Crédit d’impôt recherche : son obésité pèse sur l’État

Abus par Valérie Forgeront

Le principe du crédit d’impôt recherche est critiqué par les chercheurs et son efficacité remise en cause par la Cour des comptes. © Patrick ALLARD / REA
Article publié dans l’action Dossier fiscalité

La niche fiscale qui soutient les dépenses d’investissement des entreprises est sous le feu des critiques car chaque année elle grossit, jusqu’à représenter aujourd’hui 5,4 milliards de manque à gagner pour l’État.

Depuis quelques semaines, le crédit d’impôt recherche (CIR) est malmené à l’occasion de l’examen par le Parlement du projet de loi de finances pour 2015. Ce CIR, qui constituerait la troisième niche fiscale en terme de poids pour les comptes de l’État en 2015, soit 5,4 milliards d’euros, a fait aussi parler de lui à l’occasion des récentes manifestations de personnels de la Recherche, lesquels pestent contre le manque de moyens accordés par l’État à ce secteur. Des scientifiques lui demandent ainsi de diminuer le poids du CIR et d’accorder davantage de crédits budgétaires à la Recherche. Des députés ont émis la même demande. Créé en 1983, ce CIR, qui a pris de l’ampleur depuis sa réforme en 2008, est donc soumis à critiques de par son mécanisme. Il permet en effet aux entreprises de réduire le montant de leur impôt sur les sociétés (IS) en déduisant 30 % de leurs investissements de recherche et développement (R&D) et cela jusqu’à 100 millions. Pour des investissements supérieurs, les entreprises bénéficient encore d’une déduction fiscale de 5 %. Le plafond de 100 millions n’étant pas limité au groupe, cela conduit les grandes entreprises à profiter du système CIR dans leurs filiales.

Quand les grandes boîtes captent le CIR

Historique du CIR


Naissance : en 1983, le CIR équivaut à 25 % de l’accroissement des dépenses annuelles de recherche d’une entreprise. Il est plafonné à 457 347 euros.

Extensions : dès 1985, le taux du CIR est relevé à 50 % et son plafond grimpe à près de 800 000 euros. Le CIR connaîtra ensuite de multiples extensions et aménagements.

Réforme : la loi de finances de 2008 modifie le calcul du CIR. Il sera désormais établi entièrement sur le volume des dépenses d’investissement.

En septembre 2013, le CIR avait déjà subi des critiques. Notamment celles de la Cour des comptes, estimant que « l’efficacité du CIR au regard de son objectif principal d’augmentation de la dépense de R&D des entreprises est difficile à établir et [que] l’évolution de cette dépense n’est pas à ce jour en proportion de l’avantage fiscal accordé ». En dix ans, le coût pour l’État de ce crédit d’impôt est passé de 0,5 milliard d’euros à près de 6 milliards en 2014. Dès 2008, la réforme qui lui est appliquée le fait passer d’un poids de 1,5 milliard à 4,5 milliards. Depuis, il ne cesse de grossir. La Cour note ainsi que le manque à gagner fiscal dû au CIR a progressé de 244 % entre 2006 et 2013, tandis que les dépenses budgétaires pour la Recherche progressaient seulement de 8 %. Par ailleurs, le CIR, qui devait servir à soutenir les dépenses R&D des PME, profite plutôt aux grandes entreprises. La Cour des comptes rappelle qu’en 2011« les entreprises de moins de 250 salariés représentaient 88 % des déclarants », mais « 35 % du crédit d’impôt. 65 % du CIR profite donc à des entreprises plus grandes », constate la Cour, notant que si le nombre d’entreprises déclarant du CIR a doublé entre 2007 et 2011, on en compte toutefois que 19 700, soit 0,5 % des entreprises. Dont des grands groupes industriels. 

Valérie Forgeront Journaliste à L’inFO militante