De l’eau dans le gaz chez Engie

Grève par Nadia Djabali

© Gilles ROLLE/REA

Un préavis de grève a été déposé chez Engie pour mardi 26 septembre. FO et quatre autres organisations syndicales (CGT, CFDT, CFTC et CFE-CGC) appellent les salariés chargés des particuliers et de la clientèle professionnelle à un arrêt de travail.

En tête des griefs des organisations syndicales d’Engie : l’externalisation à l’étranger des activités de la relation clientèle et la séparation de l’organisation en deux directions. Car chez le géant gazier, les délocalisations succèdent aux externalisations. Une des conséquences du plan de réduction des coûts de fonctionnement de 1,2 milliard d’euros qui court jusqu’à 2018.

23 sites fermés

80 % du service client, composé par des centres d’appel, a déjà été sous-traité en France. Et 20 % de cette activité externalisée a été délocalisée au Maroc, au Portugal et à l’Île Maurice. Prochaine destination : le Cameroun et le Sénégal. En 2017, la migration vers ces pays à bas coût salariaux devrait causer la perte de plus d’un millier d’emploi hexagonaux soit 50 % des effectifs de salariés chargés de la commercialisation de l’énergie. Les prestataires français feront les frais de ces délocalisations, prévient Gildas Gouvazé, secrétaire général adjoint de FO Engie (EEFO). Puis des postes seront supprimés en interne.

Depuis 2007, date de la fusion de GDF avec Suez, 23 des 32 centres de relation clients ont baissé le rideau, entraînant la suppression de 1 500 emplois. Après une expérimentation de 10 mois, la direction nous a annoncé cette année qu’elle souhaitait doubler les effectifs des centres d’appel offshore. De 700, ils passeront à 1 400 d’ici la fin 2017.

L’État vend ses actions

Deuxième inquiétude des organisations syndicales : la séparation de l’organisation en deux directions. La première dédiée aux offres de tarif réglementés du gaz, la seconde pour les offres de gaz et d’électricité au tarif du marché. Cette distinction sera effective le 1er janvier 2018. Le processus résulte de la décision de l’Autorité de la concurrence qui a condamné Engie en mars 2017 à 100 millions d’euros d’amende pour abus de position dominante. L’entreprise avait utilisé jusqu’en 2014, son fichier historique de 11 millions de clients, hérité de Gaz de France pour proposer ses offres de marché dans le gaz et l’électricité.

Ces dernières semaines, les organisations syndicales du gazier français ont eu beaucoup de grain à moudre : début septembre, l’État a vendu 4,15 % de ses actions Engie, après en avoir cédé 3,7 % en janvier 2017. Il est donc passé de 32,76 % d’actions à 24,1 % en deux ans. Ce qui est en-dessous du tiers des participations que doit conserver l’État dans Engie. Un taux prévu par la loi qui laisse deux années au gazier pour se remettre en conformité. L’État a donc jusqu’à janvier 2019 pour racheter des actions Engie. Le fera-t-il ? Gildas Gouvazé et Nelly Breheret, secrétaire générale de EEFO, redoutent le pire, Si l’État ne recapitalise pas, Engie se trouve à la merci d’une OPA.

Fin des tarifs réglementés ?

En ce moment, c’est l’État qui sauve les emplois à Engie, poursuit Nelly Breheret. Car il y a trop de concurrence en France dans le gaz. Une guerre des prix qui ne risque pas de s’arranger : le Conseil d’État, saisi par une association d’opérateurs privés, a jugé en juillet 2017 que les tarifs réglementés de gaz étaient contraires à une directive européenne de 2009. La haute assemblée a estimé que l’entrave à la réalisation d’un marché du gaz naturel concurrentiel que constitue le maintien de tarifs réglementés ne poursuit aucun objectif d’intérêt économique général. L’État doit se saisir de ce dossier pour programmer la fin des tarifs réglementés. Pour Gildas Gouvazé, le gouvernement aurait pu faire jouer le principe de subsidiarité auprès de l’Union européenne pour conserver les tarifs réglementés, mais il ne l’a pas fait.

Nadia Djabali Journaliste à L’inFO militante