Près de la moitié des agents d’EDF en grève contre le pillage d’Etat

InFO militante par Clarisse Josselin, L’inFO militante

© F. BLANC

Pour éviter une envolée des factures d’électricité, le gouvernement a demandé à EDF de vendre davantage d’électricité à prix cassé à ses concurrents. Le manque à gagner est évalué à près de 8 milliards d’euros. FO, dans le cadre d’une interfédérale, a appelé les agents EDF à la grève le 26 janvier pour s’opposer à cette spoliation qui va mettre l’opérateur historique en difficulté financière.

L’appel à la grève lancé le 26 janvier par l’interfédérale d’EDF à été entendu. Environ 37% du personnel avait cessé le travail à la mi-journée, selon la direction. Pour la fédération FO Energie et Mines (FNEM-FO) c’est même près de la moitié du personnel qui se sera mobilisé sur la journée.

Plusieurs rassemblements ont été organisés en France, devant des centrales nucléaires comme à Gravelines ou Chinon, devant des préfectures comme à Nîmes ou Chambéry, ainsi qu’au siège d’EDF à La Défense. La grève a entraîné des baisses de production, sans toutefois générer de coupures d’électricité. Pour les agents mobilisés, un seul mot d’ordre : le refus total de l’augmentation, de 20 TWh, du volume supplémentaire de production nucléaire d’EDF à ses concurrents.

En effet, dans un contexte d’envolée des prix de l’énergie, pour éviter la flambée des factures d’électricité, le gouvernement a annoncé mi-janvier son intention de mettre lourdement à contribution EDF, dont l’État possède 84% du capital. L’opérateur historique devrait ainsi augmenter en 2022, de 20% le volume d’électricité nucléaire vendu à prix réduit à ses concurrents dans le cadre du dispositif Arenh (accès régulé à l’électricité nucléaire historique). Ce passage de 100 à 120 térawattheures (TWh) entraînerait pour l’opérateur un manque à gagner évalué entre 7,7 et 8,4 milliards d’euros.

Le CSEC a déclenché un droit d’alerte économique

Pour la FNEM-FO, cette injonction est d’autant plus inadmissible que cette part de production a déjà été commercialisée sur le marché international. Vous obligez ainsi EDF à fournir à ses concurrents de l’électricité dont elle ne dispose pas et qu’elle sera contrainte d’acheter à un prix exorbitant pour ensuite la brader. Ceci constitue une spoliation et une inacceptable fragilisation d’EDF, opérateur public, dénonce les organisations syndicales représentatives d’EDF dans une lettre ouverte adressée le 25 janvier au ministre de l’Economie Bruno le Maire.

Le P-DG d’EDF, lui-même, a critiqué cette décision gouvernementale qu’il assure avoir combattue et évoque un véritable choc.

Ces mesures coercitives vont mettre à mal les finances d’EDF. L’Ebitda (bénéfices avant charges et impôts, Ndlr) d’EDF plombé de 50% en 2022 entraîne pour l’entreprise un déclassement par les agences de notation. On tue EDF, alerte Alain André, secrétaire général de la fédération FO énergie et mines (FNEM-FO).

Cette situation compromet les capacités d’investissement de l’entreprise publique, alors que les dépenses à venir sont colossales, entre la prolongation des centrales nucléaires et la transition vers les énergies renouvelables. Le 20 janvier, le CSE central d’EDF a déclenché un droit d’alerte économique. Il fera l’objet d’une réunion le 4 février prochain.

Le marché, une machine devenue incontrôlable

Cette décision du relèvement du plafond de l’Arenh était inattendue, mais son origine est connue, poursuit Alain André. Il pointe notamment une réduction de la production d’électricité en France, entraînant automatiquement une hausse des prix, et l’échec de l’ouverture du marché de l’énergie. Avant l’intervention de l’État, la Commission de régulation de l’énergie (CRE), qui calcule des hausses annuelles en fonction des prix du marché, avait proposé une augmentation tarifaire de 45% pour l’électricité.

Il faut sortir de l’hérésie du marché, on a créé une machine infernale et incontrôlable, martèle Alain André. FO demande la dissolution de la CRE et sa transformation en commission de défense du service public. Si la FNEM-FO approuve le plafonnement à 4% pour la hausse des tarifs, elle demande que celui-ci soit assumé par l’État au travers d’une baisse de la TVA.

La bataille devrait se poursuivre sur le terrain judiciaire. Les actionnaires salariés envisagent en effet d’intenter des actions en justice. De son côté, l’interfédérale entend attaquer dès leur sortie les décrets portant sur la hausse du l’Arenh et la fixation du tarif de vente du de mégawatt heure (MWh) à 46 euros.

Clarisse Josselin Journaliste à L’inFO militante

L’inFO militante Le bimensuel de la Confédération