Covid-19 : les salariés de Maximo demandent un peu de reconnaissance

Actualités par Valérie Forgeront

Bien sûr ils comprennent que les citoyens rendent actuellement hommage au travail des soignants, forcément au cœur de la bataille contre le Covid-19, ou encore aux routiers qui acheminent les denrées essentielles sur le territoire… D’ailleurs eux aussi leur rendent hommage. Toutefois, il est des activités professionnelles qui, particulièrement ce moment, méritent elles aussi un regard, une reconnaissance envers les salariés qui les assument. C’est ce que demandent, tout à fait modestement, Daniel Bernard et Christian Hammerschmidt, deux militants FO et salariés chez Maximo, société de surgelés et d’épicerie, livrés à domicile.

Oui, nous aussi on travaille, et la peur au ventre, indiquent Daniel Bernard et Christian Hammerschmid, salariés chez Maximo, société spécialisée dans la livraison à domicile, sur une grande partie du territoire national, de produits d’épicerie et de surgelés. Ils ont peur même si, assurent ces deux militants FO, leur entreprise a pris moult mesures pour la sécurité sanitaire des salariés. La nature même des activités des différentes catégories de salariés dans l’entreprise présente des risques, que ce soit en raison du regroupement de salariés dans un même lieu, par les entrepôts ou le contact avec les clients, ou encore les déplacements des commerciaux sur de vastes territoires…

Depuis le début de la crise du Coronavirus et davantage encore depuis l’entrée de la population en confinement, les salariés de l’entreprise (1 870 personnes dont plus de 1 700 en CDI) travaillent chaque jour d’arrache-pied pour livrer les clients, habituellement plus de 60 000 foyers.

Qu’ils soient affectés à la préparation des commandes dans l’un des deux entrepôts de la société, à Verdun (comptant 300 salariés) ou à Alençon (une centaine de salariés), qu’ils soient administratifs, télévendeurs (une vingtaine de salariés), qu’ils soient conseillers commerciaux (ceux qui prennent les commandes auprès des clients, 500 salariés environ) ou qu’ils soient livreurs (500 salariés environ) ou encore routiers… Tous ces salariés prennent chaque jour des risques en venant travailler, ce qui permet aux clients d’être approvisionnés, en nourriture notamment.

Le chiffre d’affaires flambe

Actuellement les deux plates-formes débordent de travail. Les salariés [postes à la chaîne, NDLR] ont travaillé samedi dernier afin de prendre de l’avance sur la préparation des commandes. Mais cette avance a vite fondu !, relate Daniel Bernard, secrétaire général du syndicat FO-Maximo (14 % aux dernières élections professionnelles).

À Verdun (où se préparent les commandes de surgelés et d’épicerie) un camion passe matin et soir pour renouveler le stock de marchandises qui seront ensuite préparées et ventilées dans les établissements avant livraison aux clients, indique-t-il. Et cela suffit à peine.  Nous sommes passés dans l’entrepôt de 450 palettes de marchandises par jour à plus de 900, calcule Christian Hammerschmidt, trésorier du syndicat, délégué syndical et Défenseur syndical.

 Les plates-formes sont très sollicitées, certains des établissements (cinquante et un répartis sur soixante-cinq départements) n’ont pu être livrés ou avec retard, poursuit-il.  L’entreprise a dû refuser des commandes, dont celles de personnes qui n’étaient pas jusque-là clientes de la société, née à la fin du XIXe siècle. En temps normal, les clients sont livrés trois jours après avoir passé leur commande. En ce moment il faut compter sept jours, assure Daniel, précisant que le chiffre d’affaires de l’entreprise flambe, et Christian acquiesce : Oui, Maximo explose actuellement son chiffre d’affaires !

Entrepôts qui tournent plus qu’à fond, livraisons qui n’arrêtent pas… Les salariés se sentent éreintés, insiste Christian.

 Cela n’ôte pas la peur

Depuis la crise du Coronavirus et alors que les enseignes de la grande distribution, avec leurs drive et systèmes de livraisons à domicile, sont prises d’assaut et peinent aussi à assumer toutes les commandes, la formule de vente propre à Maximo − ou à d’autres sociétés du même type − est très recherchée car elle ne nécessite aucun déplacement de la part du client.

Concrètement, nous allons sur le terrain, au contact du client, lequel nous transmet sa commande de visu. On peut avoir soixante à soixante-dix clients sur un secteur rattaché à un établissement. Et un secteur peut être à cheval sur deux ou trois départements, explique Daniel, soulignant que chaque conseiller se voit attribuer vingt tournées différentes. Chaque jour, il en assure une. Son métier de commercial (rémunéré sur la base d’un fixe, d’une commission sur les ventes et avec l’obligation de remplir les objectifs assignés) lui impose donc d’être en contact avec de multiples personnes. Ce qui multiplie le danger de contamination.

L’employeur a-t-il pris des mesures de protection pour les salariés ? « Oui », constatent les deux militants. Nous n’avons pas eu de masques − c’est difficile d’en trouver − mais du gel et des gants, autant que l’on en veut, se félicite Daniel. Trois palettes de gants viennent d’être reçues, ajoute Christian. Dans l’entrepôt de Verdun, nous avons 900 litres de gel d’avance, se rassure Daniel. Toutefois, cela n’ôte pas la peur des contacts entre salariés et/ou avec les clients, appuie-t-il.

Des procédures strictes

Avant que des procédures de sécurité sanitaire soient mises en place, un chauffeur avait fait valoir son droit de retrait pendant une journée. Bien sûr, les salariés ont peur et certains ont demandé à ne plus aller sur le terrain. L’employeur a accepté. Par ailleurs les horaires de livraison chez le client, habituellement fixes, sont supprimés. En ce moment cela évite un stress supplémentaire aux livreurs.

En ce qui concerne les conseillers qui viennent prendre les commandes chez les clients, une procédure a été établie. Nous avons interdiction de rentrer chez les gens, nous devons nous tenir à un mètre du client et ne pas lui serrer la main. Et nous l’appelons avant de passer ! Dans les entrepôts, les salariés doivent mettre de la distance entre eux. Quant aux comptables, ils travaillent avec des gants. La sécurité est aussi de mise pour la livraison. Nos collègues ont ordre de déposer le colis devant la porte du client. Le livreur prend le chèque ou pose l’appareil à carte bancaire. Le client tape son code avec un crayon. Par ailleurs, des lingettes sont prévues pour le nettoyage de l’appareil.

Les gens doivent comprendre

Si la mise en œuvre de toutes ces procédures a atténué un peu la peur de venir travailler, celle-ci demeure. Christian fait partie de ceux que l’entreprise nomme les personnels navigants, des conseillers commerciaux qui partent toute la semaine pour aller compléter les effectifs d’un établissement, remplaçant les personnels malades ou en congé. Je suis loin de chez moi et l’inquiétude face à cette situation de crise sanitaire est grande. Il y a dix ans Christian a contracté le virus H1N1 et par ailleurs, depuis des années, il veille sur son petit garçon qui se bat contre une pathologie cardiaque très grave. Je mesure d’autant plus la valeur de la vie, de la santé !

Dans la société, plusieurs cas de Covid-19 ont été détectés. Nous avons eu un cas au sein de l’établissement de Chantilly, le site a été désinfecté. À Lunéville, un livreur qui a été contaminé a dû être intubé…

Pour Christian et Daniel les gens doivent comprendre que chaque jour des salariés qui sont en poste à l’extérieur de chez eux font preuve d’un grand courage et assurent des cadences de travail qui ont beaucoup augmenté.

Quant aux réactions des clients… Les deux salariés tentent d’oublier les fâcheux pour mieux goûter ceux apportant des signes de reconnaissance. Certains clients veulent tout et tout de suite. Parfois, on se fait même insulter ! Heureusement, nous recevons quand même des mercis. Des clients nous disent : vous existez, merci. Cela fait chaud au cœur !

Valérie Forgeront Journaliste à L’inFO militante