CSE : peut-on priver certains salariés des ASC ?

CSE par Patricia Drevon, Secteur des Affaires juridiques

Si le comité social et économique (CSE) exerce une mission économique et assure le respect, au sein de l’entreprise, des règles de santé et de sécurité, beaucoup de salariés ne le connaissent qu’au travers de ses activités sociales et culturelles.

Si cette dernière mission est importante et justifie que l’on y consacre un « Focus », n’oubliez pas que le CSE ne se réduit pas à cette mission.

N’hésitez pas à le solliciter pour toute question liée à la santé et à la sécurité des travailleurs ou pour toute réclamation individuelle ou collective. Bien utilisé, le CSE est une véritable force dans l’entreprise.

Qu’est-ce qu’une activité sociale et culturelle (ASC) ?

Sont considérées comme des activités sociales et culturelles toutes les activités qui ne constituent pas une obligation pour l’employeur, quels que soient leur dénomination, la date de leur création et leur mode de financement. Ces activités doivent être instituées principalement au profit des salariés de l’entreprise et avoir pour objet d’améliorer leurs conditions d’emploi, de travail et de vie au sein de l’entreprise.

Le CSE a toute liberté, sous réserve de ne pas prendre de mesure discriminatoire, pour créer de nouvelles activités, abandonner celles qui ne lui paraissent plus nécessaires ou répartir différemment les sommes attribuées à chacune d’elles.

Le comité peut exiger de prendre en charge une activité, créée par l’entreprise et gérée par elle, dès lors qu’elle est bien qualifiée d’activité sociale et culturelle. Dans ce cas, le CSE récupère l’activité et le budget qui y était consacré par l’employeur.

Généralement, les ASC se divisent en 3 catégories :

  celles qui concernent la collectivité des salariés : l’organisation de manifestations sportives, de voyages, de fêtes de fin d’année, de manifestations à l’occasion de la remise de médailles du travail, de colonies de vacances, cantine d’entreprise ;
  celles qui répondent à des besoins individuels de salariés : location d’outillage, prêts de livres, distributeurs de boissons, bons d’achat (pour la fête des mères ou de Noël notamment ...) ou billetterie, aide aux vacances (ex : chèques-vacances), aide à la pratique d’un sport, aide pour les rentrées scolaires ou les gardes d’enfants ;
  les mutuelles et secours (comme des prêts ou des aides financières versés pour accompagner les salariés qui traversent des difficultés).

Le CSE ne peut utiliser les ASC pour financer des activités syndicales (Cass. soc., 12-2-03, n°00-19341 ; par exemple, il n’est pas possible de financer les frais de déplacement engagés par des salariés pour aller faire grève sur Paris). Si le CSE ne peut affecter une partie des fonds dévolus aux ASC à des aides aux salariés grévistes, il peut néanmoins décider d’attribuer des secours à certains salariés grévistes dès lors qu’il est démontré que ces secours sont destinés à aider les seules familles dans le besoin et non à compenser systématiquement les pertes de salaires des salariés grévistes (Cass. soc., 8-6-77, n°73-13681).

A noter que les ASC ne sont pas exclues du champ de la négociation collective (Cass. soc., 10-7-24, n°22-19675).

Qui peut bénéficier des ASC ?

Quelles que soient la forme de leur contrat de travail (CDI, CDD, contrat d’apprentissage, contrat de formation en alternance...) ou leur durée de travail (salariés à temps partiel), tous les salariés de l’entreprise doivent pouvoir bénéficier des ASC. Le stagiaire bénéficie de celles-ci dans les mêmes conditions que les salariés.

Par ailleurs, dès lors que le contrat de travail n’est pas rompu, le salarié peut prétendre aux ASC. Il en est ainsi pour les salariés en période d’essai ou en cours de préavis, mais également pour les salariés dont le contrat de travail est suspendu (congé, maladie, maternité, parental...) qui ne peuvent être, en principe, écartés des prestations financées par le comité.

Il est toutefois possible de fixer des critères d’attribution des ASC dès lors que ces critères sont objectifs, pertinents et exempts de discrimination. Les prestations peuvent être modulées, éventuellement, en fonction des revenus ou des besoins.

En revanche, le droit aux ASC ne peut être soumis à une condition d’ancienneté.

Dans un arrêt en date du 3 avril 2024, la Cour de cassation a jugé que : il résulte de ces textes (articles L 2312-78 et R 2312-35 du Code du travail) que, s’il appartient au comité social et économique de définir ses actions en matière d’activités sociales et culturelles, l’ouverture du droit de l’ensemble des salariés et des stagiaires au sein de l’entreprise à bénéficier des activités sociales et culturelles ne saurait être subordonnée à une condition d’ancienneté (Cass. soc., 3-4-24, n°22-16812). Dans une nouvelle décision en date du 12 mars 2025, la Cour de cassation a indiqué que l’interdiction de prendre en compte tout critère d’ancienneté s’étendait également à toute modulation des droits en fonction de l’ancienneté des salariés (Cass. soc., 12-3-25, n°23-21223). En revanche, il semble possible de fixer une condition de présence aux effectifs à la date de la commande ou de la distribution de la prestation ou encore de fixer une plage de bénéfice/distribution réduite dans le temps.

S‘il est décidé d’exclure du bénéfice des ASC les salariés « absents », c’est à la condition que toutes les absences, autres que celles assimilées par la loi à du temps de travail effectif, produisent les mêmes conséquences. Par exemple, les salariés en longue maladie ne peuvent être exclus des ASC car cela constituerait une discrimination en raison de leur état de santé.

Les anciens salariés peuvent éventuellement prétendre au bénéfice des ASC si le CSE le prévoit. Par anciens salariés, il convient d’entendre les retraités et préretraités.

On peut également y inclure, potentiellement, les salariés qui ont quitté l’entreprise, tant qu’ils n’ont pas retrouvé un emploi.

La famille des salariés peut aussi bénéficier des ASC. Très souvent, les règlements intérieurs des CSE déterminent quelles sont les personnes de la famille qui sont en droit de prétendre aux ASC : conjoint, concubin, descendants, ascendants, frères, sœurs…

Les travailleurs intérimaires, les salariés mis à disposition par des groupements d’employeurs, les salariés en contrat de travail à temps partagé doivent bénéficier des moyens de transport collectif et des installations collectives, et notamment des services de restauration offerts par l’entreprise utilisatrice. Attention toutefois, pour les ASC autres que celles liées aux équipements collectifs, ces catégories de salariés relèvent de leur employeur et non de l’entreprise utilisatrice.

Toutes les autres personnes qui travaillent dans l’entreprise sans en être salariées n’ont pas accès aux ASC. Cette règle vaut pour les salariés détachés ou mis à disposition par d’autres structures que les groupements d’employeurs : les stagiaires de ces structures, les salariés des sous-traitants présents sur le site, les salariés des prestataires de services...

Le CSE bénéficie-t-il d’un budget pour les ASC ?

Le montant de la contribution versée chaque année par l’employeur pour financer des activités sociales du CSE est fixé en priorité par accord collectif d’entreprise.

Lorsque le financement des ASC est fixé par un accord collectif, le CSE ne peut contester les dotations de l’employeur, une telle action appartenant aux signataires de l’accord (Cass. soc., 4-6-25, n°23-22856).

À défaut d’accord, et contrairement au budget de fonctionnement, le budget des ASC ne correspond pas à un pourcentage précis de la masse salariale brute. Toutefois, le rapport de cette contribution à la masse salariale brute ne peut être inférieur au même rapport existant pour l’année précédente (art. L 2312-81 du Code du travail). Dès lors, en l’absence d’accord et à défaut de sommes consacrées antérieurement au financement d’activités sociales, le CSE pourrait se retrouver privé d’un budget pour les ASC.

Le CSE peut, en outre, bénéficier de tout ou partie du montant de l’excédent annuel du budget de fonctionnement versé par l’employeur, après délibération du comité en application des articles L 2315-61 alinéa 5 et R 2315-31-1 du Code du travail. Le transfert vers le budget destiné aux ASC est possible dans la limite de 10 % de cet excédent.

Pour le CSE, les garanties de minima qui existaient dans le cadre du CE ne s’appliquent pas. Les partenaires sociaux pourraient éventuellement conclure un accord moins-disant sur ce point. Les minima évoqués ne s’appliquent qu’à défaut d’accord. Il ne s’agit plus de minima d’ordre public.

Patricia Drevon Secrétaire confédérale au Secteur de l’Organisation, des Outre-Mer et des Affaires juridiques

Secteur des Affaires juridiques Le secteur des Affaires juridiques apporte une assistance juridique à la Confédération dans sa lecture du droit et dans la gestion des contentieux.