CSE et découpage de l’entreprise en établissements distincts

Représentants du personnel par Secteur des Affaires juridiques

Un accord de mise en place du CSE portant sur le nombre et le périmètre des établissements distincts est négocié avec les délégués syndicaux (DS) de l’entreprise (art. L 2313-2 du code du travail).

En l’absence d’accord conclu dans les conditions mentionnées à l’article L 2313-2 et en l’absence de délégué syndical, un accord entre l’employeur et le comité social et économique, adopté à la majorité des membres titulaires élus de la délégation du personnel du comité, peut déterminer le nombre et le périmètre des établissements distincts (art. L 2313-3 du code du travail).

Dès lors qu’un délégué syndical est présent dans l’entreprise, la négociation d’un accord avec le CSE n’est pas possible, même en cas d’échec des négociations.

En l’absence d’accord avec un délégué syndical ou avec le CSE, l’employeur fixe le nombre et le périmètre des établissements distincts, compte tenu de l’autonomie de gestion du responsable de l’établissement, notamment en matière de gestion du personnel.

L’employeur ne peut fixer, par décision unilatérale, le nombre et le périmètre des établissements distincts que si, au préalable, il a mené loyalement des négociations mais que celles-ci ont échoué.

En cas de litige portant sur la décision de l’employeur, le nombre et le périmètre des établissements distincts sont fixés par l’autorité administrative du siège de l’entreprise.

Les organisations syndicales représentatives dans l’entreprise et les organisations syndicales ayant constitué une section syndicale dans l’entreprise ou lorsque les négociations se sont déroulées avec le CSE, le comité social et économique, peuvent, dans le délai de 15 jours à compter de la date à laquelle ils en ont été informés, contester la décision de l’employeur devant la Direccte.

La saisine de l’autorité administrative suspend le processus des élections jusqu’à la décision administrative et entraîne la prorogation des mandats des élus en cours jusqu’à la proclamation des résultats du scrutin.

La Direccte prend sa décision dans un délai de 2 mois à compter de la réception de la contestation.

Cette décision est notifiée par lettre recommandée avec demande d’avis de réception portant mention des voies et délais de recours.

Une décision implicite de rejet naît en cas de silence de l’administration pendant 2 mois. La décision de l’administration peut faire l’objet d’un recours devant le tribunal d’instance dans un délai de 15 jours suivant sa notification.

Le tribunal d’instance dispose de toute sa compétence pour juger tant de la légalité externe que de la légalité interne de la décision de la Direccte.

Pour le juge, le nombre et le périmètre des établissements distincts pour la mise en place des comités sociaux et économiques sont fixés compte tenu de l’autonomie de gestion du responsable de l’établissement, notamment en matière de gestion du personnel ; il en résulte que caractérise au sens de ce texte un établissement distinct l’établissement qui présente, notamment en raison de l’étendue des délégations de compétence dont dispose son responsable, une autonomie suffisante en ce qui concerne la gestion du personnel et l’exécution du service (Cass. soc., 19-12-18, n°18-23655).

Dernière minute : Il résulte de l’article L. 2313-5 du code du travail que, que le juge doit, lorsqu’il est saisi de contestations de la décision de l’autorité administrative quant à la fixation du nombre et du périmètre des établissements distincts, se prononcer sur la légalité de cette décision au regard de l’ensemble des circonstances de fait dont il est justifié à la date de la décision administrative et, en cas d’annulation de cette dernière décision, de statuer à nouveau, en fixant ce nombre et ce périmètre d’après l’ensemble des circonstances de fait à la date où le juge statue (Cass. soc., 8-7-20, n°19-11918).

Le critère de l’autonomie de gestion du responsable de l’établissement, notamment en matière de gestion du personnel, redevient le seul critère de l’établissement distinct, tel qu’il était prôné, il y a plus de 40 ans, par le Conseil d’État au temps où il était compétent (CE 29 juin 1973, n°77982, Compagnie internationale des wagons-lits).

La Cour de cassation vient de préciser dernièrement que les règles relatives à la reconnaissance d’un établissement distinct s’appliquent également sa disparition (Cass. soc., 20-10-21, n° 20-60.258 : le constat de la perte de qualité d’établissement distinct (…) relève des mêmes dispositions que celles relatives à la reconnaissance de son existence. En conséquence, les salariés n’ont notamment pas intérêt à agir au contentieux contre la décision reconnaissant l’existence ou la disparition d’un établissement distinct).

A noter que lorsqu’un accord collectif fixe le nombre et le périmètre des établissements distincts, il nous semble que le juge doive contrôler le périmètre de l’établissement distinct négocié par les syndicats dans le cadre de la mise en place du CSE.

En effet, le juge doit, en vertu de l’article 4 § 4 b, de la directive 2002/14 du 11 mars 2002 établissant un cadre général relatif à l’information et la consultation des travailleurs, vérifier que la consultation s’effectue au niveau pertinent de direction et de représentation en fonction du sujet traité (voir en ce sens : F. Champeaux, « La cour de cassation à l’épreuve du droit de l’Union européenne », SSL, 2-12-19, n°1885, p.11).

En d’autres termes, le juge français pourrait être, contraint par le droit communautaire, de modifier le périmètre et le nombre des établissements distincts arrêtés par l’accord collectif dès lors que le niveau retenu par l’accord ne correspond pas au niveau pertinent.

De nombreux contentieux risquent de se développer dans l’avenir sur cette question !

Attention, le découpage de l’entreprise en établissements distincts pour la mise en place du CSE ne vaut pas nécessairement pour la désignation des délégués syndicaux. Ce point fera l’objet d’une étude dans le focus de la semaine prochaine.
Dernière minute :
La Cour de cassation vient de décider, dans un arrêt en date du 1er février 2023 destiné à être publié au rapport annuel de la Cour de cassation, que les signataires d’un accord conclu selon les conditions mentionnées aux articles L. 2313-2 et L. 2313-3 du code du travail déterminent librement les critères permettant la fixation du nombre et du périmètre des établissements distincts au sein de l’entreprise, à la condition toutefois, eu égard au principe de participation consacré par l’alinéa 8 du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, qu’ils soient de nature à permettre la représentation de l’ensemble des salariés (Cass. soc., 1-2-23, n°21-15.371, PBRI).
Autrement dit, pour les Hauts magistrats, les critères retenus pour déterminer des établissements distincts relèvent de la seule liberté des partenaires sociaux, ceux-ci posant cependant une condition : la fixation du nombre et du périmètre des établissements distincts au sein de l’entreprise doit être de nature à permettre la représentation de l’ensemble des salariés. Pour la Cour de cassation, cette libre fixation des critères pour la détermination des établissements distincts par accord collectif n’est pas contraire à la directive 2002/14/CE du 11 mars 2002 qui établit le cadre général de l’information et de la consultation des travailleurs. Même si elle s’impose dorénavant aux parties, pour notre part, nous pensons que cette décision est hautement contestable surtout à l’heure où de nombreux accords collectifs ont pour effet d’éloigner de plus en plus les élus des salariés. Plus que jamais, il convient de développer les représentants de proximité. Un excès de centralisation négocié par accord collectif doit, pour nous, nécessairement s’accompagner de la mise en place de représentants de proximité.

Secteur des Affaires juridiques Le secteur des Affaires juridiques apporte une assistance juridique à la Confédération dans sa lecture du droit et dans la gestion des contentieux.

Sur le même sujet