Dans les hôpitaux, FO bataille pour les moyens aux côtés des agents et des usagers

InFO militante par Chloé Bouvier, L’inFO militante

Partout sur le territoire, les hôpitaux font face à un manque de personnel. Une problématique qui entraîne des choix lourds de conséquences pour l’accès aux soins des usagers mais aussi les conditions de travail des professionnels. A Nantes et au Mans, entre autres, les syndicats FO des établissements hospitaliers tirent une nouvelle fois la sonnette d’alarme en ce début d’année 2025, notamment sur la situation dégradée des services des urgences. Ces signalements plus qu’inquiets viennent s’ajouter aux mobilisations qui particulièrement en cette fin d’années 2024 ont traduit la colère des personnels face aux manque de moyens des structures publiques. Exemples à Mamers et Alençon (dans la Sarthe) mais aussi à Jonzac et La Rochelle (en Charente-Maritime).

Des personnels hospitaliers mobilisés fin décembre protestant dans plusieurs établissements du territoire, à l’appel de FO, contre le manque criant de moyens humains… De nouvelles actions dès ce début d’année, ainsi au Mans ou encore à Nantes, et pour toujours les mêmes raisons… Les agents des établissement publics de santé ne cessent de batailler pour l’obtention de moyens. Pour l’instant aucune réponse satisfaisante n’est apportée. Depuis mai 2024, nous avons adressé huit alertes à notre direction, pour pointer du doigt les problématiques liées au manque d’effectifs. Mais rien n’a été fait. Quelle autre solution avons-nous que de lancer une grève illimitée ? s’interrogeait en fin d’année Laetitia Laloue, secrétaire adjointe FO au sein de l’hôpital de Mamers-Alençon dans la Sarthe. En novembre, le syndicat FO a déposé un préavis de grève illimité, alertant sur les suppressions de postes et leurs conséquences pour l’hôpital. Les soignants s’inquiètent notamment de l’avenir, déjà sombre, des consultations spécialisées ainsi que de la situation du service des urgences, le Smur. Sans le Smur, on va dans le mur scandaient les soignants, les élus et les usagers lors de la manifestation le 27 novembre dernier.

Face au manque d’effectifs lié entre autres aux difficultés de recrutement – et conséquence notamment du manque d’attractivité des carrières –, on demande aux professionnels de combler cette insuffisance de personnels par des missions et des heures supplémentaires. Ils les acceptent car ils ont une conscience professionnelle, appuie Didier Guilloton, délégué syndical FO à l’hôpital de Jonzac, précisant que l’établissement a connu une importante mobilisation le 5 décembre dernier. Et pour cause. Ces acceptations ne signifient pas en effet que les problèmes d’effectifs sont résolus. Elles ne signifient pas non plus que la colère des agents est calmée. Et, en fin d’année dernière, les projets du gouvernement Barnier, l’ont plutôt attisée. Chez nous, l’annonce de la mise en place de 3 jours de carence en cas d’arrêt maladie (contre un actuellement, Ndlr) a a fait déborder le vase. Les soignants se sont mobilisés pour protester contre ce mépris supplémentaire de la part du gouvernement, et cela sur fond de dégradation des conditions de travail.

A La Rochelle, au sein du secteur gériatrie du centre hospitalier, c’est une initiative de la Direction qui a déclenché la colère des personnels. Alors que les agents de l’Ehpad, de l’unité de soins de longue durée (USLD) et des soins de suite et de réadaptation (SSR) croulaient déjà sous le travail, un plan de réorganisation a été présenté, mais sans moyens supplémentaires, s’indigne Solène Gastou, secrétaire du syndicat FO. Il s’agit surtout d’un plan de destruction. Cette réorganisation du travail prévoit des « shift » (plage horaires, ndlr) plus longs pour les soignants, lesquels sont déjà à bout mais aussi des missions supplémentaires de nettoyage et d’hôtellerie. Ces réorganisations font peser sur les épaules des soignants les dysfonctionnements actuels de l’hôpital. On nous dit que si cela se passe mal, c’est parce que nous ne sommes pas bien organisés. C’est faux, c’est uniquement car nous ne sommes pas assez.

Des conséquences graves pour l’accès au soin

À cause du manque d’effectifs, les directions décident de réduire les activités de l’hôpital, plutôt que d’engager des soignants supplémentaires. Et de fait, le nombre de lits disponibles est de plus en plus limité. Sur Alençon, on perd 37 lits ! En chirurgie, le nombre de lits passe de 56 à 28 et en pédiatrie, de 22 à 14, indique Laetitia Laloue. Dans le cadre de cette réduction de moyens, la direction évoque la solution de l’hospitalisation ambulatoire, c’est-à-dire une prise en charge pour moins de 12 heures. Mais cela ne peut convenir à tous les patients, en particulier ceux qui ne sont pas autonomes, alerte la militante. Notre territoire connaît un vieillissement de sa population. Bref, cela ne peut être la seule et unique solution. De fait, les soignants se sont battus pour le maintien des activités de l’hôpital, et notamment des consultations spécialisées. Nous n’avons plus de consultations d’ophtalmologie depuis cet été, faute de recrutement. On nous parle aussi de réduire la voilure pour le service pédiatrique ou encore des consultations de rhumatologie.

À Jonzac, c’est le service psychiatrique qui a fait l’objet de réduction de lits. On a fermé 7 lits, et 18 autres ont été gelés car il manque au moins 17 infirmiers et infirmières, explique Didier Guilloton. Pour les soignants, cela implique de devoir hiérarchiser les patients dans le cadre des admissions, et donc de renoncer à en soigner certains. Pour les usagers, cela signifie qu’il faudra faire 40 km pour trouver un autre hôpital avec un service psychiatrique, et qui sera lui aussi saturé ! Dans ce petit hôpital de Jonzac (3 500 habitants), on compte 900 agents. Dans les territoires ruraux, les difficultés d’accès de soins sont encore plus fortes qu’ailleurs, souligne le militant.

Contre le risque de maltraitance, l’urgence de moyens

En gériatrie, Solène Gastou, de La Rochelle, constate la souffrance des soignants. Parce qu’il y a un manque criant d’effectifs, ces agents se retrouvent à ne plus pouvoir soigner correctement leurs patients. Ils deviennent malgré eux, maltraitants, alors que c’est le système qui, par son manque de moyens, amène cette maltraitance., analyse la militante. Lorsqu’une professionnelle a constaté et fait part à la direction qu’il n’y avait pas assez de soignants pour aider les patients à se lever chaque jour, on lui a répondu qu’il suffisait de ne pas les lever tous les jours. C’est inhumain de demander cela à des soignants.

Elle a la voix qui tremble lorsqu’elle évoque le cas d’une collègue, qui exerce au sein de l’Ehpad depuis plus de 12 ans. Pour la première fois, elle m’a dit avoir la boule au ventre en venant travailler, elle pleure le soir en rentrant car elle se sent coupable de ne pouvoir soigner correctement. Et elle a décidé de postuler dans le privé. Ces départs deviennent de plus en plus courants, aggravant la crise des effectifs. Mais comment ne pas comprendre ces agents, las de subir de mauvaises conditions de travail, analyse la militante.

La mobilisation aussi des usagers

Dans toutes ces mobilisations, FO a eu à cœur d’intégrer les usagers. Pour préparer au mieux le rassemblement de Jonzac par exemple, le syndicat s’est appliqué à communiquer sur le sujet, par les réseaux sociaux mais aussi par la presse locale. Pour nous, il était impensable de faire cette action sans la population, relate Didier Guilloton. On se bat pour nos conditions de travail, mais aussi bien sûr pour une meilleure prise en charge des usagers !. Et les deux sont intimement liées. A l’issue du rassemblement, le 5 décembre, près de 80 personnes se sont attardées devant l’entrée de l’établissement. Les soignants et usagers ont ainsi pu discuter longuement, les uns expliquant leurs conditions de travail, les autres leurs problèmes d’accès aux soins. C’est un long combat qui nous attend, souligne Didier Guilloton. Nous avons commencé à nouer des liens qui permettront de construire une nouvelle mobilisation, encore plus forte.

À Mamers, c’est autour du maintien des consultations d’ophtalmologie que FO a sensibilisé les usagers en fin d’année. Nous avons été soutenus par une trentaine d’élus, conscients des impacts que la disparition de telles consultations aura sur la population du territoire, indique Laetitia Laloue. C’est grâce à ce rapport de force que le syndicat a été reçu en décembre par la direction de l’hôpital et l’ARS, en présence du maire. On nous a proposé de travailler ensemble à un protocole de sortie de crise. Mais nous gardons notre préavis de grève illimité, sourit la militante. Il s’agit pour nous d’un levier que l’on peut réactiver si les réponses apportées ne sont pas à la hauteur.

De Mamers à Jonzac en passant notamment encore par La Rochelle, le ras-le-bol des soignants s’est fait entendre en cette fin 2024. On a tous conscience que nos combats, et les réponses demandées, se situent à l’échelle territoriale, mais ils disent beaucoup de la politique publique de santé, estime Solène Gastou. Des réponses doivent aussi être apportées au niveau national.

 

FO Savoie mobilisée

Le 14 novembre 2024, l’Union Départementale FO de Savoie a pris l’initiative d’organiser une mobilisation des Ehpad du département pour dénoncer le manque de moyens financiers et humains, mais aussi la dégradation des conditions de travail des personnels et de la prise en charge de nos aînés. Ce jour-là, les agents de 12 Ehpads de la territoriale et 2 Ehpads de l’hospitalière ont observé un arrêt de travail pour dénoncer le chaos qui règne dans les Ehpads et dans les hôpitaux. Pour Pierre Didio, secrétaire général de FO Savoie, les personnels font de leur mieux, avec peu de moyens, et cela ne peut plus durer !, dénonçant, entre autres, une augmentation de la charge de travail et un épuisement des personnels.

Le personnel, souvent soutenu par les résidents, les familles, les élus et les Directions respectives de chaque Ehpad, s’est mobilisé pour obtenir une reconnaissance de leurs métiers, par la rémunération bien entendu, mais aussi en agissant sur la pénibilité. Pour FO 73, la prise en charge des résidents à hauteur de leurs besoins et l’amélioration des conditions de travail des agents ne pourra s’effectuer qu’avec un ratio d’encadrement d’un agent pour un résident. Cela veut dire satisfaire les revendications par des recrutements nécessaires, et, bien entendu, l’augmentation des salaires.

Chloé Bouvier

L’inFO militante Le bimensuel de la Confédération

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