« Dans un canard » : le monde de l’entreprise canardé

Théâtre par Michel Pourcelot

Une histoire d’ascension sociale délirante qui vitriolise la vie d’entreprise. La pièce « Dans un canard », présentée au Rond-Point, à Paris, jusqu’au 14 mai, puis en Avignon, qui conte la résistible ascension d’un naïf dans l’univers impitoyable d’une entreprise, d’un canard que l’on presse de voler pour ensuite l’abattre.

Eternel stagiaire dans un centre d’appels, Donald fait un lapsus dans l’hommage au fondateur placardisé de sa boite retrouvé mort dans un canal : il dit « dans un canard ». D’où un monumental buzz sur le Net. La nouvelle direction le propulse alors au rang des cadres dirigeants. Donald entre alors dans sa nouvelle peau de canard. Elle commence par avaler des couleuvres pour entrer dans le chas d’une aiguille. Et monter ainsi dans un ascenseur social ne va pas sans écraser quelques pieds. Sans compter que l’histoire vire vite au polar délirant. Bref : une « histoire de bureau à l’ère inhumaine du benchmarking, de la tyrannie de la qualité, de la délation des maillons faibles ».

Un auteur qui mâche les maux

L’auteur, Jean-Denis Magnin, dont les pièces ont été jouées un peu partout de Québec à Bucarest, a exercé trente-six métiers parallèlement à sa vie d’écrivain de théâtre, « à tous les échelons et dans tous les secteurs », mais, pour lui, ça c’était avant : « avant la mise en place de cette méthode de domination appelée le benchmarking, avec ses coachs-évangélistes, ses autoévaluations mutilantes, la recherche de la qualité zéro défaut qui contrôle, compresse et parfois tue. Et « si vous désirez en savoir plus, et si vous avez les nerfs solides, regardez sur le Net la formidable série documentaire La Mise à mort du travail de Jean-Robert Viallet, et aussi les analyses accablantes du psychiatre du travail Christophe Dejours ». Il ne se cache pas de tirer à la chevrotine sur la nouvelle organisation du travail et autres techniques managériales. Jean-Denis Magnin ne mâche pas ses mots, dénonçant un « nazisme d’entreprise », où »les individus sont surveillés et deviennent une variable d’enregistrement pour les bourses, où s’exercent la « domination du corps et des âmes, dans les grandes entreprises bien sûr mais aussi dans les administrations et les hôpitaux » et « comment tout s’organise pour que finalement tous les salariés puissent être amenés à se dénoncer les uns les autres, voire se dénoncer eux-mêmes ». Transformant les enfants du Bon Dieu en canards sauvages.

« DANS UN CANARD », pièce écrite et mise en scène par Jean-Daniel Magnin, interprétée par Quentin Baillot, Emeline Bayart, Éric Berger et Manuel Le Lièvre.
 jusqu’ au 14 mai à Paris, au Théâtre du Rond-Point, salle Tardieu, à 18h30. Plein tarif : de 12 à 31€. Tél : 01 44 95 98 21
 les 26 et 27 mai ainsi que du 6 au 29 juillet en Avignon, au Théâtre des Halles, Rue du Roi René, 84000 Avignon (Vaucluse). Tarifs : de 10 à 21 €. Billetterie : 04 32 76 24 51

Plus d’info et teaser sur le Net : http://www.theatredurondpoint.fr/spectacle/dans-un-canard-2/

Michel Pourcelot Journaliste à L’inFO militante