Congres FNAS-FO : la mobilisation s’impose contre la réforme des retraites

Action sociale par Clarisse Josselin, FNAS FO, Yves Veyrier

Congrès de la FNAS - 2019

Article publié dans l’action Services à la personne

Près de 250 militants ont participé au XVIIIe congrès de la fédération nationale de l’Action sociale FNAS-FO qui s’est tenu du 19 au 22 novembre à Dunkerque. A deux semaines de l’appel à la mobilisation à partir du 5 décembre, le combat contre la réforme des retraites a été au cœur des discussions. Les congressistes ont aussi dénoncé la marchandisation du secteur, entraînant une dégradation des conditions de travail et une course au moins-disant salarial.

C’est à Dunkerque, terre de résistance ouvrière et de combats syndicaux comme l’a rappelé le secrétaire confédéral Yves Veyrier, qu’était organisé le XVIIIe congrès de la FNAS-FO. Sur les murs du Palais des congrès comme à la tribune, de nombreuses banderoles reprenaient les principales revendications de la fédération, parmi lesquelles : « Aide à domicile, un vrai métier, un vrai salaire » ; « Abrogation des ordonnances Macron » ; « Pour la retraite par répartition pour le maintien des 42 régimes » ; « Résistance, revendications, reconquête ».

Tous les militants et adhérents doivent être dans la rue à partir du 5 décembre contre la réforme des retraites. Dès l’intervention de Jean-François Duflo, secrétaire général de l’UD du Nord, pour son discours de bienvenue, le ton a été donné. La mobilisation et la préparation de la grève interprofessionnelle pour le maintien du régime de retraite par répartition et contre un nouveau recul de l’âge de départ à taux plein ont été au cœur des discussions. Le dossier des retraites est un dossier majeur, il concerne l’ensemble des salariés sur la question des droits et du modèle de protection sociale, a précisé Pascal Corbex en présentant son rapport d’activité. Il a été réélu par le congres dans son mandat de secrétaire général.

Pour FO, le système de retraite n’est pas déficient, il donne un bon niveau de retraite et c’est un régime qui nous est envié ailleurs en Europe, a rappelé Yves Veyrier, qui présidait le congrès. Le 5 décembre, si on veut être entendus, un seul jour ne suffira pas.

Une espérance de vie en bonne santé de 63,5 ans

Les 29 intervenants à la tribune ont, sans exception, appelé à la grève à partir du 5 décembre. Pour Pascal Faugeat de Haute-Savoie, la mobilisation doit être la plus massive possible pour faire reculer le gouvernement. Xavier Bouinier des Côtes d’Armor a rappelé que l’espérance de vie en bonne santé était de 63,5 ans pour les hommes et 64,1 ans pour les femmes. Avec la réforme, les hommes ne pourraient même plus espérer profiter de la retraite en étant valide, a-t-il souligné.

Pour le congrès, le blocage du pays pour obtenir le retrait de ce projet de loi s’impose. La résolution générale précise que la réforme, en instaurant le calcul sur la base de points à la valeur variable et fluctuante, aboutirait à instaurer un système n’offrant plus aucune garantie de revenus fixes versés aux retraités actuels et à venir.

Les délégués revendiquent le maintien et le renforcement du système de retraite par répartition avec un retour aux 37,5 années de cotisation, une retraite calculée sur les 10 meilleures années, le retour au droit à la retraite à 60 ans à taux plein et le maintien de tous les régimes existants.

Augmenter les salaires, une urgence absolue

Concernant plus spécifiquement le secteur de l’Action sociale, l’une des premières revendications concerne les salaires, une urgence absolue face à l’appauvrissement de tous les salariés, rappelle la résolution sociale. Les premiers coefficients des conventions collectives ont été rattrapés voire dépassés par le Smic. Le congrès revendique une augmentation générale et immédiate des salaires à hauteur de 25% minimum, notamment par une revalorisation des valeurs des points conventionnels. Pour tous les salariés de l’Action sociale et médico-sociale, il revendique aussi une amélioration des grilles en fonction de l’ancienneté et de la qualification et un salaire minimum hiérarchique à au moins 120% du Smic. Il demande également un 13e mois pour tous.

La paupérisation des salariés du travail social crée une difficulté à recruter du personnel qualifié et permet aux employeurs de justifier l’embauche de personnel non qualifié, comme le dénonce la résolution professionnelle. Une course au moins-disant salarial est en place.

Catherine Créac, venue du Finistère, en a donné une triste illustration à la tribune. Pour l’aide et le soin à domicile, le financement départemental est insuffisant, même s’il est supérieur à la moyenne nationale, a-t-elle expliqué. Les salariés ont perdu 13% de pouvoir d’achat en 10 ans. Les arrêts de travail augmentent. Les accidents sont deux fois plus nombreux que dans le BTP et les licenciements pour inaptitude augmentent.

Contre la casse du modèle social

Yves Veyrier a rappelé que la confédération demandait l’augmentation du Smic, ce qui permettra de créer une dynamique pour les négociations dans les branches. La prime d’activité de 100 euros octroyée par le gouvernement revient à reconnaître que le Smic ne suffit pas pour vivre, a-t-il ajouté.

Il a aussi rappelé la grande campagne lancée en septembre dernier par la confédération FO pour une revalorisation des métiers des services à la personne, des métiers souvent mal rémunérés et mal considérés mais essentiels à la vie en société.

Le congrès dénonce la logique d’individualisation et de casse de notre modèle social. Selon la résolution générale la méthode est partout la même : casser les cadres collectifs, nationaux, cadres de la solidarité républicaine, pour privatiser et livrer au marché l’éducation, la santé, la prévoyance, les retraites… Il condamne des dispositions gouvernementales qui aggravent l’affaiblissement du service public et de notre secteur à financement public pour aller vers une société de services marchands où seuls ceux qui en ont les moyens pourront se les payer.

Pour le congrès, aujourd’hui plus encore qu’hier, le modèle associatif à but non lucratif est en grand danger. Le secteur est désormais soumis à la loi du marché. Les acquis obtenus par nos anciens volent en éclat, rien n’est épargné aux salariés et retraités et privés d’emploi pour augmenter les dividendes, a dénoncé Marc Mandelbaum du Maine-et-Loire. Nos secteurs sont devenus des variables d’ajustement de l’État, des régions et départements.

Introduction de la tarification à l’acte

Le congrès condamne la loi HPST (hôpital, patients, santé, territoires) qui instaure des procédures d’appel à projet et dans le secteur met en concurrence l’associatif non-lucratif avec le lucratif, les associations entre elles ainsi que les associations avec les fondations. Il condamne aussi les agences régionales de santé (ARS) dont l’objectif est d’obtenir la baisse des dépenses de santé par maîtrise comptable. Il s’oppose à l’étranglement financier programmé des établissements, par la mise en place des contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens (CPOM) dans le cadre d’enveloppes financières bloquées. Tous les établissements sous financement ARS devront contracter un CPOM d’ici 2021. Il exige aussi l’abrogation de la réforme de la tarification des établissements sociaux et médico-sociaux appelée Serafin PH, et qui vise à introduire une tarification à l’acte, comme à l’hôpital.

En conséquence le secteur social, médico-social et sanitaire associatif est mis en concurrence avec le secteur privé lucratif, entre autre par l’intermédiaire d’appels à projet et des fusions absorptions destructrices d’emplois. Cela entraîne la perte des acquis conventionnels pour les salariés, ainsi que des dénonciations d’usages et d’accords d’entreprise. Les conditions de travail se dégradent, tout comme les capacités de réponse aux besoins des populations accueillies. Michel Poulet du Bas-Rhin, a rappelé que les attaques pleuvent contre nos droits, tout devrait donc disparaître et nous avec, alors qu’on n’a jamais produit autant de richesses.

Le Congrès condamne ces choix politiques et rappelle aux salariés de l’Action sociale qu’ils peuvent compter sur la FNAS-FO pour construire le rapport de force afin de mettre un terme à ces politiques dévastatrices.

Contre l’inclusion forcée des personnes en situation de handicap

Dans le Loiret, une intersyndicale FO, CGT et Sud a lancé un appel à la grève le 28 novembre pour les salariés du secteur de la protection de l’enfance. Alors que les enfants se retrouvent en réel danger en raison d’un manque de places et de professionnels, le département fait le choix de réduire les budgets dédiés. Cette action n’est pas isolée en France, il est important d’unir les forces, a ajouté Franck Kerbel. L’organisation d’une mobilisation nationale pour défendre la protection de l’enfance a été demandée par Gauthier Grassin d’Indre-et-Loire. Localement il y a des mouvements presque tous les jours a-t-il ajouté.

Le congrès s’oppose aussi à l’inclusion forcée et systématique des enfants, jeunes et adultes en situation de handicap en milieu ordinaire, ce qui conduit au non-respect de leurs besoins spécifiques et à la fermeture des établissements médico-sociaux. Cette inclusion recommandée par l’ONU n’est pour la FNAS-FO qu’un prétexte pour réaliser des économies budgétaires. C’est la destruction du secteur médico-social, il y a une pression des financeurs pour réduire le nombre de places en institution, et on embauche du personnel non qualifié, a dénoncé René Malle d’Ille-et-Vilaine. Lionel Chatelain, du Doubs, a de son côté dénoncé la négation du travailleur handicapé, qui doit être de plus en plus productif. C’est aussi ne pas prendre en compte le bien-être de l’enfant et ses besoins spécifiques.

Garantir des postes en nombre suffisant

Le secteur social et médico-social revendique des budgets opposables permettant de garantir des postes en nombre suffisant pour un travail de qualité. Il revendique aussi une augmentation du nombre de postes à hauteur des besoins.

Pour la branche de l’aide à domicile, le congrès revendique également la prise en compte de tous les temps de déplacement en temps de travail effectif et une organisation qui respecte la vie privée avec une limitation de l’amplitude journalière à 10h et l’arrêt du fractionnement des journées de travail.

Autre dossier brûlant du secteur, la défense des conventions et accords collectifs nationaux, alors que le patronat accélère la fusion des branches et tente d’empêcher la négociation collective, a dénoncé Pascal Corbex. Il a rappelé que la fédération se bat depuis juillet contre le regroupement des conventions 66 et CHRS voulu par Nexem, organisation qui représente les employeurs du secteur. Avec la CGT et Sud, elle a fait jouer son opposition majoritaire. Si la 66 existe toujours, c’est parce qu’on a pris des initiatives, on s’est mobilisés, créé des liens avec les autres organisations syndicales, ça a fait plier les employeurs. Mais la CGT n’est pas opposée à une complémentaire santé commune, c’est une première faille.

Les conventions collectives, un rempart à la marchandisation

Hervé Le Marquand, d’Indre-et-Loire, a expliqué que les salariés de sa structure qui accueille des adultes autistes travaillaient sous la convention de l’aide à domicile, et non sous la 66. C’était même une condition d’ouverture de l’établissement en 2006, dénonce-t-il. On a fait une action pour changer de convention collective mais la 66 coûte trop cher selon les financeurs.

Le congrès rappelle dans sa résolution générale que les conventions collectives garantissent à tous les salariés des droits égaux, quelle que soit la taille des services et établissements, et ce, partout en France. Elles restent un rempart à la marchandisation, à la déqualification à la braderie du social. Il rappelle aussi que de nombreux salariés du secteur ne sont pas couverts par une convention et se retrouvent soumis au seul code du travail.

Pour le secteur sanitaire, social et médico-social à but non lucratif, le projet patronal est d’imposer une convention collective unique à minima destinée principalement à réduire le coût du travail. Ce serait un socle commun que les accords d’entreprise devraient ajuster. Le congrès s’y oppose et appelle ses syndicats à mener une campagne d’information contre les dangers de ce type de projet. Il appelle aussi à combattre la loi Travail et les ordonnances Macron et réaffirme son attachement à la libre négociation dans le respect du principe de faveur.

Pascal Corbex a rappelé que les dernières réformes du code du travail permettent de dégrader les conditions de travail en entreprise. Ainsi, au sein de l’association Coallia, la direction a utilisé les ordonnances pour remettre en cause la convention 66. Malgré l’opposition majoritaire, il a fait passer une remise en cause des congés trimestriels par référendum, a dénoncé le secrétaire général de la FNAS-FO.

FO première organisation à l’Armée du Salut

A quelques semaines de la date couperet du 31 décembre 2019 pour les élections du CSE, Yves Veyrier a appelé les congressistes à se bagarrer jusqu’au bout. Michel Chevry, de la Sarthe, a souligné de belles victoires remportées localement par FO : à l’Adapei 72, avec 39% des voix pour 1 000 salariés, ou dans l’organisme Adimc 72 (250 salariés) avec 91% des voix et 9 sièges sur 10. FO est également devenu première organisation syndicale à l’Armée du Salut, avec 49.8% des voix. Autre résultat tombé en plein congrès chez Coallia, avec 18% (+4 points) avec plus de votants ou encore aux Apprentis d’Auteuil, FO prend la première place au premier tour.

En matière de syndicalisation, le département du Nord connaît une hausse importante des adhésions comme l’a souligné David Legrand, secrétaire général du SADS 59. Les salariés en ont ras le bol du blocage des salaires, de la dégradation des conditions de travail, de la mise à mal du paritarisme, de la remise en cause des diplômes, des baisses des dotations publiques, a-t-il ajouté. Le syndicat départemental de la Sarthe connaît lui aussi une hausse spectaculaire des adhérents tandis que celui du Loiret vient de se reconstituer.

Même s’ils augmentent localement, Pascal Corbex a reconnu un tassement des adhérents au niveau national en 2017 et 2018. Mais dans le même temps, les votes pour FO ont augmenté. Pour lutter contre l’offensive sans précédent contre les droits collectifs et le syndicalisme libre et indépendance, le congrès appelle les syndicats à renforcer nos implantations et à se développer dans l’ensemble des associations et services du secteur pour créer de réelles conditions du rapport de force . Continuons de tenir bon et de tenir tête, a lancé le secrétaire général.

Hommage à Josette Ragot


Plusieurs camarades ont rendu hommage à Josette Ragot, secrétaire générale adjointe de la FNAS, décédée en avril dernier après un long combat contre la maladie. Auxiliaire de vie sociale, elle a beaucoup œuvré dans la branche de l’aide à domicile pour l’amélioration des conditions de travail et la professionnalisation du secteur. Elle a ainsi largement contribué à la négociation des accords qui ont abouti à la création d’une seule convention collective étendue dans le secteur de l’aide à domicile. Elle siégeait également au CESE dans le groupe FO depuis 2015.

Clarisse Josselin Journaliste à L’inFO militante

FNAS FO Action sociale

Yves Veyrier Ex-Secrétaire général de Force Ouvrière