COPie blanche sociale pour la COP

Économie par Pascal Pavageau, Secteur Économique

(Photographies : F. Blanc / FO Hebdo - CC BY-NC 2.0) - flickr.com/force-ouvriere
Article publié dans l’action Dossier Traités de libre-échange commerciaux

InFOéco n°110 du 18 décembre 2015

PDF - 666.6 ko

Pour la première fois depuis longtemps, la COP de Paris offrait la possibilité d’inscrire enfin noir sur blanc tant des engagements fermes et contraignants en termes de travail décent que des mesures d’accompagnements et de compensations pour les travailleurs face au changement climatique. Cela aurait été l’occasion de faire figurer des revendications sociales dans un accord international jusqu’ici limité à des engagements environnementaux et économiques.

COPland :

En 1992, le Sommet de la Terre à Rio voit adopter la Convention-Cadre des Nations-Unies sur les changements climatiques (CCNUCC). Cette Convention entre en vigueur en 1994 et rassemble 195 États qui se retrouvent depuis chaque année afin de négocier pour lutter contre les changements climatiques lors d’une Conférence des Parties (COP). Sommet mondial, la COP est aussi l’organe suprême de la Convention. Les décisions qui sont prises dans le cadre des COP le sont à l’unanimité et par consensus, ce qui impose un gros travail diplomatique.

En 1997, la CCNUCC est complétée par le protocole de Kyoto lors de la COP3, premier traité de réduction des gaz à effet de serre. Ce protocole sépare les pays en deux ensembles : les pays développés et les pays en développement, désignés souvent par les expressions « pays du Nord » et « pays du Sud », et impute aux pays développés la responsabilité principale du changement climatique et de ses impacts. Le protocole place une plus lourde charge sur ces pays afin d’inverser la tendance, notamment en établissant des objectifs de réduction de leurs émissions de gaz à effet de serre. Ainsi, les engagements sont communs mais les responsabilités différenciées.

Y a-t-il un COPilote dans l’avion ?

Si tous les États partagent le constat du changement climatique dès 1992 et affirment en 2015 l’urgence à agir, il n’en reste pas moins que chaque année, nombreuses sont les déceptions quand les décisions des parties se résument à l’urgence… d’attendre !

Presque un quart de siècle après la première prise de conscience mondiale de l’évolution climatique, les engagements pris ne sont toujours pas respectés, aucun mécanisme de suivi n’est en place, les dissensions grandissent servant de nombreux intérêts, loin des impacts pourtant déjà bien réels sur les populations du monde entier. Faut-il essayer de limiter la hausse des températures à 1, 2 ou 3°C ? Par quels types de financement abonder le Fonds vert sensé atteindre 100 milliards par an d’ici 2020 ? Quelles responsabilités des États alors que ces derniers ne sont pas sur un plan d’égalité en termes de développement et de pollution ? Et surtout, faut-il reconnaître un lien direct entre climat et emplois ?

Ainsi, la COP21 revêtait l’espoir d’une prise de responsabilité des 195 États en faveur d’une clarification des financements sur le Fonds vert, d’engagements à court terme sur la réduction des gaz à effet de serre et sur la limite de la hausse des températures à deux degrés et enfin, d’une inclusion des préoccupations sociales dans un accord environnemental.

Bad COP vs. Good COP

Alors même que les COP visent à prendre des décisions environnementales afin d’atteindre des objectifs de lutte contre les changements climatiques, à nouveau, à l’instar des négociations du TTIP, le pilier économique s’impose en maître sur l’échiquier de la scène internationale. En effet, les puissants lobbies patronaux et financiers ont rythmé la partie, poussant vers un accord a minima.

De plus, de nombreuses multinationales, cherchant à s’acheter une conscience, étaient déclarées partenaires de la COP21 à travers le financement qu’elles y apportaient, alors que certaines d’entre elles ne respectent même pas les normes fondamentales du travail ou environnementales dans leurs activités !

Ainsi, leur objectif était double lors de cette COP21 : tirer vers le bas les ambitions des États parfois contradictoires avec leurs intérêts, tout en procédant à une opération de « greenwashing » internationale permettant de redorer un blason et une réputation bien émoussés par ailleurs pour certains...

Face à cela, la Confédération Syndicale Internationale (CSI) avait adopté lors de son dernier congrès en mai 2014 à Berlin une position ferme sur le climat et les nécessaires mesures sociales. De même, Force Ouvrière a fait entendre ses revendications au sein de la CSI en participant activement aux travaux préparatoires de cette COP21 tout en assurant une présence quotidienne à la Conférence de Paris qui s’est déroulée du 30 novembre au 13 décembre 2015. Durant les 15 jours, notre organisation a notamment assuré à quatre reprises la Présidence de réunion de la Coordination Syndicale qui avait la charge d’informer tous les syndicats présents sur l’état d’avancement des négociations.

Revendications du mouvement syndical international

La CSI avait trois axes de revendications majeures :

  • Garantir des mesures de transition juste pour les travailleurs ;
  • Clarifier la participation des pays développés au Fonds vert pour le climat afin d’assurer le financement des mesures d’adaptation au changement climatique et augmenter ce fonds après 2020 ;
  • Relever l’ambition des États en termes de limitation de la hausse de températures à 2°C et assortir les engagements d’un mécanisme de suivi périodique.

Le texte de la COP21 est loin de satisfaire ces revendications. Pour autant, par certains aspects, cet accord peut constituer une première étape, certes timide, mais sur laquelle s’appuyer. D’autant plus que le mouvement syndical est notamment vivement conforté par l’adoption par l’OIT cette année-même des principes directeurs sur la transition juste et par les propos du directeur général du Bureau International du Travail, consacrant le travail énorme accompli depuis Copenhague par les syndicats, et les appelant à propager ces revendications notamment lors de la prochaine Conférence Internationale du Travail de juin 2016 qui verra réuni les représentants des États, des salariés et du patronat.

Revendications FO : Combattre, Oser, Promouvoir

Pour FO, l’enjeu principal était de faire reconnaître dans l’Accord de Paris les impacts de l’évolution climatique sur le social et les emplois afin qu’on cesse de réduire ces problématiques à des décisions économiques et environnementales, alors que toujours plus de salariés sont concernés par les impacts du changement climatique : mobilités imposées, changements d’organisation du travail ou encore nouvelles pénibilités.

La COP21 a été l’occasion pour FO de réaffirmer que les évolutions climatiques ne doivent pas servir de prétexte pour favoriser des approches de « décroissance » ou pour supprimer des emplois, des qualifications et des activités productives et industrielles. Bien au contraire, il faut répondre à des besoins et qualifications nouvelles, en s’appuyant sur les filières et branches professionnelles existantes et développer notamment « l’économie circulaire ».

Durant la COP de Paris, la délégation FO a rappelé l’exigence de notre organisation de prendre en considération les revendications du monde syndical et des travailleurs ainsi que la contribution vitale des investissements publics et du contrôle public : pas d’adaptation possible en diminuant les budgets, les effectifs et les moyens publics et en supprimant les implantations locales à proximité des citoyens.

Lors du Forum Syndical ayant pour but de réaffirmer les revendications syndicales du monde entier, FO a eu l’occasion de rappeler son opposition aux partenariats public-privé (PPP), que ce soit aux niveaux national et international. FO considère qu’ils sont antinomiques avec les objectifs de la COP21 puisqu’ils permettent à des groupes d’intérêts privés de tirer profit de la situation plutôt que de répondre aux besoins publics. Au contraire, toutes les politiques publiques environnementales et sociales imposent une mise en œuvre ou des effets de leviers par les investissements publics et les services publics et un pilotage par l’État. Or, les moyens dévolus à la recherche publique française sont, à ce jour, insuffisants pour accélérer l’innovation et provoquer un effet de levier sur la recherche privée dans les secteurs porteurs d’emplois nouveaux.

De plus, FO a œuvré pour que la CNCDH, Commission Nationale Consultative des Droits de l’Homme, adopte en assemblée plénière un communiqué en soutien aux revendications exprimées par le mouvement syndical international et rappelle ainsi le lien entre transition juste et droits sociaux fondamentaux.

Alors que la COP21 était l’occasion de Combattre l’austérité et le dumping, Oser le social, Promouvoir l’intervention publique pour le 21e siècle, le résultat est loin d’être atteint.

280 millions pour rendre COPie blanche sociale

La présidence française de la COP était assurée par le ministre français des Affaires Etrangères. Depuis plus d’un an et en amont de cette COP, celle-ci n’a eu de cesse de répéter qu’elle souhaitait aboutir à un accord ambitieux et contraignant, comportant des engagements forts, notamment sur le Fonds vert et l’objectif de limiter à 2°C le réchauffement climatique. Mais elle affichait aussi sa volonté de prendre en compte les revendications de « transition juste », à savoir de mesures d’adaptation et de compensation aux impacts du changement climatique sur les travailleurs et à la nécessité d’un travail décent tel que défini par l’OIT.

Ces promesses ont culminé lors de l’adoption d’une déclaration France – Pérou au mois de juin dernier lors de la Conférence Internationale du Travail à Genève qui demandait de « mieux intégrer les dimensions du travail décent dans la lutte contre le changement climatique » et insistait sur le fait que « l’action sur le changement climatique, si elle est bien gérée, peut dès lors permettre de créer des emplois plus nombreux et de meilleure qualité ». En son article 1, la déclaration appelait les Parties à la CCNUCC à « s’assurer que le futur accord sur le changement climatique intègre une reconnaissance claire des liens étroits entre le changement climatique et le travail décent ». Elle appelait, entre autres, à davantage de justice sociale, à l’égalité des sexes, à l’éradication de la pauvreté et à l’exercice des droits fondamentaux.

Pourtant, au fur et à mesure de l’avancée de la COP de Paris, dont le coût pour les finances publiques est d’au moins 280 millions d’euros, la Présidence française s’est faite plus timide quant à la mise en avant de ces objectifs. Elle a sciemment sacrifié les engagements sociaux allant jusqu’à refuser tout contact et échange avec la CSI et les organisations syndicales françaises.

Au final, l’accord de Paris est un accord des plus ambigus : s’il a le mérite de rassembler les 195 États parties à la CCNUCC autour d’un accord sur le climat, cet accord est un accord a minima. En effet, si les ambitions affichées sont de contenir la hausse des températures à 2°C (ce qui restera une orientation inatteignable tant que les énergies fossiles seront moins coûteuses que les énergies renouvelables et que les blocages contre l’énergie nucléaire demeureront) ou bien d’abonder le Fonds vert, il n’y a aucun caractère contraignant et aucun suivi des engagements.

Soulignons également que cet accord, pour entrer en vigueur, nécessite 55 ratifications nationales d’ici 2016…. et passer d’éventuels barrages nationaux comme ceux du Congrès américain !

Malgré tout, FO est déterminé à poursuivre son engagement pour que le social et les droits fondamentaux des travailleurs soient pris en compte dans les accords environnementaux internationaux, notamment lors de la COP22 de décembre 2016 qui se déroulera au Maroc.

Achevé de rédiger le 18 décembre 2015

Pascal Pavageau Ex-Secrétaire général de Force Ouvrière

Secteur Économique