommunalité, la métropole et la « grande commune » sont devenues la norme institutionnelle de l’action publique locale : depuis la loi du 16 décembre 2010, chaque commune dépend donc d’une intercommunalité d’au moins 5 000 habitants. La réforme territoriale en cours accentue ce processus en imposant un rattachement à au moins 20 000 habitants.

Une fois constitués ces « communes nouvelles » et surtout ces intercommunalités urbaines (métropoles) ou rurales (d’au moins 20 000 habitants), leurs compétences étant celles des communes (et certaines issues des départements), l’objectif est de passer au suffrage universel direct pour l’élection de leurs exécutifs respectifs. Ce sera alors la fin des 36 000 communes.

Au bout du bout, l’objectif affiché est de passer d’un élu pour 104 habitants aujourd’hui, à un pour plus de 2 000, voire 3 000.

Demain, la plus petite des nouvelles communes sera de 20 000 habitants : il sera dès lors impossible de pouvoir rencontrer les élus locaux, à fortiori sur des périmètres gigantesques (en zone rurale, regrouper 20 000 habitants nécessitera une zone de plusieurs centaines de km2). Dans la Marne ou en Lozère, il faudrait regrouper plus de 190 communes pour atteindre ce seuil !

Cette loi « communes nouvelles », cette réforme territoriale et l’acte III de décentralisation dans sa globalité, remettent en cause la proximité des pouvoirs publics ainsi que l’indivisibilité, la cohérence, la lisibilité, l’unicité et, du coup, l’égalité républicaine, c’est-à-dire l’égalité de droit.

Achevé de rédiger le 11 mars 2015

Pascal Pavageau Ex-Secrétaire général de Force Ouvrière

Notes

[1- InFoéco n° 24 du 5 mai 2011 et n° 34 du 10 janvier 2012