COP22 : la « COP de l’Action » inactive

Economie par Pascal Pavageau, Secteur Économique

Article publié dans l’action Dossier Climat

La COP22 s’est déroulée courant novembre à Marrakech. Force Ouvrière y participait [1] et a, comme en décembre 2015 à Paris, rappelé ses positions et revendications.

Après la « COP de l’Accord » à Paris en 2015, la COP 22 s’annonçait comme la « COP de l’action ». En l’occurrence, l’attentisme et les tentatives de retours en arrière ont surtout marqué ces quinze jours : l’élection américaine a apporté sa part d’incertitudes, le lobbying des multinationales et de la finance a été très marqué, et la mobilisation des politiques s’est limitée à des déclarations de principe voire à des rétropédalages. Cela, sans compter les effets dévastateurs des différentes politiques d’austérité sur la mise en œuvre concrète des mécanismes de financement d’aides au développement.

De Paris...

Lors de la COP21, les 197 États présents avaient conclu l’Accord de Paris, centré sur la limitation de la hausse des températures à -2°C, la réduction des gaz à effet de serre et le financement de la lutte contre le changement climatique.

Les droits de l’Homme et le social étaient alors sortis de la partie opérationnelle de l’Accord pour être relégués au préambule, niant de fait l’urgence sociale [2]. S’il n’y a pas d’emplois sur une planète morte, à quoi bon des emplois dits « verts » si les salariés broient du noir ?

Depuis, en France, les termes de l’Accord de Paris sont remis continuellement en question par les politiques d’austérité et autres politiques libérales. Alors que la Présidence française de la COP21 appelait à un « Accord environnemental international », le gouvernement supprimait des moyens de transports collectifs, augmentait tant la fiscalité environnementale par essence injuste et punitive que les coûts de l’énergie faisant passer le nombre de personnes en précarité énergétique de 8 à 12,6 millions en 5 ans, soit 1 citoyen sur 6 !

L’incohérence gouvernementale allait jusqu’à dénoncer les inégalités croissantes, la pauvreté grandissante et le fléau du chômage sans pour autant plaider auprès des autres États membres des Nations Unies pour que le social soit au cœur de cet Accord de Paris et pour que la lutte contre le changement climatique ne serve pas de prétexte à la suppression d’emplois et au dumping social.

Durant cette année de présidence française, jamais la dimension sociale n’a été prise en compte, ni au niveau national au niveau du Conseil national de la transition écologique (CNTE), ni au niveau international (aucune rencontre avec la Confédération Syndicale Internationale (CSI) n’ayant pu être organisée par refus du gouvernement français).

… à Marrakech

De la COP21 à la COP22, il n’y avait qu’un pas. Un pas à franchir, celui de l’action pour la traduction concrète des engagements pris. Entré en vigueur le 4 novembre 2016, quelques jours avant l’ouverture officielle de la COP22, l’Accord de Paris nécessitait d’établir un plan d’interventions clair, assorti d’un calendrier précis et si possible rapide.

Pourtant, le démarrage a été plus lent qu’un diesel. Si l’élection présidentielle américaine a soulevé des inconnues, certains États ont également tenté de revenir sur les termes de l’Accord.

Au final, à Marrakech, les États se sont entendus pour que les règles mettant en musique l’Accord de Paris soient prêtes en 2018, les mesures réduisant les gaz à effet de serre entrant en vigueur seulement en 2020. Mais pour l’instant, de nombreuses questions restent en suspens sur les modalités de mise en œuvre des plans nationaux de réduction des gaz à effet de serre. Les règles restent surtout à définir pour les pays émergents tels que la Chine ou le Brésil qui ne veulent pas voir leur développement remis en question par des mesures contraignantes. Les pays les moins avancés s’inquiètent eux du peu de soutien prévu pour les mesures d’adaptation et dénoncent un « financement vert » surtout destiné à la réduction des gaz à effets de serre par le biais du soutien aux énergies renouvelables. Alors que le financement des mesures d’adaptation recevra 10 milliards de dollars par an d’ici 2020, le Programme des Nations Unies pour l’Environnement (PNUE) a évalué les besoins réels à 300 milliards de dollars par an en 2030.

La nature des financements est également source d’inquiétude, avec des politiques d’austérité qui s’appliquent un peu partout et une influence des lobbyings privés financiers de plus en plus importante. Le patronat mondial, dans une déclaration en date du 17 novembre 2016, relayée par le Medef en France, demande à être directement associé à la mise en œuvre des engagements environnementaux nationaux en priorité via une privatisation massive des actions publiques à mettre en œuvre, en dépit des craintes déjà exprimées sur le conflit d’intérêt. Enfin, pour pallier l’attentisme de ces quinze jours, la « plateforme 2050 » a été lancée, regroupant 22 pays, dont la France, s’engageant à présenter un programme climat à 30 ans, d’ici à 2050. Une COP22 poussive, qui se fractionne et se disloque après une ambition unanimement affichée il y a un an à Paris.

Autre symbole de la désorganisation ambiante, 2017 verra une COP organisée par les îles Fidji… mais à Bonn en Allemagne ! Le réchauffement climatique provoque semble-t-il une vaste tectonique des plaques…

Force Ouvrière y a porté ses revendications

Dans un tel contexte paradoxal qui voit l’Accord de Paris refroidir à Marrakech, en plein réchauffement climatique, Force Ouvrière, aux côtés de la CSI, a dû se battre afin de rendre audibles les questions sociales. Les exemples de l’impact négatif du réchauffement climatique sur les travailleurs se multiplient partout dans le monde, comme de nombreux syndicats en ont témoigné : obligation de travailler la nuit face aux fortes chaleurs, déplacements voire fermetures des lieux de production du fait de la montée des eaux, ruptures énergétiques, etc.

FO a combattu des orientations qui tentaient de remettre en question les termes de l’Accord de Paris, notamment dans sa dimension sociale qui avait pourtant été largement réduite à la COP21. Pour FO, il ne peut pas y avoir de concrétisation réelle de l’Accord de Paris sans mesures concrètes pour les salariés et les droits fondamentaux, sans investissements publics, sans soutien majeur aux services publics, sans formation professionnelle, sans augmentation du budget alloué à la recherche et au développement et sans garantie du développement de l’énergie sous contrôle et gestion publique des États.

FO a rappelé et défendu le rôle crucial de l’Organisation Internationale du Travail, de ses lignes directrices de 2015 en matière environnementale et de ses normes internationales. Selon nous, l’OIT doit être considéré par les États comme un acteur majeur et incontournable du processus COP. De nombreux enjeux sont encore prégnants et FO entend porter ses revendications aux niveaux national, européen et international jusqu’à la prochaine échéance de novembre 2017 à Bonn où les organisations syndicales devront être plus et mieux entendues que lors de cette COP22.

Face à l’urgence sociale liée à ces dossiers, FO condamne l’hégémonie de la dimension économique sur le social et l’environnemental et s’oppose à ce qu’un peu d’environnement se paye sur le trop peu social. L’enjeu des COP est réel pour y permettre un rééquilibrage des trois piliers, seul moyen de garantir un développement durable et respectueux des droits fondamentaux.

Achevé de rédiger le 23 novembre 2016

Pascal Pavageau Ex-Secrétaire général de Force Ouvrière

Secteur Économique

Notes

[1La délégation FO était composée de Pascal Pavageau, secrétaire confédéral, Cécile Potters, assistante confédérale, Marjorie Alexandre, assistante confédérale, et Yves Giquel, assistant confédéral.

[2InFOéco n°111 du 18 décembre 2015