Défendre et consolider le fragile château de cartes

InFO militante par Clarisse Josselin, L’inFO militante

Ils sont pisteurs-secouristes, dameurs, conducteurs de remontées mécaniques, nivoculteurs, hôtesses en caisse… Les remontées mécaniques et domaines skiables de France emploient près de 18 000 salariés, répartis en une vingtaine de métiers. Parmi eux, quelque 16 000 saisonniers voient leur contrat s’arrêter à la fermeture des pistes. Un statut des plus précaires et une spécificité méconnue et sous-estimée par l’exécutif selon Éric Becker, conseiller fédéral chargé des remontées mécaniques à FO-Transports et référent national saisonniers, qui refuse que ces derniers soient considérés comme des sous-salariés.

 Pour les saisonniers, il n’y a pas de logement, pas d’offre de transport, pas de place en crèche, le salaire est de moins en moins attrayant et le ministère du Travail menace désormais de supprimer les mesures de chômage partiel en cas de manque de neige. On retire aux saisonniers le peu de droits qu’ils avaient obtenus. Tout est fait pour démonter le fragile château de cartes construit depuis trente ans. On veut les faire fuir alors qu’ils sont irremplaçables, résume le militant, assumant son coup de gueule.

Mi-janvier, avec Patrice Clos, secrétaire général de la fédération UNCP FO-Transports, et Pierre Didio, secrétaire général de l’UD FO de Savoie, il a réuni à Chambéry une quarantaine de délégués du syndicat FO des remontées mécaniques et domaines skiables (FO-RMDS), venus de tous les massifs français. L’occasion d’évoquer les différentes problématiques rencontrées par les salariés cette saison.

Le logement reste l’une des principales difficultés, avec une offre insuffisante en station et peu de solutions proposées par les employeurs. Cela se traduit par des loyers très élevés, poussant les travailleurs à s’éloigner toujours plus dans les vallées.

66 % des saisonniers connaissent des périodes de chômage

Selon une vaste enquête menée en 2023, notamment par FO, un tiers des salariés de la branche expriment des difficultés liées au logement. Pour Éric Becker, des solutions pourraient être trouvées par les pouvoirs publics, s’ils en avaient la volonté, comme la réhabilitation de locaux administratifs ou militaires inoccupés, ou la construction de logements dédiés exonérés de taxes.

FO avait soutenu la construction de maisons des saisonniers proposant un hébergement décent avec un loyer raisonnable. C’était une bonne idée, mais les pouvoirs publics ont demandé aux employeurs de payer un an de charges pour une occupation de seulement trois ou quatre mois, et ces derniers se sont retirés, déplore le militant, qui espère que des logements seront conservés pour les saisonniers après les JO d’hiver de 2030 qui se dérouleront dans les Alpes.

Selon cette même enquête, la rémunération mensuelle médiane était, en 2023, de 2 000 euros brut pour les saisonniers et de 2 400 euros brut pour les permanents. Pour la saison 2024-2025, la chambre patronale Domaines skiables de France a recommandé à ses adhérents d’augmenter de 1,2 % les salaires et les primes conventionnelles. FO avait revendiqué une hausse de 3 %, pour être à la hauteur des prix pratiqués en station.

Autre problématique, l’indemnisation du chômage, alors que les périodes non travaillées sont inhérentes à la saisonnalité des métiers de la branche. Une étude de l’Ires publiée en mai 2024 précise que même si certaines activités sportives en été peuvent solliciter une main-d’œuvre dans le domaine des remontées mécaniques, cela représente moins de 5 % des activités économiques du secteur. L’activité économique est donc concentrée sur trois ou quatre mois de l’année, ce qui favorise le recours à l’emploi saisonnier de manière systémique. Si, selon l’enquête menée par FO, 84 % des saisonniers contractent au moins un emploi entre deux hivers, cela ne suffit pas pour occuper toute l’intersaison et ils étaient 66 % à connaître des périodes de chômage. Or les dernières réformes imposées par les gouvernements successifs ont durci l’accès à l’indemnisation. Actuellement, pour ouvrir ou recharger des droits, il faut avoir travaillé au moins six mois au cours des vingt-quatre derniers mois. À partir du 1er avril 2025, grâce au combat mené par FO, les saisonniers pourront être indemnisés dès cinq mois de travail. Mais cela reste insuffisant selon le syndicat FO-RMDS car la durée des contrats ne cesse de se réduire.

FO, syndicat majoritaire dans la branche

Toutes les stations ont aussi un accord d’entreprise qui prévoit le manque de neige, selon Pierre Didio, de l’UD de Savoie. En début de saison, cet accord permet à l’employeur de retarder l’embauche jusqu’à une date déterminée. Au-delà, il fait une demande de chômage partiel. Idem si le manque de neige survient en cours de saison. Depuis deux ans, le ministère du Travail menace de supprimer le recours à l’activité partielle, considérant que le manque de neige n’est plus exceptionnel. Mais cette allocation permet de conserver des salariés sous contrat, prêts à reprendre une activité. Et sans chômage partiel, les saisonniers seront à terme privés d’indemnisation chômage et on ne trouvera plus de saisonniers, alerte Éric Becker.

Si les saisonniers ne peuvent plus boucler l’année avec quelques mois de chômage, ils se feront embaucher ailleurs, abonde Pierre Didio, en pleine préparation d’élections professionnelles. Six scrutins sont organisés cet hiver dans de son département, notamment à Tignes, Les Arcs ou La Plagne. En termes de représentativité, FO est majoritaire au niveau national dans les remontées mécaniques, avec 53 % des voix. Éric Becker attend d’excellents résultats cet hiver, comme à Super Dévoluy, dans les Hautes-Alpes, où le syndicat FO est passé de un à trois sièges à l’issue des élections organisées en janvier. Il y a une volonté de faire bouger les choses dans les stations et les délégués FO répondent aux attentes de salariés, se félicite Éric Becker.

Clarisse Josselin Journaliste à L’inFO militante

L’inFO militante Le bimensuel de la Confédération

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