Monsieur le Président de la République,
Votre dernière allocution où vous déclarez la possible sortie du « déconfinement » le 11 mai a sonné comme une note d’espérance, mais votre annonce de la reprise de nos activités à mi- juillet a jeté un avenir bien sombre sur le monde culturel.
Nous pensons que la priorité est la santé des Français et il est important d’assurer la sécurité des salariés et du public pour la reprise des activités, mais nous voulons nous projeter vers la sortie de cette crise sanitaire qui devient une crise économique et éviter un chaos social, toutes les fermetures de lieux de spectacles, cinémas, musées, galeries d’arts, les 47 annulations de festivals de l’été et déjà des milliers d’emplois sont menacés de destruction et le spectacle vivant est en grande difficulté.
Nous n’avons plus à prouver l’apport économique qu’il donne à la France – 3,2% du P.I.B., sans compter son rayonnement à travers le monde qui contribue à faire de la France la première destination touristique mondiale.
L’Allemagne a annoncé un plan de 50 milliards pour la Culture, pour l’instant, les annonces de Monsieur Franck Riester, sont loin de pouvoir maintenir l’accès à la culture et le maintien à la création. Nous avons besoin d’un plan d’urgence important qui pourrait être « un Grenelle de la culture ».
Les conséquences de cette crise sur nos professions et toutes les structures, les entreprises, seront sans précédent et leurs effets se répercuteront non seulement cette année mais aussi les années suivantes, provoquant de dramatiques situations, tant au regard de l’assurance chômage, que sur le pouvoir d’achat des professionnels du spectacle, du cinéma, de la production audiovisuelle, des arts.
Bon nombre de spectacles et de films ne pourront êtres reportés, malgré certaines annonces, dans ce principe de réalité, nous savons que ces reports ne peuvent matériellement être possibles puisqu’en ce qui concerne les spectacles, d’autres sont déjà programmés aux mêmes dates.
Toutes les annulations précipitent des dizaines de milliers d’artistes et de techniciens salariés intermittents dans la plus grande précarité financière, de très nombreux salariés travaillent « tout l’été pour les spectacles ». La publication du dernier décret, avec l’allongement de la période de référence pour le calcul des heures pour l’ouverture de droits à l’assurance chômage, ne correspond pas au secteur culturel dans la situation actuelle.
Nous aimerions que soit organisée rapidement une réunion pour les annexes 8 et 10.
Notre syndicat souhaite vivement que soit réexaminée la possibilité du calcul des droits de 507 heures sur 24 mois. Cette demande s’accompagne aussi du principe de réalité.
Dans le droit fil de cette proposition, nous demandons la suppression des franchises, lesquelles, si elles étaient maintenues, équivaudraient à priver tous les salariés intermittents qui travaillent de manière régulière, de toute allocation, prestation, durant parfois deux mois – ce qui nous apparaît totalement inacceptable.
Comme s’y était engagé votre ministre Franck Riester, « personne ne doit rester sur le bord de la route ».
Si rien n’est fait pour les franchises, ce sont des milliers d’intermittents qui se retrouveront sans ressource durant plus de deux mois.
La défense de l’emploi des artistes et des musiciens est une priorité, tous ne bénéficiaient pas de l’assurance chômage. Il est donc primordial de tout faire pour préserver leurs emplois. Dans cet esprit, nous demandons que soit respecté l’accord sur le volume d’emploi des artistes interprètes dans les Centres Dramatiques Nationaux, accord non appliqué depuis 20 ans.
Nous redoutons les conséquences des formations professionnelles qui ne pourront pas être effectuées durant la période de confinement. Que va-t-il se passer pour les salariés concernés, quelle solution peut être appliquée, sans les pénaliser, notamment dans la déclaration des heures pour l’assurance chômage ?
Nous souhaiterions attirer votre attention sur les difficultés des intermittents du spectacle qui ne pourront pas accomplir les heures de travail nécessaires à la réouverture de leurs droits à l’assurance chômage.
Nous souhaiterions donc que soit examinée la possibilité d’allongement de la période de référence pour l’affiliation (507h) et de la période d’indemnisation. Si l’allocataire ne remplit pas les critères, nous demandons que lui soit ouverte une nouvel e période d’indemnisation. Nous avons noté que celle ci pouvait être allongée de 182 jours.
Evidemment, il serait juste que les salariés intermittents qui obtiendraient leurs 507 heures avant ce délai, puissent sortir de ce dispositif.
Nous souhaitons aussi que soit vérifié le fait que, comme cela a été exposé clairement par les pouvoirs publics, certains employeurs ne profitent pas de cette crise sanitaire pour procéder à des licenciements de salariés.
Autres conséquences de la crise, la baisse des perceptions des droits d’auteurs, de la rémunération équitable et de la copie privée ainsi que la chute des taxes sur les billetteries gérées par le CNC, le CNM et l’ASTP impacteront l’activité de nos secteurs et les revenus des professionnels.
N’oublions pas les artistes-auteurs, qui se trouvent dans une situation dramatique, avec l’annulation de toutes les commandes en cours, des ateliers, des interventions en milieu scolaire, des médiations et les fermetures des galeries et des expositions pour les plasticiens, l’annulation des manifestations et signatures pour les écrivains. Les graphistes n’ont plus de commandes depuis le mois de mars et beaucoup de règlements dus à différents titres ne sont pas effectués.
Les compagnies, même indépendantes, doivent pouvoir être intégralement indemnisées par l’État, toutes les collectivités territoriales doivent honorer les contrats de cession d’exploitation des spectacles. Nous avons connaissance de différences d’appréciation qui existent d’une région à l’autre.
Tous les secteurs de la culture ont été touchés de plein fouet par la crise sanitaire, avec même une longueur d’avance sur d’autres domaines.
Le Ministre de la Culture a annoncé un fond d’urgence de 22 millions d’euros réparti entre les différents secteurs, nous souhaitons la mise en place rapide d’une commission paritaire qui déterminera les dispositions de ce fond d’aide.
Alors qu’un désastre social semble s’annoncer, que de très nombreux salariés vont se trouver dans une situation de désarroi et de dénuement, l’ensemble des professionnels de la Culture a besoin de soutien.
Nous souhaitons fortement que le Ministère de la Culture puisse être entendu, nous savons bien que dans le contexte actuel, la priorité sera donnée à ceux qui soignent les malades et à ceux qui font « fonctionner le pays » et nous leur rendons hommage, mais viendra le temps où la France aura besoin de retrouver sa vie ; le théâtre, le cinéma, les orchestres, la peinture, la littérature,…devront être au rendez- vous, car ils contribuent aussi à « faire fonctionner le pays ».
Nous souhaiterions que le service public de la télévision soit reconnu comme un élément cardinal, essentiel dans le lien social qu’il apporte aux Français en assurant ces missions sur l’information, le divertissement, l’éducation.
Il est indéniable que les deux chaînes France 4 et France 0, dont la fermeture des canaux TNT est programmée pour le 9 août prochain, remplissent toutes deux une mission de service public de première importance en ces temps difficiles.
Alors que nous savons que les dispositifs de substitution sur le seul numérique ne seront jamais prêts dans les délais impartis, il nous semble essentiel que les diffusions de ces deux chaînes puissent donc être poursuivies sur la TNT au-delà de cette échéance du 9 août, et même définitivement pérennisées, dans l’intérêt du public, contributeur de ces programmes de services publics.
Aujourd’hui les fournisseurs d’accès prospèrent grâce à l’exploitation des œuvres issues du travail des créateurs, des interprètes, des professionnels de la culture et des médias. Il est temps que l’on reparle d’une redevance Internet.
Notre pays connaît une épidémie mondiale comme jadis le moyen-âge en a subi, frappant au hasard sur des zones inconnues. Nous voulons espérer que « les hommes » sauront se relever pour inventer une renaissance comme celle qui s’est déployée à travers les siècles après une tragédie.
Nous vous prions d’agréer, monsieur le président de la République, l’expression de notre haute considération.