Conforama : la direction laisse les salariés dans le doute

Emploi et Salaires par Valérie Forgeront

Martin Abegglen (CC BY-SA 2.0)

En annonçant une restructuration, des suppressions d’emplois, des fermetures de magasins et une vente probable de l’enseigne, un article de presse vient légitimement d’alarmer les salariés de Conforama. D’autant plus que face aux syndicats, dont FO, la direction ne dément pas ces annonces faites par la presse. Les salariés redoutent une stratégie de vente, sur fond de difficultés qui perdurent pour la maison mère, le consortium sud-africain Steinhoff pris depuis deux ans dans un gigantesque scandale financier.

La direction ne dit rien ou pas grand-chose et c’est bien cela qui est inquiétant. C’est un black-out total qui laisse les salariés dans un état épouvantable s’indigne Jacques Mossé-Biaggini, délégué syndical central (DSC) FO chez Conforama France (secteur relevant de la fédération des employés et cadres FO/FEC-FO).

Les salariés de Conforama ont appris en effet le 27 mars dernier par un article de presse qu’ils étaient sous la menace imminente d’une restructuration assortie de la suppression de 2 000 postes, de la fermeture de 40 magasins et au final de la vente de l’enseigne. De quoi laisser chacun dans la stupeur et l’angoisse. Depuis les quatre organisations syndicales (FO, CGT, CFDT et CFE-CGC) ont demandé bien sûr des explications à la direction alors que celle-ci avait adressé un communiqué à chaque salarié dès l’annonce faite par la presse.

La direction a-t-elle infirmé ces informations et rassuré les salariés le 5 mars lors d’une réunion avec les syndicats et les secrétaires du Comité central d’entreprise (CCE) ? Non point. Aucun démenti n’a été apporté indique le DSC FO. Les réponses de la direction sont pour le moins troubles déplore-t-il.

Les propos flous de la direction

En effet, la direction se veut rassurante en arguant que les représentants du personnel auraient été informés en cas de restructuration ou de revente. Elle explique encore qu’aucune fermeture de magasin n’a été programmée au plan budgétaire pour cette année. Elle tente aussi de calmer les esprits en ajoutant même qu’un financement complémentaire de Conforama par Steinhoff (consortium sud-africain auquel appartient Conforama) serait en cours de finalisation, ce qui serait censé prouver que l’enseigne Conforama ne sera pas liquidée.

Ces pseudo-arguments n’ont pas convaincu les salariés et leurs représentants, FO notamment (troisième organisation dans l’entreprise avec 24% des voix aux dernières élections). Pour le syndicat, les propos tenus lors de cette réunion du 5 mars font plutôt craindre une vente très probable de l’enseigne d’ici trois ans et avec la restructuration qui ira avec.

Le P-DG de Conforama qui est aussi directeur général adjoint de Steinhoff assure qui plus est qu’il ne peut donner davantage d’explications sachant qu’il ne prend pas part aux décisions prises sur Conforama par le directoire (board) de Steinhoff, cela pour des raisons de conflit d’intérêt… Le syndicat FO peine à croire cela.

Le scandale financier de Steinhoff

Mais que se passe-t-il donc chez Conforama pour qu’une annonce de restructuration –par la presse– apparaisse de suite vraisemblable ?

Conforama qui compte 315 magasins dans le monde dont 224 en France et emploie 13 400 salariés dont 9 000 en France vit dans l’inquiétude depuis le 5 décembre 2017, date de la découverte de graves malversations comptables au sein du groupe Steinhoff.

La dette –en partie rachetée depuis– atteint quinze milliards d’euros environ indique Jacques Mossé-Biaggini. La cotation en bourse du groupe qui s’effondre, le P-DG de l’époque qui démissionne… L’affaire du scandale financier de Steinhoff avait ébranlé l’Afrique du sud à la fin de 2017. Or souligne le syndicat FO de Conforama, les salariés de l’enseigne ne sont pour rien dans une situation créée par la malhonnêteté d’un actionnaire dont le seul credo est je m’enrichis, quel qu’en soit le prix à payer par les salariés qui me font vivre.

Un droit d’alerte en cours

Les salariés de Conforama craignent ainsi que la débâcle financière de Steinhoff ait des conséquences sur l’enseigne en termes d’emplois et d’implantations. Le consortium sud-africain cherche en effet à se reconstituer des liquidités ce qui s’est déjà traduit notamment par la vente de quelques-uns de ses actifs ainsi que par des restructurations. Autant dire que cela n’a rien de rassurant pour Conforama. En novembre 2018, un media économique évoquait d’ailleurs déjà la possible vente prochaine de l’enseigne.

En janvier dernier, le comité central d’entreprise a voté en faveur d’un droit d’alerte. L’objectif étant que la Commission économique, aidée par un Cabinet d’Expertise Comptable puisse apporter des réponses sur la pérennité de l’enseigne et des emplois indiquait alors FO. Cette procédure de droit d’alerte est toujours en cours confirme Jacques Mossé-Biaggini.

De son côté, toujours en janvier, la direction de Conforama tentait déjà de rassurer. Elle annonçait l’arrivée prochaine pour l’enseigne d’un plan de financement, de 200 millions d’euros de liquidités supplémentaires qui lui assurent durablement son indépendance et sa stabilité financière. Ce financement indiquait la direction est basé sur la vente à perte des actions de Show-room-privé pour 78 millions d’euros, et l’appui d’un nouveau partenaire financier (groupe Tikehau Capital) pour 115 millions, grâce à la garantie des actifs immobiliers.

Rendez-vous au CCE du 11 avril

Quoi qu’il en soit et alors qu’un comité central d’entreprise a été repoussé de ce mois de mars au 11 avril prochain, le DSC FO fait part des craintes de l’ensemble des salariés : une prochaine vente en l’état de Conforama ou, autre scénario, la mise en œuvre d’un plan d’investissement en vue d’une mise en vente ultérieure. Les rumeurs sporadiques de revente à l‘enseigne But inquiètent. Pour le DSC-FO une telle revente serait une catastrophe car les deux enseignes sont sur le même créneau, l’univers de l’ameublement, de la décoration et de l’électroménager.

Pour l’instant les salariés de Conforama vivent donc dans l’expectative chargée d’appréhensions au plan des emplois. Parallèlement à cette situation compliquée dans le groupe, la direction n’abandonne pas pour autant ses attaques. Elle a ainsi voulu supprimer les CE dans 192 établissements pour les remplacer, dès juin prochain, par des CSE régionaux s’irrite Jacques Mossé-Biaggini. Les quatre syndicats de Conforama, dont FO, ont porté l’affaire devant la justice. La Cour de cassation doit se prononcer bientôt.

Valérie Forgeront Journaliste à L’inFO militante