Selon l’article L 1411-1 du code du travail, les conseils de prud’hommes (CPH) règlent par voie de conciliation les différends qui peuvent s’élever à l’occasion de tout contrat de travail. L’article R 1454-10 du code du travail précise que « le bureau de conciliation entend les explications des parties et s’efforce de les concilier ». Le CPH juge les litiges lorsque la conciliation, devant le bureau de conciliation et d’orientation (BCO), n’a pas abouti.
Les parties peuvent-elles subordonner la saisine du CPH à l’engagement préalable d’une conciliation ou d’une médiation extra-judiciaire ?
Sauf pour certaines professions (comme les officiers publics, les médecins ou les dentistes, voir notamment Cass. soc., 21-9-22, n°21-14171 : dans la profession de dentiste, toutes les contestations sur la validité, l’interprétation, l’exécution ou la résolution de la convention doit, avant toute action en justice, être soumises à une tentative de conciliation devant le président du Conseil départemental, conformément aux dispositions de l’article R. 4127-259 du code de la santé publique), la Cour de cassation considère systématiquement que les clauses contractuelles ou conventionnelles imposant, avant de saisir le juge, une procédure de médiation préalable en cas de litige sont inopérantes : en raison de l’existence en matière prud’homale d’une procédure de conciliation préliminaire et obligatoire, une clause du contrat de travail qui institue une procédure de médiation préalable en cas de litige survenant à l’occasion de ce contrat n’empêche pas les parties de saisir directement le juge prud’homal de leur différend (Cass. soc., 14-6-22, n°22-70004, avis ; Cass. soc., 5-12-12, n°11-20004). Autrement dit, sans remettre en cause la licéité de telles clauses, la Cour de cassation les considère de facto comme facultatives, y compris si les parties avaient prévu son caractère obligatoire. Au final, l’effet dissuasif recherché n’a plus d’intérêt, fort heureusement. Les stratégies d’évitement de la justice doivent être rigoureusement combattues.
Une fois saisi, le CPH peut proposer une médiation judiciaire aux parties. Selon l’article R 1471-2 du code du travail, le bureau de conciliation et d’orientation ou le bureau de jugement peut, quel que soit le stade de la procédure :
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1° Après avoir recueilli l’accord des parties, désigner un médiateur afin de les entendre et de confronter leurs points de vue pour permettre de trouver une solution au litige qui les oppose ;
2° Enjoindre aux parties de rencontrer un médiateur qui les informe sur l’objet et le déroulement de la mesure.
L’accord est homologué, selon le cas, par le bureau de conciliation et d’orientation ou le bureau de jugement
Dans les deux cas, la mesure de médiation est facultative pour le juge qui décide souverainement d’y avoir ou non recours. Il conserve par ailleurs la possibilité de mettre fin, à tout moment, à une médiation sur demande d’une partie, à l’initiative du médiateur ou même d’office lorsque le déroulement de la médiation apparait compromis.
La médiation judiciaire peut intervenir à toutes les étapes de la procédure, y compris en référé.
Attention, la médiation judiciaire est une procédure payante : les frais de la médiation sont à la charge des parties, celles-ci déterminent librement entre elles leur répartition (art. 22-2 de la loi n°95-125 du 8 février 1995, modifié).
Pour Force Ouvrière (et notre Congrès de 2022 l’a rappelé expressément dans la résolution sociale), si une justice prud’homale rapide et efficace peut passer par davantage de résolution à l’amiable des litiges, notre organisation rappelle sa ferme opposition à toute forme de médiation (qui est en train d’envahir toutes les juridictions : voir notamment le décret n°2022-245 du 25 février 2022 et la loi n°2021-1729 du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l’institution judiciaire), et souligne qu’une phase de conciliation efficiente devant le CPH suppose le rétablissement d’une comparution personnelle des parties, sous peine de sanctions financières.
FO invite fortement ses conseillers prud’hommes à mieux utiliser la phase de conciliation obligatoire devant le CPH (le BCO ne doit pas hésiter, lorsqu’il le juge nécessaire, à obliger l’employeur à comparaître personnellement en vertu du dernier alinéa de l’article R 1454-1 du code du travail. En effet, si le fait d’imposer la comparution personnelle des parties nécessite de renvoyer l’affaire à une audience ultérieure, un renvoi à bon escient peut aboutir finalement à de réelles chances de concilier. L’efficacité de la justice peut passer par le fait que le BCO se donne le temps et donne le temps aux parties de concilier) et à bannir la médiation judiciaire, qui est de nature à affaiblir la spécificité de la juridiction prud’homale. Le préliminaire de conciliation devant la juridiction prud’homale constitue une formalité substantielle ; l’omission de cette formalité est susceptible d’entraîner la nullité du jugement.
Au final, la médiation judicaire ne peut éventuellement trouver son intérêt que lorsque la phase de conciliation devant le CPH n’est pas obligatoire (ex : référé, requalification d’un CDD en CDI)… mais, en aucun cas, elle ne doit servir à « assécher » la justice prud’homale.
La médiation judiciaire ne doit jamais supplanter la conciliation devant le BCO. La gratuite et l’oralité de la procédure doivent être maintenues coûte que coûte. L’État se doit avant tout de renforcer les moyens matériels et humains des CPH et non ériger des obstacles à la saisine du juge malheureusement de plus en plus nombreux, la médiation judiciaire en ce qu’elle constitue une alternative au juge s’inscrit totalement dans cette tendance.