De l’enfer d’Alep aux rêves olympiques

Tour de France 2021 par Christophe Chiclet, L’inFO militante

Ahmad Wais en 2017 (UCI World Championships). Løken (CC BY-SA 3.0)

Ahmad Badredin Waïs est un coureur cycliste syrien. Sa vie à elle seule vaut toutes les épopées du Tour de France. Ce réfugié a franchi des cols largement plus compliqués que le Tourmalet.

Le sport cycliste a fait son apparition au Moyen Orient il y a plus d’une dizaine d’années avec l’organisation des Tours du Qatar, des Émirats, d’Oman et l’apparition d’équipes professionnelles du Bahreïn, des Émirats et plus récemment d’Israël. En revanche, la région n’a toujours pas fourni de grands champions, à part quelques Érythréens et Éthiopiens. Le vélo reste un moyen de locomotion pour les plus pauvres et non un sport attractif qui fait rêver les jeunes, comme le foot.

Pas pour le jeune Ahmad, cet Alépin qui commence les compétitions amateurs dès 2005. Le gamin d’Alep a du talent car à 18 ans, il participe aux championnats du monde junior. Deux ans plus tard, le printemps syrien commence. Mais l’année suivante la guerre civile explose. Elle dure toujours ! Alep est alors le fief de l’opposition. Sa famille, prudente, décide de rejoindre la Turquie dès 2013.

Ahmad poursuit ses études à Damas et participe même au championnat de Syrie sur route en 2014, où il finit quatrième. On croit rêver. Une course cycliste dans un pays en pleine guerre civile, l’année où Daesh est en train de mettre le Proche Orient à feu et à sang. Pour Waïs, son avenir cycliste est désormais ailleurs.

D’Athènes à Berne

Il rejoint Beyrouth en voiture, puis Mersin, port sud de la Turquie, en bateau. Il transite par Gaziantep, Adana puis Istanbul où il retrouve sa famille. Mais l’appel de la petite reine est plus fort.

Il arrive clandestinement en Grèce où il achète pour 1.800 euros un passeport kazakh lui permettant de prendre un vol Athènes-Genève. Plus fort qu’une étape avec quatre cols hors catégorie. En Suisse, il obtient le statut de réfugié politique et s’installe à Berne.

En 2016, il rejoint l’équipe amateur hollandaise Marco-Polo qui ne fait courir que des réfugiés. L’année suivante, Ahmad participe au championnat du monde du contre-la-montre où il finit 60°, place très honorable pour un amateur. Trois ans plus tard, à la même compétition, il arrive 55°. Entre-temps, il a rejoint l’équipe semi-pro VIB Sports, sous licence du Bahreïn. Il y retrouve un autre Syrien, Tarek al Moaki.

Désormais, il s’entraîne pour les prochains JO de Tokyo avec le soutien du Comité International Olympique et l’aide de l’équipe française Groupama-FDJ pour l’entraînement. En effet, il a été qualifié pour faire partie du Refugee Olympic Team (ROT), créé en 2016 par le CIO. À Tokyo, le ROT aura des sportifs de dix pays, compétiteurs dans neuf sports, dont le cyclisme avec notre coureur alépin.

Christophe Chiclet Journaliste à L’inFO militante

L’inFO militante Le bimensuel de la Confédération