Concertation sur les retraites : les conclusions du ministère sur les seniors déçoivent.

InFO militante par Ariane Dupré, L’inFO militante

© Marta NASCIMENTO/REA

Le 8 novembre, le ministère du Travail a adressé aux syndicats un « relevé de discussion » au sujet de l’emploi et la pénibilité des seniors, premier sujet de concertation de la réforme des retraites. Un document « flou » et « insipide » pour FO.

Un document surprenant, consternant : la colère des syndicats prévaut face au premier « relevé de discussion » sur l’emploi des seniors et la pénibilité, envoyé par le ministère du Travail le 8 novembre aux interlocuteurs sociaux, dans le cadre des concertations bilatérales sur la réforme des retraites. Ce type de texte aurait dû être discuté avec l’ensemble des syndicats en réunions multilatérales, pas adressé à chacun isolément s’agace Michel Beaugas, négociateur FO.

La méthode suscite le mécontentement de Force Ouvrière, qui a officiellement demandé au ministère l’organisation de multilatérales concernant ce cycle de concertations sur une réforme des retraites plus que contestée, mais il n’y en aura pas analyse Michel Beaugas.

Sur le fond, cette synthèse de cinq pages, entre diagnostic du gouvernement et propositions des syndicats et organisations patronales, ne dévoile rien des intentions du gouvernement pour « relever » l’emploi des seniors et prévenir l’usure professionnelle. Mais il est clair que le gouvernement maintient son projet de reculer l’âge légal de départ à 64 ou 65 ans, déplore Michel Beaugas.

Dans cette note, le ministère du Travail réaffirme en effet qu’assurer le retour et le maintien en emploi des seniors est indispensable pour rattraper le retard de la France vis-à-vis de ses voisins (33 % de taux d’emploi des 60-64 ans en France contre 45 % en moyenne en Europe). Cet enjeu, écrit-il encore, est aussi une clé du rééquilibrage financier de notre système de retraite. Mais le gouvernement oublie au passage, s’emporte Michel Beaugas, que si le taux d’emploi des seniors est à la peine, c’est qu’une bonne moitié d’entre eux sont licenciés. Or, rien n’est écrit à ce sujet.

Un document très vague

De fait, pour le négociateur de FO, ce document flou n’est pas à prendre au pied de la lettre : Il ne constitue pas une base solide pour discuter de la pénibilité, du maintien en emploi et de l’emploi des seniors.

Dans sa synthèse, le ministère reste pour le moins évasif. La retraite progressive des fins de carrières à 60 ans, à laquelle FO est favorable avec maintien complet du taux de cotisation retraite selon les branches ? Des dispositions conventionnelles pourront être travaillées en ce sens. Le cumul-emploi retraite, que refuse FO ? Il doit permettre d’améliorer le niveau de retraite à partir des cotisations versées, afin de valoriser le travail et le principe de contributivité. Les pistes d’incitations financières à l’embauche des seniors (exonérations de cotisations sociales) dont les syndicats ne veulent pas ? Le ministère du Travail qui reconnaît que tous les partenaires interlocuteurs sociaux n’y sont pas favorables reste toutefois abstrait, indiquant : Ces mesures doivent encore être instruites afin de garantir la stabilité du marché du travail et ne pas fragiliser le financement de la sécurité sociale.

Le ministère du Travail ne s’avance pas non plus sur les mesures censées encourager la reprise d’activité des chômeurs seniors, se bornant à lister les propositions syndicales et patronales : hausse de la surcote retraite, proposition (patronale) de réduction ou de « relèvement » de l’âge ouvrant droit à 36 mois d’indemnités chômage pour les plus de 55 ans. Mais il évoque de nouveau l’idée d’une assurance salaire, permettant de cumuler indemnités chômage et revenu, si un salarié âgé retrouve un emploi moins bien payé. Des pistes qui suscitent l’indignation de FO et des syndicats.

La pénibilité renvoyée aux branches ?

La position du gouvernement semble plus claire sur la pénibilité et la prévention de l’usure professionnelle des salariés âgés. Concernant le C2P, les organisations convergent sur certaines évolutions proposées par le Gouvernement, comme le déplafonnement des points [...], la meilleure valorisation de la poly-exposition et la possibilité de bénéficier d’une reconversion après une certaine durée d’exposition écrit le ministère du Travail. Ces sujets, tout comme la réintroduction des critères de pénibilité supprimés par Emmanuel Macron, pourraient se négocier au niveau des branches professionnelles selon le ministère. FO n’est pas opposé à négocier au niveau des branches la prévention de la pénibilité des seniors, par métier et non par secteur. Mais Michel Beaugas reste sur ses gardes : nous ne lâcherons pas la proie pour l’ombre. Si une négociation de branche devait s’ouvrir à ce sujet, nous y participerons. Mais ce ne sera pas la contrepartie au recul de l’âge de départ en retraite ou à l’augmentation de la durée de cotisation prévient-il.

Les concertations autour des retraites se poursuivent (FO sera reçue le 23 novembre au sujet de l’équité et de la justice sociale). Mais avec une certaine méfiance. Pour l’instant, ironise le secrétaire confédéral, on a surtout l’impression que le gouvernement fait son marché dans nos propositions Sans rien lâcher de son projet de réforme des retraites pour Noël…

Ariane Dupré Journaliste à L’inFO militante

L’inFO militante Le bimensuel de la Confédération