Droit de grève : la crise se débloque à l’OIT

International par Evelyne Salamero

Les représentants des employeurs et des travailleurs à l’OIT (Organisation Internationale du Travail) ont trouvé le 23 février un accord sur la reconnaissance du droit de grève qui pourrait permettre de mettre fin à un conflit ouvert en 2012 par les premiers.

Il y a deux ans, les employeurs ont lancé au sein de l’OIT une offensive sans précédent contre le droit de grève, au motif que la convention 87 sur la liberté syndicale ne l’évoque pas explicitement. Celle-ci stipule pourtant que « les organisations de travailleurs et d’employeurs ont le droit (…) d’organiser leur gestion et leur activité, et de formuler leur programme d’action » et « les autorités publiques doivent s’abstenir de toute intervention de nature à limiter ce droit ou à en entraver l’exercice légal ».

En contestant que ces termes suffisent à garantir le droit de grève, les employeurs ont remis en cause des décennies de jurisprudence interne, celle des experts de l’OIT, d’éminents juristes chargés du contrôle de la bonne application des normes dans les pays qui les ont ratifiées, mais aussi celle du Comité de la liberté syndicale, composé de représentants des travailleurs, des employeurs et des gouvernements. Cette instance est spécifiquement chargée de veiller au respect des deux normes fondamentales 87 et 98 de l’OIT sur la liberté syndicale et de négociation collective, et ce, même dans les pays qui ne les ont pas ratifiées. Or le recueil des décisions du Comité stipule bel et bien en son paragraphe 523 que « Le droit de grève est un corollaire indissociable du droit syndical protégé par la convention N°87 ».

23 février 2015 : le droit des travailleurs d’organiser des actions collectives est confirmé

En novembre 2014, les employeurs ont refusé que la question soit renvoyée devant la Cour internationale de justice (CIJ) pour un avis consultatif, ce que prévoit pourtant la constitution de l’OIT. La CSI (Confédération syndicale internationale) a alors lancé une campagne mondiale, avec pour point d’orgue une journée de mobilisation le 18 février dernier qui a donné lieu à plus de 100 manifestations dans une soixantaine de pays.

C’est dans ce contexte qu’une réunion tripartite spéciale a réuni représentants des employeurs, des travailleurs et des gouvernements du 23 au 25 février à Genève. Elle a permis une déclaration conjointe du groupe des employeurs et de celui des travailleurs ainsi qu’une déclaration du groupe gouvernemental. Si l’on ne trouve aucune référence explicite à la convention 87 sur la liberté syndicale, les employeurs ont toutefois accepté de réaffirmer que « le droit de mener des actions collectives par les travailleurs/euses et les employeurs pour soutenir leurs intérêts professionnels légitimes est reconnu par les mandants de l’Organisation internationale du travail ». De plus, le groupe gouvernemental a reconnu « que le droit de grève est lié à la liberté syndicale, qui est un principe et droit fondamental au travail de l’OIT ».

La CSI s’est félicitée de cette « avancée significative » qui « permet à l’OIT de reprendre pleinement son travail, c’est-à-dire de s’assurer que les gouvernements respectent leurs obligations à l’égard des normes internationales du travail ».

Un rapport, contenant notamment la déclaration conjointe des employeurs et des travailleurs et celle des gouvernements, va être élaboré en prévision du prochain Conseil d’Administration qui se déroulera du 11 au 13 mars prochains à Genève. Le challenge aujourd’hui est donc que cette instance, organe exécutif de l’OIT, endosse ces conclusions.

Evelyne Salamero Ex-Journaliste à L’inFO militante

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