CSE et accès aux données salariales

Représentants du personnel par Secteur des Affaires juridiques

Dans l’exercice de ses missions légales, le CSE peut avoir besoin d’accéder à certaines informations liées aux rémunérations pratiquées dans l’entreprise.

Dans un arrêt en date du 5 décembre 2018, la Cour de cassation a clairement indiqué que le CSE pouvait demander et obtenir de l’employeur des données à caractère salarial sans que celui-ci puisse opposer au CSE un risque pour l’entreprise ou un risque d’atteinte à la vie privée des salariés (Cass. soc., 5-12-18, n°16-26895). C’est justement parce que pèse sur les membres du CSE une obligation de confidentialité que ceux-ci peuvent accéder à des données salariales.

Autrement dit, les membres du CSE sont en droit de demander à l’employeur de leur fournir des informations précises et écrites sur les données salariales de l’entreprise, le respect de la vie personnelle des salariés n’étant pas en lui-même un obstacle à une telle transmission dès lors que les membres du CSE sont tenus à une obligation de confidentialité et que les éléments demandés procèdent d’un motif légitime et sont nécessaires à l’exercice des droits du CSE.

L’attendu de la Cour de cassation est limpide et mérite d’être reproduit :

Mais attendu que le respect de la vie personnelle du salarié n’est pas en lui-même un obstacle à l’application des dispositions de l’article L. 2323-4 du code du travail, dès lors que les membres du comité d’entreprise sont tenus en application des dispositions de l’article L. 2325-5 du même code à une obligation de discrétion et que le juge constate que les mesures demandées procèdent d’un motif légitime et sont nécessaires à l’exercice des droits du comité d’entreprise qui les a sollicitées ; qu’ayant fait ressortir que les mesures demandées par le comité d’entreprise ne constituaient pas une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée des salariés, c’est à bon droit que la cour d’appel a statué comme elle a fait.

Dans l’affaire en cause, le juge a ordonné à l’employeur de transmettre les informations suivantes :

  les fourchettes de rémunération (mention du salaire minimum et du salaire maximum) par fonction, tant pour les salariés qui sont plus de cinq par fonction que pour les salariés qui sont moins de cinq par fonction ;
  les tableaux de concordance faisant apparaître les corridors de rémunération (minima et maxima) pour chaque classe et pour chaque fonction et le niveau dans le cadre fonctionnel ;
  les principes de rémunération en lien avec le cadre fonctionnel et d’évolution salariale dans la fonction avec les modalités d’accès au maximum de la fonction ;
  les règles d’évolutions salariales entre les fonctions et les différents niveaux ;
  les règles d’évolution des salariés analysés comme ayant un salaire inférieur au salaire minimum de leur niveau ou au salaire maximal de leur niveau ;
  les règles de détermination du calcul du bonus annuel de performance individuelle ;
  et les règles d’attribution des budgets par division et par département.

Deux conditions sont donc posées par la Cour de cassation pour la transmission de données salariales :

  d’une part, que les mesures demandées procèdent d’un motif légitime ;
  et d’autre part, que ces mesures soient nécessaires à l’exercice des droits du CSE qui les a sollicitées.

Le motif légitime relèvera de l’appréciation souveraine des juges du fond. Il peut s’agir de la volonté du CSE de contrôler l’application de l’égalité salariale entre les femmes et les hommes.

On le voit, les obligations de transparence de l’employeur sont extrêmement larges afin de permettre au CSE d’exercer convenablement ses missions légales notamment en matière économique.

Le CSE peut-il aller jusqu’à obtenir des informations salariales individuelles ?

Si cet arrêt ne va pas jusqu’à autoriser la communication des salaires individuels, on pourrait l’imaginer à l’avenir si le CSE établit que la transmission d’une telle information est absolument indispensable à l’exercice de ses missions légales.

Le CSE qui considère que l’employeur ne lui transmet pas des informations suffisamment précises notamment en cas d’information-consultation peut saisir le président du tribunal judiciaire afin qu’il ordonne la transmission des informations manquantes et qu’il prolonge le délai de consultation.

 

Quels documents peut demander l’expert-comptable du CSE ?
Selon l’article L. 2315-91 du code du travail, le CSE peut décider de recourir à un expert-comptable dans le cadre de la consultation sur la politique sociale de l’entreprise, les conditions de travail et l’emploi mentionnée au 3° de l’article L. 2312-17. Le recours à cet expert dans ce cadre est à la charge de l’employeur.
Aux termes de l’article L. 2312-26, I, de ce code, la consultation annuelle sur la politique sociale de l’entreprise, les conditions de travail et l’emploi porte sur l’évolution de l’emploi, les qualifications, le programme pluriannuel de formation, les actions de formation envisagées par l’employeur, l’apprentissage, les conditions d’accueil en stage, les actions de prévention en matière de santé et de sécurité, les conditions de travail, les congés et l’aménagement du temps de travail, la durée du travail, l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes et les modalités d’exercice du droit d’expression des salariés dans les entreprises non couvertes par un accord sur l’égalité professionnelle et la qualité de vie au travail contenant des dispositions sur ce droit.
En application de l’article L. 2315-83 du même code, l’employeur fournit à l’expert les informations nécessaires à l’exercice de sa mission.
L’expert-comptable désigné par le CSE dans le cadre de la consultation sur la politique sociale de l’entreprise peut demander la production d’éléments « bruts », pris à la source, s’avérant nécessaires à la réalisation de sa mission d’expertise, peu important que les informations demandées ne soient pas au nombre de celles devant figurer dans la BDES en application des articles L. 2312-36, R. 2312-9 et R. 2312-20 du code du travail (Cass. soc., 18-5-22, n°20-21.444).

 

 

 Voir en ligne  : Pour aller plus loin sur cette question

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