Définir le périmètre et le nombre des établissements distincts n’est pas toujours chose aisée.
Quand aucun accord n’est trouvé, les critères posés par le code du travail ne sont pas toujours d’une grande clarté. Il renvoie à l’autonomie de gestion de chaque responsable des établissements, notamment en matière de gestion du personnel (art. L 2313-4 du code du travail).
En 2018, une société organise des élections professionnelles. Lorsque arrive le moment de négocier leur périmètre de mise en place, employeur et OS ne parviennent pas à se mettre d’accord.
Selon les textes, il revient alors à l’employeur, par décision unilatérale, de fixer le nombre de CSE d’établissements. Cette décision est confirmée par le Direccte (dorénavant Dreets) et le tribunal judiciaire, tous deux saisis par plusieurs OS.
Mais au cours du processus électoral, et alors que des premières élections avaient été annulées par le juge, l’employeur, par une décision unilatérale, décide de la perte de la qualité d’un établissement distinct ainsi que du transfert d’agence de cet établissement vers un autre. Les OS ne contestent pas cette décision. Mais 7 des salariés (dont parmi eux, semble-t-il, des candidats à l’élection professionnelle du CSE d’établissement) ne sont pas satisfaits de cette décision.
Ils saisissent le juge et demandent la suspension des effets de la décision unilatérale et l’organisation d’élections sur le périmètre de l’établissement.
C’est dans ce contexte que la Cour de cassation (Cass. soc., 20-10-21, n°20-60258) a été saisie de la question suivante :
Les salariés sont-ils recevables à contester la décision unilatérale de l’employeur (DUE) qui constate la perte de la qualité d’un établissement distinct ?
Les arguments des salariés étaient intéressants d’un point de vue juridique :
– Selon eux, il faudrait distinguer le contenu de la DUE, en l’espèce la suppression d’un établissement distinct, de la DUE elle-même, en tant que norme ou contenant. En conséquence, dès lors que ceux-ci demandent la suspension de la DUE, peu important son contenu, le fait pour les juges, de les déclarer irrecevables à l’action, serait une méconnaissance de leur droit d’agir (art. 31 du CPC).
– Plus encore, les priver de leur droit d’agir porterait atteinte au droit pour chaque travailleur de participer à la détermination de ses conditions de travail, droit constitutionnellement protégé.
Mais la Cour de cassation ne « l’entend pas de cette oreille ».
En effet, pour elle :
– La DUE a pour objet de constater la perte de qualité d’un établissement distinct au sens de l’article L 2313-1 du code du travail.
– Or, ce constat a pour effet de modifier le nombre et le périmètre des établissements au sens de l’article L 2312-2 suivants du code du travail.
– En conséquence, seules les OSR ou les OS ayant constitué une section syndicale dans l’entreprise, peuvent contester, devant la dreets, la DUE (art. R 2313-1 al 3).
La Cour de cassation en conclut que Le tribunal en déduit à bon droit que les salariés n’étaient pas recevables à demander la suspension des effets de cette décision unilatérale et l’organisation d’élections sur un périmètre n’étant plus reconnu comme constituant un établissement distinct
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Par conséquent, seules les OSR et les OS ayant constitué une section syndicale, sont recevables à contester la DUE devant l’autorité administrative :
– À l’exclusion des salariés de l’établissement concerné,
– A l’exclusion de la section syndicale elle-même (Cass. soc., 3-3-21, n°19-21086).
Aux termes de l’article R 2313-1 du code du travail, le CSE peut également agir, lorsque la négociation a été menée avec lui dans les conditions de l’article L 2313-3 du code du travail.
La réponse n’était pas forcément évidente. En effet, l’article L 2313-6 du code du travail dispose que : La perte de la qualité d’établissement distinct dans les cas prévus aux articles L 2313-2 à L. 2313-5 emporte la cessation des fonctions […]
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La formulation pouvait créer un doute, désormais lever avec cette décision : les dispositions des articles L 2313-5 et R 2313-1 du code du travail, relatives à la procédure de contestation de la DUE, s’appliquent en matière de perte de la qualité d’établissement distinct.
Ainsi, lorsque les OS ne contestent pas la décision, comme en l’espèce, les salariés ne pourront pas agir par ce biais.
Quelles seront les suites de cette décision ?
– Pour les salariés titulaires d’un mandat, La perte de la qualité d’établissement distinct dans les cas prévus aux articles L. 2313-2 à L. 2313-5 emporte la cessation des fonctions des membres de la délégation du personnel du comité social et économique de cet établissement, sauf si un accord contraire, conclu entre l’employeur et les organisations syndicales représentatives dans les conditions prévues au premier alinéa de l’article L. 2232-12, ou à défaut d’accord d’entreprise, un accord entre l’employeur et le comité social et économique concerné, permet aux membres de la délégation du personnel du comité d’achever leur mandat.
(art. L 2313-6 du code du travail).
– Lorsqu’un établissement perd sa qualité d’établissement distinct, le personnel de cet établissement doit être rattaché à un nouvel établissement et des élections sont organisées conformément à la nouvelle configuration de l’entreprise (Cass. soc., 23-11-03, n°04-60446).
S’agissant des critères et des moyens retenus pour constater la perte de la qualité d’un établissement distinct, il semble donc que cela se fasse dans les mêmes conditions que pour la reconnaissance de cette qualité.
Qu’il s’agisse d’ajouter, supprimer, modifier le périmètre, tout se passe selon la même procédure, à quelques exceptions près.