Droit de retrait : le coup d’épée porté par la Cour de cassation !

Santé au travail par Patricia Drevon, Secteur des Affaires juridiques

Le droit de retrait constitue un bouclier important pour le salarié dans la protection de sa santé, depuis son instauration par la loi n°82-1097 du 23 décembre 1982 (4e loi Auroux).

Aussi fondamental soit-il, l’exercice de ce droit n’est pas sans risque pour le salarié. Un arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation du 22 mai 2024 (Cass. soc., 22-5-24, n°22-19849) en témoigne.

En l’espèce, une partie du personnel navigant et commercial d’une compagnie aérienne a exercé son droit de retrait, l’employeur a immédiatement procédé à une retenue sur salaire correspondant à la journée non travaillée.

Deux syndicats présents dans l’entreprise, ont saisi le juge afin que celui-ci interdise à l’employeur de pratiquer une telle retenue.

En appel, les syndicats sont déboutés de leur demande. Les juges estiment qu’en l’absence de décision judiciaire sur le bien-fondé du droit de retrait exercé par un salarié, un employeur est fondé à opérer une retenue sur salaire.

La question posée à la Cour était la suivante : lorsqu’un employeur estime illégitime le droit de retrait exercé par un salarié, peut-il procéder à une retenue sur salaire, sans avoir à saisir au préalable le juge pour trancher la question du caractère justifié ou non de l’exercice de ce droit de retrait ?

La Cour de cassation répond de manière affirmative à cette question. Elle affirme, au visa des articles L 4131-1 et L 4131-3 du code du travail, que lorsque les conditions de l’exercice du droit de retrait ne sont pas réunies, le salarié s’expose à une retenue sur salaire, sans que l’employeur soit tenu de saisir préalablement le juge du bien-fondé de l’exercice de ce droit par le salarié.

La position de la Haute juridiction est très critiquable en ce qu’elle amenuise la protection du salarié dans l’exercice de son droit. C’est une solution qui peut décourager un salarié à se retirer d’une situation qui présente pour lui un danger grave, par crainte de voir sa rémunération mensuelle baisser.

La Cour semble donc ne pas considérer qu’il y a, dans pareille circonstance, une sanction pécuniaire prohibée. Elle semble plutôt se placer sur le terrain de l’exécution du contrat. Comme le service n’a pas été rendu par une partie, l’autre partie est fondée à ne pas la payer.

Cet arrêt constitue la première décision de la chambre sociale sur cette question. Auparavant, la chambre criminelle avait rendu une solution similaire dans un arrêt du 25 novembre 2008 (Cass. crim., 25-11-08, n°07-87650). Cette dernière avait alors affirmé qu’un salarié s’expose à une retenue sur salaire lorsque les conditions d’exercice du droit de retrait ne sont pas réunies, sans que l’employeur n’ait à saisir le juge au préalable.

Si cette solution est contestable, le salarié n’est pas complètement démuni. Il pourra toujours saisir le juge pour juger du bien-fondé de l’exercice de son droit de retrait, et si le juge tranche en ce sens, le salarié pourrait demander à l’employeur de rembourser la retenue sur salaire qui a été opérée.

Patricia Drevon Secrétaire confédérale au Secteur de l’Organisation, des Outre-Mer et des Affaires juridiques

Secteur des Affaires juridiques Le secteur des Affaires juridiques apporte une assistance juridique à la Confédération dans sa lecture du droit et dans la gestion des contentieux.