De 25 000 à 30 000 emplois menacés dans les banques

Emploi et salaire par Clarisse Josselin, FEC FO

Conférence de presse à la Fédération des Employés et Cadres de la section fédéral du Crédit, le 7 février 2017. Photographie : F. Blanc (CC BY-NC 2.0)

Malgré les milliards d’euros de bénéfices engrangés par les banques en 2016, les plans sociaux se multiplient, des agences ferment, les salaires stagnent et les conditions de travail se dégradent dans la branche. FO lance l’alerte et en appelle au gouvernement.

Le bureau fédéral de FO Banques tire la sonnette d’alarme sur l’emploi, les salaires, les conditions de travail et plus globalement l’avenir de la profession. Pour alerter l’opinion publique, il a organisé le 7 février une conférence de presse à Paris, dans les locaux de la Fédération des employés et cadres (FEC-FO).

Chaque année, 1 à 2 % des effectifs des banques disparaissent, selon FO. Les directions prétextent un changement de comportement des clients, qui utilisent davantage les banques en ligne. Des plans de sauvegarde de l’emploi sont mis en œuvre dans presque toutes les enseignes, comme l’ont expliqué les délégués FO.

A la BNP, Charles Legros, a évoqué une « refonte » du réseau de la banque de détail, et la suppression de 2 000 à 3 000 postes. A la Société Générale, selon Isabelle Blanquet-Leroy, 2 500 postes seront supprimés d’ici 2020, dans le cadre d’un plan stratégique drastique. Chez HSBC France, un plan de départs volontaires concernant 451 postes a été validé fin janvier. Chez LCL, près de 900 postes seront supprimés en 2017. Chez BPCE, une restructuration a été évoquée dans la presse. Un comité stratégique extraordinaire est programmé en mars prochain.

7,7 milliards d’euros de bénéfices à la BNP

Quand les départs en retraite et le turn-over ne suffisent pas, ces plans peuvent donner lieux à des licenciements secs. Sébastien Busiris, secrétaire général de FO Banques, a aussi condamné la multiplication des licenciements disciplinaires, une sorte de plan social déguisé.

Dans le même temps, les enseignes ferment en moyenne 50 à 60 agences par an, en général celle qui ne comptent que trois ou quatre salariés. A la Société Générale, c’est une centaine d’agences qui disparaitront en 2017. Chez BPCE, une agence sur cinq serait condamnée. Dans celles qui restent, la tendance est à la suppression des chargés d’accueil, remplacés par des conseillers multitâche, comme au CIC ou à la Société Générale. Chez LCL, l’expérience, qui a tourné au fiasco, a été abandonnée.

Pourtant, comme le rappelle Sébastien Busiris, toutes les banques font des bénéfices. Elles renouent avec des résultats massifs, qui atteignent presque les niveaux records d’avant la crise de 2008. Ils atteignent 7,7 milliards d’euros en 2016 pour la BNP, 6 milliards d’euros pour le Crédit Agricole…

Yves Fourcade, délégué FO chez LCL résume la situation : il ne s’agit pas de développer l’activité bancaire ou la pérennité de l’entreprise, on est dans le pur économique, il nous faut cracher le maximum de dividendes pour le seul actionnaire, le crédit Agricole SA.

Un suicide par mois en moyenne dans la profession

Pour FO Banques, cette situation est d’autant plus insupportable que les banques ont largement bénéficié des aides publiques : 350 millions d’euros au titre du CICE et six milliards d’euros avec le Pacte de responsabilité. Le 6 février, la section syndicale a adressé un nouveau courrier au ministre de l’Économie Michel Sapin pour l’interpeller sur l’utilisation faite des ces aides publiques, qui devaient servir à maintenir ou développer l’emploi et revaloriser les salaires. Ce chèque en blanc sans contreparties est choquant, le gouvernement doit faire pression sur les banques, qui ne sont pas en situation de fragilité, a rappelé Sébastien Busiris, secrétaire général de FO Banques.


Le syndicat FO craint jusqu’à 30 000 suppressions de postes dans le secteur bancaire d’ici quelques années. Reportage de Raphaël Ebenstein. (franceinfo :)

En matière de salaire, les NAO qui viennent de s’achever accordent au mieux une augmentation collective de 0,6 %, plus souvent rien du tout. De leur côté, les patrons n’hésitent pas à s’augmenter confortablement. La hausse est de 15 % pour le directeur général du Crédit Agricole, selon Dominique Manissier.

Quant aux conditions de travail, elles n’ont jamais été aussi dégradées pour les salariés. La baisse constante des effectifs entraîne une hausse de la charge de travail. Les objectifs commerciaux sont de plus en plus importants. Les arrêts maladie sont en hausse. Le mal-être n’a jamais été aussi important, on enregistre en moyenne un suicide par mois dans les réseaux, quinze à vingt par an, c’est inadmissible dans une profession où tout devrait aller bien, ajoute Sébastien Busiris. Il souligne aussi la hausse des incivilités, 6 000 ont été déclarées en 2015.

Des avatars capables de conseiller les clients

A la Caisse d’Épargne, Isabelle Larrivé alerte aussi sur le mal-être des représentants du personnel, qui font face à la détresse des salariés sans y être formés. Et dans le même temps, les établissements renégocient le droit syndical en réduisant les crédits d’heures des représentants du personnel, en application de la loi Rebsamen. Chez LCL, une délégation unique du personnel (DUP) regroupe désormais le CHSCT et les DP.

Et l’avenir ne s’annonce pas rose dans la profession. FO Banques redoute une casse sociale, qui pourrait être provoquée par le recours à l’intelligence artificielle. L’assistant virtuel Watson est capable d’entendre et de comprendre les demandes des clients. L’avatar Amelia peut conseiller les clients pour les questions courantes. Watson a déjà été acheté par le CIC-Crédit Mutuel, peut-être aussi par d’autres enseignes qui ne l’ont pas dit, s’inquiète Sébastien Busiris.

FO exige l’ouverture de négociations

En France, ces outils sont pour le moment réservés aux seuls conseillers commerciaux. Mais d’ici cinq à dix ans, cette intelligence artificielle pourra s’occuper de la clientèle standard, dans une logique de rentabilité à tout crin, s’inquiète Sébastien Busiris. Tous réseaux confondus, 25 000 à 30 000 emplois sont menacés, on est peut-être à la veille d’une révolution complète, avec la déshumanisation du métier.

Les employeurs refusent pour l’instant de parler de ces mutations technologiques et de leurs impacts éventuels. FO Banque demande l’ouverture de négociations sur la banque de demain. Elle exige des engagements sur le maintien d’emploi et des solutions en terme de formation et de reconversion.

Clarisse Josselin Journaliste à L’inFO militante

FEC FO Employés et Cadres