Crise à EDF : FO refuse que les salariés soient les boucs émissaires du désengagement de l’Etat

Déréglementation par Evelyne Salamero, FNEM FO

L’information est tombée par voie de presse (Le Figaro du 15 avril) le jour même où s’ouvrait la négociation sur l’organisation du travail dans l’entreprise : EDF s’apprêterait à présenter un plan d’économies supplémentaires de un milliard d’euros, à la demande de l’État, son actionnaire principal (84,5%).

Deux pistes seraient étudiées : une modification de la grille de rémunération des agents (les hausses de salaires liées au franchissement d’un échelon pourraient être divisées par deux) et une réduction des effectifs plus importante que celle déjà annoncée en janvier dernier (3350 postes au minimum étaient visés à l’époque). Cette fois le nombre de suppressions d’emplois pourrait dépasser les 10 000, alerte FO.

Drôle de dialogue social

La délégation FO a quitté la séance de négociation sur l’organisation du travail, les représentants de la direction refusant de confirmer ou d’infirmer ces informations.

Depuis, on a appris - une fois de plus par voie de presse - que le Président de la République, François Hollande, présiderait une réunion de travail sur EDF ce mercredi 22 avril au matin à l’Elysée. On peut voir là une volonté de peser sur le Conseil d’administration de l’entreprise qui doit se tenir deux jours plus tard, vendredi 22 avril.

En revanche, le président n’a toujours pas répondu aux organisations syndicales de l’entreprise, auxquelles s’étaient associés les syndicats européens IndustriALL (Fédération de l’industrie et de l’énergie) et EPSU (Fédération européenne des services publics), qui, le 13 avril, avaient demandé à le rencontrer, l’alertant sur la situation d’EDF « au bord de la faillite ». A moins que la réponse du Président soit à trouver dans l’article du Figaro paru deux jours plus tard… Drôle de dialogue social.

Les mesures d’économies supplémentaires auraient été demandées par l’État « en contrepartie des garanties » qu’il apporterait pour « sécuriser la trajectoire financière de l’entreprise » (Le Figaro). Une trajectoire que l’État a, lui-même, mise en danger au fil des vingt dernières années, dénonce FO pour qui les salariés ne doivent pas être « les seuls à devoir assumer les décisions et les arbitrages douteux de l’État depuis deux décennies » et n’ont pas à « payer l’échec des politiques de déréglementation. »

A quoi la fédération FO Energie et Mines fait-elle allusion ?

Repères

La libéralisation du secteur de l’Energie a été lancée par la directive européenne du 19 décembre 1996, complétée par celle du 26 juin 2003.

Ces deux directives ont été transposées en France par les lois du 10 février 2000 et du 9 août 2004, respectivement modifiées par celles du 3 janvier 2003 et du 7 décembre 2006.

A compter du 1er juillet 2007, l’ensemble du marché de l’électricité a été ouvert à la concurrence.

Entretemps, l’EPIC (établissement public à caractère industriel et commercial ) EDF, né en 1946 de la nationalisation des biens de 1450 entreprises privées de production, de transport et de distribution d’énergie électrique, est devenu une société anonyme à capitaux public fin 2004 et a fait son entrée en bourse un an plus tard, en novembre 2005.

Depuis, EDF doit verser des dividendes à ses actionnaires. Ces dernières années, ils ont représenté en moyenne 60% des bénéfices réalisés par l’entreprise. L’État, le plus important d’entre eux, en recueille la plus grosse partie, aux alentours de 2 milliards chaque année. A elle toute seule, EDF fournit ainsi à l’État environ la moitié des dividendes qu’il ponctionne dans les caisses de la totalité des entreprises publiques (Engie, SNCF, La Poste… ).

Investissements hasardeux

En retour, la logique de rentabilité ayant remplacé celle de service public, l’État plutôt que de privilégier des investissements en lien avec une politique publique de l’Energie cohérente, a favorisé les acquisitions à risque à l’international, en particulier entre 1993 et 2008.

EDF a d’ailleurs dû finir par se retirer d’Amérique Latine et d’Amérique du nord entre 2003 et 2005. Son passage dans le groupe Constellation Energy Group (entreprise de production et de distribution d’énergie basée dans le Maryland aux États-Unis), notamment, lui aura coûté 6, 5 milliards de dollars. Les opérations européennes n’ont pas été de francs succès non plus. EDF détient ainsi 25% de l’énergéticien suisse ALPIQ, qui a encore essuyé une perte nette de 830 millions de francs suisses en 2015.

A tout cela, vient s’ajouter la chute des prix du marché de l’électricité (moins 30% en un an).

Résultat : la dette de l’entreprise s’élève à 38 milliards d’euros.

Cela n’a pas empêché l’État, pour limiter sa propre contribution au sauvetage du groupe Nucléaire Areva, de faire supporter à EDF l’acquisition d’Areva NP (filiale d’Areva en charge de l’ingénierie des réacteurs nucléaires). Coût de l’opération pour EDF : 2 milliards d’euros.

Cela n’empêche pas davantage le gouvernement de pousser l’entreprise dans un nouvel investissement -la construction de deux réacteurs nucléaires à Hinkley Point , en Angleterre - à ce point hasardeux qu’il a conduit à la démission le directeur financier d’EDF, M. Thomas Piquemal, le 6 mars dernier.

Pour FO, il est « évidemment plus facile pour le ministre Macron de cliver, de mettre en accusation les agents, en espérant monter les salariés les uns contre les autres, que de répondre aux questions stratégiques et industrielles. »

Evelyne Salamero Ex-Journaliste à L’inFO militante

FNEM FO Énergie et Mines