Une sourde hostilité commence à l’entourer, le drame lui est reproché, de manière plus ou moins ostensible, par collègues et même direction tandis que l’inspection du travail entre en jeu. Alors en Émilie va se réveiller l’humain, qu’elle a tant mis sous l’éteignoir en tant que bras armé de la raison d’entreprise. Elle est obligée d’utiliser du déodorant tout le temps. C’est une forme d’humanité non contrôlée, qu’elle surveille. On sent la peur qui lui échappe, on comprend qu’elle a une armure, comme dans ces situations de travail où l’humanité n’est tellement pas autorisée qu’elle finit par disparaître vraiment
, explique Lambert Wilson, qui joue le patron d’ESEN. Ces situations où l’entreprise a ses raisons que le cœur ne connaît point, pour paraphraser Blaise Pascal. Rouage, puis fusible, de l’engrenage, Émilie va dérailler. Bref, un « polar social » avec un personnage en rupture avec un système
pour son réalisateur Nicolas Silhol.
Fiction et réalité
L’histoire aurait été différente si ça avait été un homme. Émilie traverse un parcours de remise en question radicale. Elle se retourne contre elle. Les femmes sont plus douées que les hommes pour effectuer ce genre de travail sur soi. Dans le film, les figures masculines incarnent le déni. C’était aussi l’occasion d’interroger sur la place des femmes dans le monde du travail
, confie le jeune réalisateur, qui a du passer par la case « crow funding » pour réunir les fonds nécessaires à son projet. Un film qui sort mercredi 5 avril alors que les dégâts des outrances managériales commencent à être de plus en plus visibles. Le 8 mars dernier, une responsable des ressources humaines (RRH) a vu sa condamnation confirmée en Cour de cassation pour avoir mis en danger tant la santé physique que mentale des salariés
en ayant connaissance des méthodes managériales inacceptables
du directeur du magasin à l’encontre de ses subordonnés. Non seulement, elle n’a rien fait pour mettre fin à ces pratiques
(les employés étant plongés dans un climat de terreur, sans cesse avec la crainte de perdre leur emploi pour une quelconque raison
), mais il lui arrivait de s’y associer
. L’ironie du sort c’est que cette RRH avait pour finir été licenciée par sa direction en 2011 et qu’elle s’était tournée vers les prud’hommes. Dur d’être le rouage d’un rouleau compresseur.
Durée : 1h35. Sortie le 5 avril 2017.