Congrès Fasap-FO : dans tous les secteurs de la fédération, salaires et droit du travail au centre des préoccupations

InFO militante par Clarisse Josselin, L’inFO militante

Le XXe congrès de la fédération FO des arts, du spectacle, de l’audiovisuel et de la presse (Fasap-FO) s’est déroulé du 17 au 21 octobre à Beg Meil, dans le Finistère, avec une cinquantaine de participants. Françoise Chazaud a été réélue à l’unanimité à son mandat de secrétaire générale. La pandémie de Covid, qui a mis à l’arrêt pendant un temps tout un pan des secteurs d’activités couverts par la fédération, a été au cœur des discussions, tout comme les combats pour les salaires.

Après le confinement, et dans la période actuelle d’incertitude majeure due tant à la situation économique qu’à la guerre en Ukraine, j’ai voulu qu’on s’aère, qu’on marche, qu’on voit l’horizon, a expliqué Françoise Chazaud, secrétaire générale de la fédération FO des arts, du spectacle, de l’audiovisuel et de la presse (Fasap-FO) en présentant le centre de vacances du comité interentreprise de l’ORTF qui a accueilli le congrès en bord de mer, à Beg Meil, dans le Finistère, du 17 au 21 octobre.

La pandémie de Covid et les mesures de confinement et de couvre-feu mises en place de mars 2020 à mai 2021 ont été largement évoquées par les intervenants à la tribune. Spectacle vivant, production audiovisuelle, artistes auteurs… autant de secteurs couverts par la fédération qui ont été subitement mis à l’arrêt par la crise sanitaire. La crise a porté un coup dur à la culture, considérée comme non-essentielle par le gouvernement, c’était violent, a rappelé Françoise Chazaud, réélue à l’unanimité des congressistes secrétaire générale, pour un sixième mandat. C’est le secteur qui a le plus souffert, on l’a enfermé, même la vente de livres était interdite.

Cette situation a eu des conséquences dramatiques en matière d’emploi, en impactant notamment les salariés les plus précaires. Franck Guilbert, du syndicat national libre des artistes (SNLA-FO), a rappelé l’importance des annexes 8 et 10 de la convention d’assurance chômage qui régissent les droits des salariés intermittents, un acquis historique défendu par FO.

Près de 80% d’entre eux travaillent dans le spectacle vivant. Pour bénéficier de ce régime, il faut, selon l’accord spécifique négocié en 2016 par les fédérations, suite à la loi de 2015, avoir travaillé 507 heures sur douze mois. Une allocation plancher de 44 euros par jour est garantie. Mais le gouvernement a aussi imposé à cette occasion un système de carence pour les intermittents qui travaillent beaucoup. Ces franchises de salaires se cumulent d’un mois sur l’autre.

FO a été la première organisation syndicale à demander des conditions exceptionnelles d’allocation pour les salariés intermittents lors de l’épidémie de covid, a rappelé Franck Guilbert. Leurs droits à l’Assurance chômage ont été prolongés jusqu’à fin 2021 avec la mise en place d’une année blanche. Pour nous c’était vital.

Des contrats annulés du jour au lendemain sans indemnisation

Certains salariés se sont cependant trouvés en grande difficulté comme Hervé Morin, technicien intermittent à France Télévisions, qui a livré un témoignage sidérant. Avec le Covid, tous nos contrats ont été annulés du jour au lendemain sans indemnisation, c’était du jamais vu, a-t-il expliqué. Il bascule alors sur l’assurance chômage. Mais lui qui bénéficie de contrats réguliers avait 50 jours de franchise à supporter avant de pouvoir être indemnisé. J’ai été sauvé par mes crédits d’heures à France Télévisions que j’ai pu poser, mais plusieurs de mes collègues n’ont rien touché, a-t-il raconté.

Le syndicat FO Médias, suivi par deux autres syndicats, a alors réussi à négocier un fonds d’indemnisation interne à France Télévisions pour venir en aide aux journalistes en CDD et aux intermittents du groupe audiovisuel durant cette période.

Si l’activité a repris dans l’audiovisuel, Hervé Morin a cependant alerté sur les effets de la réforme de l’Assurance chômage imposée par le gouvernement en 2021. Désormais, tous les jours de la période de référence sont pris en compte pour calculer le montant de l’allocation, y compris ceux non travaillés. Pour les journalistes du groupe en CDD, cela entraîne une perte moyenne d’indemnisation de 30 à 40%.

Certains secteurs ne se sont pas encore remis de la crise sanitaire. Après des mois de fermeture et de restrictions, le public n’est pas totalement revenu dans les théâtres et au cinéma, dont la fréquentation a chuté de 30 à 40% selon Roland Timsit du SNLA-FO.

Nous voulons une nouvelle année blanche, il y a peu de travail, a-t-il expliqué. Selon lui, beaucoup de gens ont changé de métier durant la pandémie. D’autres n’ont pas pu faire leur entrée dans le métier.

Les aides, ce n’était pas pour tout le monde et il n’y a pas eu de ruissellement des grosses structures vers les petites compagnies, s’est-il inquiété. Des festivals sont en train de disparaître, celui des Vieilles charrues par exemple n’est pas sûr de son avenir. Ces festivals se font racheter par des grosses entreprises qui ensuite veulent leur imposer leurs artistes. C’est une remise en cause de la diversité culturelle.

Dans sa résolution, le congrès dénonce les phénomènes de concentration dans tous les secteurs, spectacle, audiovisuel et presse qui réduisent la pluralité de penser, de créer et d’expression et entraînent des destructions massives d’emplois et une aggravation des conditions de travail.

La Fasap-FO dénonce la suppression de la redevance audiovisuelle

La situation s’est également détériorée dans l’audiovisuel public. Avec le covid, les équipes sont sous pression, a témoigné Guillaume Baldy, de Radio France. Jusqu’alors, l’attractivité de l’entreprise ne reposait pas sur les salaires mais sur la qualité de vie au travail et sur le prestige. Cette attractivité se perd, il y a de moins en moins de jeunes sur les métiers techniques ou la réalisation. Et on traite souvent de problèmes psycho-sociaux. Cette situation est aggravée par la mise en place d’un nouveau logiciel de paiement, Sirhius, qui dysfonctionne. Des salariés en CDD et CDDU n’ont pas été payés pendant plusieurs mois et la question n’est toujours pas réglée aujourd’hui, a alerté Guillaume Baldy.

La fédération et les syndicats du secteur s’inquiètent beaucoup de la suppression en cette rentrée de la redevance audiovisuelle qui finançait 90% de l’audiovisuel public. Elle est remplacée par une fraction de la TVA. Si le financement de l’audiovisuel relevait demain du budget général de l’État, son niveau pourrait être remis en cause chaque année, au nom de difficultés budgétaires liées ou pas à des situations exceptionnelles et/ou faire l’objet de contreparties de contenus, selon la pratique qui paie, commande, alerte le congrès dans sa résolution générale, qui dénonce la suppression de cette redevance.

Pour les deux ans à venir, nous avons des garanties de financement, nous allons toucher à peu près le même montant, a expliqué Bruno Demange, secrétaire national de FO Médias. Mais à partir de 2024, tout devient incertain.

Le montant du financement sera en effet lié à un contrat d’objectifs et de moyens (COM) qui reste à négocier. Nous avons été reçus fin septembre par la ministre de la Culture qui nous a dit être attachée à un maintien de l’audiovisuel public, mais un maintien pour faire quoi et pour travailler dans quelles conditions ? a-t-il ajouté. Il y a encore beaucoup d’incertitudes. C’est l’un des combats les plus difficiles que nous avons eu à mener depuis pas mal de temps et la partie est loin d’être terminée. Et de rappeler que l’audiovisuel public faisait aussi travailler beaucoup d’entreprises privées et d’artistes, presque plus de monde que le secteur de l’automobile.

Premières hausses de salaire en 20 ans dans le doublage des voix

Au-delà des incertitudes budgétaires, Guillaume Baldy s’est aussi inquiété pour l’avenir de la liberté de ton et de pensée. Pierre Puy, du SNLA-FO voit dans la fin de cette redevance un grave danger pour le cinéma et le spectacle vivant, financés en partie par la redevance. Ainsi, en 2020, France Télévisions a investi 60,2 millions d’euros dans le cinéma, Arte 20 millions d’euros. Nous avons déjà de plus en plus de mal à trouver un financement si nous ne sommes pas dans la ligne, et à moins de d’être dans structure conventionnée et subventionnée, on nous impose de plus en plus un contenu, a-t-il alerté.

Sur le droit d’informer et d’être informé, FO a aussi a été l’une des premières organisations syndicales à mener le combat contre La loi de sécurité globale au printemps 2021 et à revendiquer le retrait des articles les plus contestables. Le gouvernement a dû revoir sa copie, a rappelé Tristan Malle, secrétaire général du syndicat général des journalistes (SGJ-FO).

La question des salaires a également été au cœur des interventions à la tribune. Le congrès, qui s’est ouvert le 18 octobre, a adopté à l’unanimité une motion de soutien aux grévistes des raffineries et à la mobilisation interprofessionnelle organisée ce jour-là. La résolution générale s’oppose au tassement des salaires et des grilles indiciaires constaté depuis 40 ans. La perte de pouvoir d’achat peut être considérable. Par exemple, à Radio France, pour les artistes auteurs, elle a baissé de 47% en 20 ans.

Mais l’action syndicale porte ses fruits. Dans le doublage de voix, les syndicats, qui ont fait front commun, viennent d’obtenir une hausse de salaire de 14% pour les acteurs et de 20% pour les directeurs artistiques. C’est la première augmentation en 20 ans. FO a été le syndicat pivot qui a permis de faire une proposition commune, a expliqué Franck Guilbert. Nous avons évoqué la grève et les employeurs ont cédé. Roland Timsit a rappelé que dans ce secteur, les premiers droits n’ont été obtenus qu’en 1994, après quatre mois de grève.

Dans la branche des mannequins, les syndicats viennent d’obtenir une augmentation générale de 3% aux dernières NAO. C’est historique s’est félicitée Marie-France Vernabel, du jeune syndicat national des mannequins et des métiers de la mode.

Des négociations salariales sont en cours chez Radio France, société de droit privé avec l’État comme seul actionnaire. Les propositions de la direction, une augmentation d’environ 70 euros par mois, sont inférieures aux attentes, a expliqué Guillaume Baldy. FO propose plutôt d’étager les augmentations en favorisant les plus bas revenus.

Au théâtre de l’Odéon, où FO est très bien représenté, le personnel est en grève depuis fin septembre pour exiger des hausses de salaires. Ils n’ont pas été augmentés depuis dix ans ! De nombreuses représentations ont été annulées. Selon Franck Laffitte, du syndicat national des activités artistiques (SN2A-FO), le pouvoir d’achat des salariés y a baissé de 10% en 10 ans.

Négociations salariales difficiles dans la presse écrite

Dans la presse écrite, FO se mobilise aussi contre la précarité croissante dans la profession et pour des hausses de salaire. Des négociations salariales sont engagées dans plusieurs branches. Quand les discussions ont démarré en avril dernier, presque toutes les grilles des professions de la presse commençaient sous le Smic, avec jusqu’à 12 niveaux inférieurs au salaire minimum.

Les négociations sont très difficiles, sauf dans la presse spécialisée où nous avons obtenu des augmentations dignes de ce nom, a précisé Tristan Malle. Dans la presse magazine et les agences de presse, seuls les plus bas salaires ont été augmentés de 2%. Et pour la presse quotidienne nationale, régionale ou départementale, les patrons ont juste daigné aligner les minima au niveau du Smic.

Les NAO en entreprise ce n’est pas mieux, a ajouté Tristan Malle. Les augmentations sont très basses, complétées par une prime de partage des valeurs. Nous revendiquons surtout une augmentation des salaires minimaux pour lutter contre le tassement de la grille qui remet en cause l’évolution de carrière et salariale.

Il a dénoncé aussi une tendance continue à la concentration financière des médias, qui se traduit par des PSE à répétition et une augmentation du mal-être au travail. La pression au travail n’a jamais été aussi intense, comme la perte de sens, a-t-il déploré.

Au Parisien, le groupe LVMH, propriétaire, a mis en place un plan de suppression de postes de plusieurs dizaines de personnes. Vingt-cinq journalistes sont partis du quotidien et du magazine. On s’est bagarrés pour défendre les salariés, les pigistes et ceux qui restaient avec des conditions de travail dégradées, a expliqué Gwenaël Bourdon, déléguée FO au Parisien. Après le refus de la direction de créer quelques postes, une AG a été organisée en octobre par FO et le SNJ. Elle a réuni près de 200 salariés, soit la moitié de la rédaction. Nous avons demandé le remplacement immédiat des absents et des embauches, a poursuivi la militante. Une nouvelle AG est prévue le 10 novembre.

Toujours pas de CPPNI dans la branche des journalistes

Le syndicat se bat aussi pour les salaires. Au lieu d’une augmentation générale, c’est une prime de partage de la valeur qui a été versée aux salariés, sur décision unilatérale de l’employeur. Et les journalistes pigistes, les plus précaires, en étaient exclus d’office. Pour qu’ils en bénéficient au prorata de leur temps de travail, il faudrait que les syndicats signent un accord spécifique, a poursuivi Gwenaël Bourdon. Mais signer un tel accord, c’est contester la présomption de contrat de travail avec l’employeur, c’est nier le statut des pigistes..

Une autre problématique à laquelle est actuellement confronté le SGJ-FO concerne l’application de la loi sur les droits voisins. Cette dernière permet aux agences de presse et éditeurs de journaux et magazines de se faire rémunérer par les géants du numérique – les GAFA - réutilisant leurs contenus sur Internet. Il est prévu que les journalistes bénéficient d’une part appropriée et équitable des sommes reversées. Mais des employeurs, à l’instar de l’AFP, entretiennent l’opacité la plus totale sur les sommes en jeu et refusent de donner le montant des contrats passés avec les GAFA.

Les patrons proposent de donner un forfait aux salariés, par exemple 120 euros par an, mais on ne sait pas à quoi ça correspond, dénonce Tristan Malle. Un recours a notamment été entamé devant la commission des droits voisins à l’encontre du groupe Ebra, qui regroupe tous les journaux de l’Est de la France.

Le syndicat va aussi continuer à se battre dans les prochains mois pour la mise en place d’une commission paritaire permanente de négociation et d’interprétation (CPPNI) dans la branche, pourtant obligatoire. Selon Tristan Malle, les employeurs veulent d’abord remettre en cause la convention collective nationale de travail des journalistes en s’attaquant notamment à certains acquis comme la clause de cession qui permet à des journalistes de partir dans les conditions d’un licenciement économique lorsque leur entreprise est rachetée, ou la prime d’ancienneté conventionnelle.

FO devient majoritaire chez TF1

Pour porter ses combats et assurer l’avenir de la fédération, le Congrès réaffirme que le développement syndical est l’un de ses objectifs prioritaires et impératifs. Si nous ne sommes pas représentatifs dans les entreprises, nous ne sommes pas entendus, a rappelé Françoise Chazaud.

FO a retrouvé une représentativité en 2021 dans la branche des mannequins grâce à Marie-France Vernabel qui, il y a cinq ans, a lancé le syndicat des Mannequins et métiers de la mode.

FO gagne aussi du terrain en entreprises. Ainsi FO Médias vient de prendre la première place à TF1, avec 57% des voix. A l’Agence France Presse (AFP), où les élections professionnelles se sont tenues récemment, FO a gagné 6 points, pour atteindre 13.9% de représentativité.

L’organisation est bien implantée dans l’audiovisuel public, à Radio France, France média monde, INA, trois structures prochainement en élections, ainsi qu’à France Télévisions, où les élections ont eu lieu au printemps. Dans ces quatre structures, FO fait en moyenne 20% et occupe souvent la deuxième place, a expliqué Bruno Demange.

A Radio France, où les élections professionnelles sont prévues en février-mars 2023, la direction propose de créer un CSE central et deux CSE, pour Paris et le réseau France Bleue. Le syndicat FO s’y oppose. Accepter la création d’un CSE France Bleue, c’est accepter la fusion à venir de ce réseau avec les rédactions locales de France 3, a alerté Guillaume Baldy. Nous demandons plutôt un CSE unique et des CSSCT puissants dans les 11 régions pour faire remonter les informations.

Chez les journalistes, FO est la quatrième organisation syndicale de la branche. Là où on est présents, on a de bons résultats, a souligné Tristan Malle.

Franck Laffitte a de son côté salué de bons résultats au Paradis Latin, où FO arrive en tête, de même qu’au Théâtre de la Cité universitaire et au Théâtre de la Ville à Paris. FO a aussi remporté 100% des voix à la Gaité Montparnasse et au nouveau théâtre d’Aubervilliers. Au Lido de Paris, où FO était majoritaire depuis 30 ans, la troupe a été dissoute par le nouveau propriétaire, le groupe Accor, qui ne va conserver que 20% du personnel. FO a obtenu que le reste du personnel soit reclassé avec un départ négocié. Leurs contrats sont maintenus jusqu’à fin décembre.

Françoise Chazaud a aussi souligné que la Fasap était la seule fédération avec des salariés qui ne pouvaient pas voter aux élections professionnelles, les artistes intermittents ne répondant pas aux critères des élections. C’est pourquoi le congrès revendique le rétablissement de critères d’électorat permettant à tous les artistes de voter, comme c’était le cas jusqu’en 2009 avec les élections à l’IRPS-Audiens.

Clarisse Josselin Journaliste à L’inFO militante

L’inFO militante Le bimensuel de la Confédération