En annulant les élections professionnelles d’Orpea, la justice donne raison à FO

InFO militante par Chloé Bouvier, L’inFO militante

© Laurent GRANDGUILLOT/REA

C’est une première victoire judiciaire contre Orpea : le tribunal de proximité de Puteaux vient d’annuler les élections professionnelles de 2019 après la plainte de plusieurs syndicats dont FO. L’enquête Les Fossoyeurs avait mis en lumière des pratiques de favoritisme envers Arc-en-ciel, un syndicat « maison ». Alors que le livre avait également dénoncé la maltraitance des usagers et professionnels au sein du groupe, le gouvernement a annoncé la mise en place de trois missions sur ce problème connu mais peu documenté.

La justice nous a donné gain de cause, se réjouit Franck Houlgatte, secrétaire général de l’UNSFO, l’Union nationale de la Santé privée FO. Le 12 septembre, le tribunal de proximité de Puteaux, dans les Hauts-de-Seine, a donné raison aux trois centrales syndicales, dont FO, qui avaient assigné en justice Orpea, leader sur le marché des Ehpad privés. Le scandale Orpea était né en janvier dernier lors de la publication du livre du journaliste Victor Castanet, Les Fossoyeurs. Livre qui avait mis en lumière plusieurs graves dysfonctionnements dans la gestion des maisons de retraites par le groupe. Un chapitre relatait par ailleurs le favoritisme dont bénéficiait le syndicat « maison », baptisé Arc-en-ciel, au détriment des autres centrales syndicales, deux syndicats dont FO étaient notamment qualifiés de rouges, indique l’UNSFO dans son communiqué.

Ces pratiques de favoritisme avaient particulièrement joué dans les élections professionnelles du comité social et économique (CSE) d’Orpea, en juin 2019. L’enquête du journaliste relatait plusieurs irrégularités : matériel de vote envoyé à une mauvaise adresse ; des professions de foi omises de certaines enveloppes électorales. Le groupe aurait aussi fait pression sur les directions d’établissements pour qu’ils obtiennent de leurs salariés des voix pour Arc-en-ciel plutôt que pour les autres organisations syndicales… Dans ce contexte, fait de pression sur les salariés, le syndicat maison avait obtenu 24 sièges sur les 35 que compte le CSE lors des élections. La justice vient de donner raison aux syndicats qui avaient porté plainte en demandant l’annulation du scrutin.

Nouvelles élections : pour FO, l’objectif de la représentativité

Il faudra donc refaire les élections. Dans une réaction transmise à l’AFP, Orpea a indiqué qu’il entendait naturellement se conformer à cette décision et comptait en profiter pour construire un nouveau chapitre des relations collectives et sociales. Le groupe promet d’organiser dès que possible » de nouvelles élections, en prenant en compte « les observations formulées par le tribunal. Pour Force Ouvrière, l’objectif est de taille : il s’agit de se réimplanter dans les 350 établissements que compte Orpéa, explique Franck Houlgatte. Il nous faut atteindre la représentativité en faisant le plus gros score possible. Après avoir été éjecté de ces établissements, nous ne pouvons rester au retrait alors que le groupe compte un millier de salariés.

Les revendications de FO seront les mêmes que celles portées au niveau de l’ensemble des Ehpad privés. Nous exigeons l’amélioration des rémunérations et des conditions de travail, le recrutement d’effectifs supplémentaires et la reconnaissance des diplômes, énumère Franck Houlgatte. Il n’y a pas de revendications spécifiques au groupe.

Dans un communiqué, l’UNSFO appelle dès à présent, l’ensemble des salariés du groupe à se rapprocher de notre organisation syndicale afin de construire ensemble des équipes syndicales pour défendre les droits individuels et collectifs de l’ensemble des personnels du groupe Orpea.

Le gouvernement lance trois missions pour mieux prévenir les maltraitances

Le livre Les Fossoyeurs a également mis en lumière des pratiques de maltraitances des usagers et professionnels au sein du groupe, maltraitance que Force Ouvrière dénonçait depuis des années dans les Ehpad à but lucratif.

Face aux scandales, le gouvernement a annoncé le 16 septembre le lancement de trois missions administratives chargées d’élaborer des pistes pour mieux repérer, quantifier et surtout prévenir les maltraitances contre les personnes âgées ou handicapées, les enfants ou les personnes vulnérables.

Ces missions, pilotées par l’Inspection générale des affaires sociales (Igas), le Haut Conseil de Santé publique et la Conférence nationale de santé, doivent éclairer une situation connue mais trop peu documentée, précise le ministère des Solidarités. L’objectif est notamment d’optimiser les systèmes d’information pour faire remonter les signaux d’alerte et établir un état des lieux des recherches sur ces questions, pour afin d’identifier les facteurs de risque et donc les stratégies de prévention efficaces.

Des cas isolés de maltraitance ne doivent pas cacher la dimension institutionnelle

Ces missions s’inscrivent dans la continuité du livre Les Fossoyeurs, analyse Franck Houlgatte. Face à la pression médiatique, l’exécutif s’empare du problème. Nous devons donc continuer à faire pression. Mais si le militant attend les conclusions de ces missions, il doute qu’elles fassent réellement changer les choses. Pour lui, seule la mobilisation des familles des usagers et des professionnels pourra influencer les groupes qui gèrent ces établissements.

Toutefois, sur le sujet de la maltraitance, Franck Houlgatte souligne le risque que les professionnels soient pointés du doigt, qu’ils deviennent des boucs émissaires alors que le problème est structurel. Des cas isolés de maltraitance individuelle existent mais ils ne doivent pas cacher la dimension institutionnelle du problème. De plus en plus de salariés quittent le métier car on les oblige à être maltraitants, à cause des cadences et des sous-effectifs !

Chloé Bouvier

L’inFO militante Le bimensuel de la Confédération