Conférence environnementale 2016

Economie par Pascal Pavageau, Secteur Économique

Vous trouverez dans ce numéro 119 d’InFOéco, daté du 13 mai 2016, une analyse du Secteur Economique sur la Conférence environnementale 2016.

InFOéco n°119
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En 2012, le Président de la République et son gouvernement ont décidé la mise en place d’une « conférence environnementale » annuelle [1]. Depuis, chaque année a eu sa conférence [2], à l’exception de l’année 2015, du fait notamment de la COP 21. Mais si la première permettait au Président de la République de donner sa vision des enjeux environnementaux et les orientations de sa politique en la matière, la deuxième et la troisième ont montré l’inutilité de maintenir ce rendez-vous annuel sans circonscrire les sujets à l’essentiel. Pour l’année 2016, la tenue de la COP 21 en décembre dernier sous présidence française et la signature par 177 pays de l’Accord de Paris qui en découlait pouvaient justifier une 4e conférence environnementale.

Réunies les 25 et 26 avril 2016, les « forces vives du dialogue environnemental », comme certains aiment à se dénommer, ont eu à se positionner sur différents sujets organisés autour de trois tables rondes aux thématiques trop larges pour être efficaces. Force Ouvrière y a assuré une présence, tant afin de rappeler nos nombreuses positions en matière environnementale que pour ne pas laisser libre-court à l’entre soi des associations environnementales au détriment de toute dimension sociale.

Cette conférence environnementale a ainsi été l’occasion pour FO de rappeler ses positions déjà développées lors de la COP 21 [3] et ses revendications sur de nombreux sujets : service public de l’environnement, santé et protection des salariés face à des risques environnementaux notamment dans les entreprises, prise en compte des enjeux sociaux dans les sujets environnementaux et les politiques publiques liées, sollicitation des branches professionnelles afin d’aider à la définition puis à la traduction en termes de formation des nouvelles qualifications nécessaires à certaines transitions écologiques ou énergétiques, défense de l’industrie et des emplois, ainsi que valorisation d’un réel mix énergétique dans lequel le nucléaire a toute sa place aux côtés des énergies renouvelables.

Table Ronde 1 – « Appliquer l’agenda des solutions pour la croissance verte »

Si le développement durable doit favoriser la mise en œuvre et la diffusion de technologies nouvelles, des investissements et la création d’emplois nouveaux, Force Ouvrière revendique une politique industrielle et une politique énergétique ambitieuses et volontaristes, défendant et développant tous les emplois (nouveaux comme traditionnels) et les salaires. La préservation du tissu industriel doit être une priorité pour les politiques publiques, tout comme l’accès à une énergie à bas coût. Force Ouvrière n’a de cesse de le rappeler, en termes de transition, il ne saurait s’agir de « ne plus faire », mais de « faire autrement » et la « décroissance » ou la « sobriété » ne sont pas des solutions pérennes.

L’innovation doit donc être soutenue et renforcée. Des moyens doivent abonder la recherche publique favorisant la création d’emplois privés en lien avec les filières industrielles, y compris selon des coopérations inter-États sur un plan européen. Ainsi, FO a soutenu les mesures proposées imposant des obligations de transparence aux entreprises et aux investisseurs institutionnels sur la prise en compte des enjeux climatiques dans leurs activités et sur leurs orientations stratégiques.

Concernant la fiscalité « verte » ou « écologique », Force Ouvrière a rappelé lors des débats son opposition à ce type de fiscalité, injuste socialement puisque pesant sur les ménages indépendamment de leur niveau de ressources, plaçant ainsi certains d’entre eux dans une précarité énergétique plus grande encore (à ce jour, 1 Français sur 5 est en précarité énergétique [4], c’est-à-dire éprouvant en particulier la difficulté ou l’incapacité à pouvoir chauffer décemment son logement !). Dans ce cadre, le chef de l’État a annoncé la mise en place dès 2017 d’un « prix plancher » du CO2, au moyen d’une taxe carbone payable par les

producteurs d’électricité. Cette décision unilatérale du gouvernement français fonde l’espoir que « ce dispositif entrainera d’autres pays » : rien n’est moins sûr, bien au contraire. En revanche, ce qui est certain est qu’un tel choix se traduira par des centaines de suppressions d’emplois directs et indirects, notamment dans les filières thermiques (charbon, gaz, etc.) et leurs sous-traitants. FO a été seule à contester ce signal prix, refusant de sacrifier des emplois sur l’autel d’un écologisme anti-écologique et de mettre en péril notre souveraineté énergétique. Pour nous, donner un « prix au carbone » n’a de sens que s’il est international et que tous les États le respectent. Une fois encore, cette décision française va conduire à une augmentation du coût de certaines énergies. Cela risque d’entrainer une baisse de compétitivité des entreprises à l’exportation [5], des délocalisations, avec des répercussions, tant sur les emplois que sur les salaires et sur les prix à la consommation, en particulier ceux de l’énergie, des transports ou des productions nécessitant beaucoup d’énergie. De plus, lors de la mise en place de cette « contribution carbone », nombre d’entreprises utiliseront cette nouvelle taxe comme prétexte pour aggraver la modération salariale ou retarder des investissements productifs. Ainsi, pour FO, il n’est pas acceptable que la préoccupation environnementale, totalement légitime et nécessaire, serve de prétexte pour faire glisser encore un peu plus la fiscalité des entreprises vers la fiscalité « verte » payée par les ménages.

Par ailleurs, comme cela devient traditionnel lors des conférences environnementales, plusieurs associations ont revendiqué le droit de siéger dans diverses instances (Conseil National de l’Industrie, etc.) et même, nouveauté pour l’année 2016, dans des instances de normalisation (AFNOR, etc.). Force Ouvrière a pu bloquer cette tentative en rappelant son refus d’élargir les structures du dialogue social et les Instances Représentatives du Personnel (IRP) à d’autres acteurs que les interlocuteurs sociaux représentatifs [6].

Table Ronde 2 - « Impliquer citoyens, territoires et État dans la transition écologique »

Cette table ronde était ciblée en grande partie sur la dimension internationale de l’environnement, notamment suite à l’adoption de l’Agenda 2030 par les Nations-Unies en septembre 2015 et de l’Accord de Paris lors de la COP 21 en décembre dernier. Concernant les Objectifs de Développement Durable, si leur renouvellement dans le cadre de l’Agenda 2030 inclut un objectif spécifique sur le travail décent et prend en compte la dimension de protection sociale, les engagements ne suffisent pas et seuls les actes comptent. Force Ouvrière est notamment intervenu sur le rôle essentiel des organisations syndicales tant dans la coopération au développement que dans la mise en œuvre des ODD, et a dénoncé le fait qu’elles en soient écartées depuis dix ans. FO a dénoncé l’impact de l’austérité ainsi que le recours grandissant au financement privé, notamment via les partenariats public-privé dans les politiques de développement. Enfin, FO a demandé à ce que le gouvernement communique son plan de mise en œuvre des ODD tel qu’il devra le présenter en juillet 2016 aux Nations Unies.

Lors de la COP 21, FO a exigé que le domaine social soit pris en compte dans les négociations de l’Accord. L’enjeu est notamment de faire reconnaître les impacts de l’évolution climatique sur le social et les emplois, afin qu’on cesse de réduire ces problématiques à des décisions économiques et environnementales. En effet, toujours plus de salariés sont concernés par les impacts du changement climatique : mobilités imposées, changements d’organisation du travail ou encore nouvelles pénibilités. Pour FO, replacer le social et les droits fondamentaux au cœur de ces discussions est essentiel. De même, exiger des modes de financements publics pour les politiques mises en œuvre dans le cadre de ces deux agendas est fondamental. Ces questions seront au cœur de la COP 22 à laquelle FO répondra présent afin de faire valoir ses revendications.

Lors de cette table ronde a également été évoquée la possibilité d’élargir massivement les obligations de diffusion spontanée de documents et données des organismes publics. Ce principe d’Open Data qui vise à rendre disponibles et réutilisables des données publiques se diffuse à grande vitesse sous ce gouvernement (projet de Loi Lemaire notamment) sous prétexte notamment d’une plus grande transparence institutionnelle. En matière environnementale, cela est sensé favoriser le développement des entreprises de la « Green Tech » tout en facilitant la participation citoyenne. Force Ouvrière a précisé être vigilant sur le contenu exact des données rendues publiques et a demandé à ce que des études d’impact soient au préalable réalisées, afin de ne pas divulguer au public des données sensibles ou de mettre en ligne des données qui par croisement algorithmique pourraient être dommageables pour les citoyens ou pour la puissance publique.

Si l’environnement est l’affaire de tous, l’engagement bénévole est par essence une démarche volontaire et personnelle. Or le gouvernement est favorable à une loi sur le service civique afin de susciter et d’encadrer l’engagement tout au long de la vie. Pour FO, le bénévolat doit rester une activité libre, un engagement citoyen procédant d’une démarche personnelle au service d’une cause et non un volontariat instrumentalisé par les pouvoirs publics. FO dénonce l’orientation gouvernementale de ce projet de loi, source de travail déguisé car faisant réaliser des missions publiques par des bénévoles non formés et non rémunérés. FO demande pour les personnes à la recherche d’un emploi un vrai travail avec un vrai contrat et un vrai salaire.

Les problématiques environnementales entreront à la rentrée scolaire 2016 dans les nouveaux programmes, dans le but affiché de permettre aux citoyens de demain tant de s’approprier ces questions que d’en faire des acteurs du changement. Dans ce cadre, la ministre de l’Education a proposé l’élargissement des aires marines éducatives développées depuis 2012 aux îles Marquises afin de favoriser la préservation des milieux marins. FO s’est interrogé sur le périmètre de mise en œuvre de ces aires en métropole et à l’outremer : quel fonctionnement au sein de l’institution scolaire dans le cadre de l’Education Nationale ? Quelle prise en compte dans les curricula scolaires et quels diplômes ? FO demande davantage d’informations sur ce point et rappelle que le rôle de l’école n’est pas occupationnel mais de transmettre des savoirs.

Table Ronde 3 - « Préserver les milieux afin d’améliorer le cadre de vie et la santé de tous »

Dès 2018, les collectivités se verront confier les compétences actuellement dévolues à l’État de la « gestion des milieux aquatiques et de la prévention des inondations » et celles relatives à l’eau potable en 2020. Cette nouvelle organisation est la cause directe des lois de décentralisation [7]de la réforme territoriale auxquelles Force Ouvrière s’est toujours opposée. Ce transfert croissant de compétences traduit un désengagement de l’État, aux conséquences désastreuses pour l’égalité de droit républicaine. Ce désengagement s’est aussi traduit par la suppression au 1er janvier 2014 de l’assistance technique fournie par l’État pour des raisons de solidarité et d’aménagement du territoire (ATESAT). Sur ce point, Force Ouvrière revendique que soit réinstaurée une ingénierie publique de l’État auprès des collectivités territoriales, en particulier pour les communes les plus touchées par l’austérité budgétaire et/ou situées dans les zones rurales victimes de la désertification des services publics de proximité.

Le projet de loi sur la biodiversité devrait être adopté avant l’été. Avoir pour objectif de mieux coordonner les différentes recherches et expertises publiques va dans le bon sens afin de mieux appréhender les interactions entre changement climatique d’une part et biodiversité d’autre part. Toutefois, la préservation de la biodiversité doit être portée au-delà de l’unique question climatique car recouvrant nombre d’enjeux sociaux et économiques. Or, la logique d’austérité, toujours présente dans ce projet de loi, conduit à diminuer les effectifs et les moyens dans les services du ministère de l’environnement. La création au 1er janvier 2017 de l’Agence française pour la biodiversité (AFB), tant vantée par le gouvernement, revient en réalité à réduire les moyens publics existants dans les différents services et opérateurs publics œuvrant pour la biodiversité, et ce malgré les engagements gouvernementaux.

La conférence environnementale a également été l’occasion d’affirmer un renforcement des actions dans le domaine « santé-environnement ». L’un des objectifs affichés est de limiter l’exposition des populations aux substances chimiques préoccupantes, par exemple les produits phytosanitaires pour les travailleurs agricoles. Dès lors, pour FO, protéger la santé des salariés concernés suppose de leur fournir des équipements de protection, de leur dispenser des formations adaptées pour garantir une bonne utilisation de ces produits, et de leur assurer un suivi médical dans la durée.

A la fois sources potentielles de progrès et de risques, les nanotechnologies doivent faire l’objet d’une surveillance rapprochée et d’une utilisation réglementée. Comme FO l’a demandé, des études d’impact sont nécessaires pour évaluer les effets potentiels des nanotechnologies sur les salariés, la population et l’environnement.

A la suite de cette conférence 2016, la ministre de l’environnement présentera au CNTE en juin prochain la « feuille de route environnementale » du gouvernement. Nous avons rappelé et rappellerons que celle-ci n’engage que le gouvernement et nous réagirons sur les mesures qui auront été décidées dans celle-ci.

Achevé de rédiger le 13 mai 2016

Pascal Pavageau Ex-Secrétaire général de Force Ouvrière

Secteur Économique

Notes

[1inFOéco n°43/2012 du 18 juin 2012.

[2inFoéco n°50/2012 du 21 septembre 2012, n°71 du 30 septembre 2013 et n°96 du 1er décembre 2014.

[3inFoéco n°111 du 18 décembre 2015.

[4Le nombre de personnes en précarité énergétique est passé de 8 à 12 millions en seulement 4 ans.

[5La part de l’énergie dans l’Industrie monte jusqu’à 40% en terme de compétitivité.

[6L’introduction de ces sujets dans les négociations et l’ouverture des IRP à d’autres que les organisations syndicales sont portées par les association environnementales mais aussi la CFDT et la CGT. Comme en 2012, 2013 et 2014 ou lors d’un avis du CESE en 2015, la délégation Force Ouvrière s’y est opposée, seule, avec force et a obtenu que ce sujet soit sorti des discussions.

[7Loi du 27 janvier 2014 de modernisation de l’action publique territoriale, dite MAPTAM, loi n°2015-29 du 16 janvier 2015 relative à la délimitation des Régions, aux élections régionales et départementales et loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République, dite loi NOTRe.