Calendrier oblige, la phase de renouvellement des premiers comités sociaux et économiques (CSE) vient de démarrer. Le CSE, qui a progressivement remplacé les anciennes institutions représentatives du personnel (CE, DP et CHSCT), a été instauré par les ordonnances Macron de septembre 2017. Cette instance unique devait être mise en place au plus tard au 1er janvier 2020.
Cette année, quelque 9 400 élections professionnelles devraient être organisées. Ces scrutins concernent les entreprises qui ont atteint un effectif d’au moins 11 salariés pendant douze mois consécutifs. Ces rendez-vous électoraux sont d’autant plus incontournables pour l’organisation qu’un nouveau cycle de mesure de l’audience syndicale démarre, qui s’achèvera en 2024. Pour les militants de terrain, c’est autant de protocoles d’accords préélectoraux (PAP) à négocier. Pour les aider à préparer les élections professionnelles, la confédération vient de publier un guide dédié au PAP.
Le PAP est une étape décisive qui permet aussi de porter la voix et les valeurs de FO auprès de salariés éloignés du syndicat. Il permet de fixer les modalités d’organisation et de déroulement des futures élections. Il est négocié entre l’employeur et une ou plusieurs organisations syndicales. Participent à cette négociation les organisations représentatives ou ayant constitué une section syndicale dans l’entreprise ou l’établissement. L’employeur a également l’obligation d’y convier, par courrier, les syndicats affiliés à une organisation syndicale représentative au niveau national interprofessionnel, même si elles n’ont aucun adhérent dans l’entreprise. Le PAP est négocié soit par le délégué syndical, soit par une personne mandatée par l’organisation syndicale.
Le nombre de CSE n’est plus négocié dans le PAP
Le courrier doit être reçu au moins quinze jours avant la date de la première réunion de négociation du PAP. À défaut, le PAP peut être annulé. Une exception existe pour les entreprises de 11 à 20 salariés. Les syndicats ne sont invités à négocier le PAP que si un candidat pour ces élections s’est fait connaître. À défaut, l’employeur fixe unilatéralement les modalités du processus électoral.
Un certain nombre de sujets doivent obligatoirement être abordés lors de la négociation du PAP. Attention, la question du nombre de CSE d’établissement ainsi que leur périmètre n’est plus abordée comme auparavant dans le cadre du PAP, mais elle est définie dans l’accord CSE, ou à défaut par décision unilatérale de l’employeur.
Concernant la composition du CSE, le PAP doit fixer le nombre de représentants du personnel à élire, ainsi que le volume individuel des heures de délégation des élus. Le nombre de sièges et un volume mensuel d’heures de délégation sont fixés par le Code du travail en fonction des effectifs de l’entreprise. Le nombre de sièges peut être modifié à la hausse ou à la baisse dès lors que le volume global des heures de délégation dans chaque collège est au moins égal au nombre d’heures prévu par la loi. De même, il est possible de modifier le nombre d’heures individuelles de délégation à condition de respecter le volume global. FO conseille vivement de négocier davantage d’heures de délégation, notamment pour permettre aux suppléants de participer pleinement à la vie du CSE grâce au mécanisme de mutualisation de ces heures. Il est également possible de prévoir, par accord de droit commun, la participation des suppléants aux réunions.
Négocier la levée de la limitation des mandats
La durée légale des mandats des membres du CSE est de quatre ans. Elle peut être réduite jusqu’à deux ans par accord collectif. Mais attention, depuis 2017, le Code du travail introduit une limitation à trois mandats successifs dans les entreprises de plus de 50 salariés. Cette disposition est impérative à partir de 300 salariés. Il est donc vivement conseillé d’insérer au PAP une levée de la limitation de mandats successifs dans les entreprises de 50 à 300 salariés.
Le PAP doit aussi établir le nombre de collèges, la répartition des sièges entre les collèges ainsi que la répartition du personnel au sein de ces collèges. La création d’un deuxième collège est obligatoire lorsque l’effectif de l’entreprise dépasse 25 salariés (ETP). De même la création d’un collège cadres est obligatoire dans les entreprises qui comptent au moins 25 ingénieurs, chefs de service et cadres administratifs. Il faut aussi veiller à la juste répartition entre les femmes et les hommes sur les listes, en fonction des effectifs de l’entreprise. L’employeur est tenu de fournir aux syndicats participant à la négociation les éléments nécessaires au contrôle de l’effectif de l’entreprise et de la régularité des listes électorales.
En matière d’organisation et de déroulement des élections, la négociation aborde divers points : modalités de vote, vote par correspondance, dates des scrutins, propagande électorale… Le recours au vote électronique requiert un accord collectif.
La double majorité est requise
Pour être validé, un PAP doit faire l’objet d’une double majorité. Cela signifie que l’accord doit être conclu à la fois par la majorité en nombre des organisations syndicales ayant participé à sa négociation, et à la majorité des suffrages exprimés lors des dernières élections professionnelles. Lorsque ces résultats ne sont pas disponibles, on ne retient que la majorité en nombre des organisations syndicales représentatives.
Certains points particuliers doivent cependant obtenir un accord de tous les syndicats présents dans l’entreprise ainsi que de l’employeur pour être validés : il s’agit de la modification du nombre de collèges, du nombre de membres et du nombre de sièges du CSE. Cette unanimité est aussi requise pour que le scrutin soit organisé en dehors du temps de travail.
Si aucun syndicat ne répond à l’invitation de l’employeur, ce dernier peut fixer seul les modalités de l’élection. En cas de désaccord à l’issue de la négociation, le juge judiciaire peut être saisi. La Direccte peut également intervenir pour la répartition du personnel et des sièges entre les collèges.
La durée de validité d’un PAP est limitée aux élections CSE pour lesquelles il a été négocié. Il peut aussi être négocié pour une durée indéterminée. Il continuera donc à s’appliquer tant qu’il n’aura pas été dénoncé.
Négocier le PAP, c’est souvent notre seule porte pour entrer dans les entreprises
« On reçoit déjà entre quinze et vingt annonces de négociation PAP par jour et ce n’est que le début, le rush ce sera surtout en 2023 », prévient François Graza, chargé du développement à l’union départementale (UD) FO de Paris. Toutes proportions gardées, la situation est similaire dans tous les départements, urbains comme ruraux. Ainsi dans le Calvados, l’UD peut recevoir jusqu’à quinze recommandés par jour.
Pour faire face à cet afflux d’invitations et réussir les élections professionnelles, les structures de FO élaborent des stratégies. Si l’essentiel de la gestion des PAP se fait par les UD, les fédérations aussi sont impliquées. Selon le type d’entreprise, nous avons une répartition un peu informelle des PAP avec les UD,
FO Métaux, par exemple, se charge elle aussi de négocier les PAP couvrant des élections à l’échelle nationale.
Première étape, le traitement des courriers. Pour chaque invitation, il faut vérifier que l’entreprise dépend bien de l’UD, trouver son secteur d’activité, ses effectifs ou le nombre de sièges à pourvoir, et voir si FO y est déjà implantée
, explique François Graza. Certains courriers ne sont pas adressés au bon destinataire. Parfois, le patron prend la première adresse FO qu’il trouve pour remplir ses obligations légales, à nous de le faire suivre dans la bonne UD ou la bonne fédé, ce qui rallonge les délais
, ajoute le militant.
Deuxième étape, la négociation du PAP. Dans le Rhône, elle est souvent assurée par les syndicats départementaux, tels ceux de la chimie, de la métallurgie ou du BTP. Dès réception des invitations, nous les alertons et dans 90 % des cas ils trouvent quelqu’un à dépêcher
, explique Pascal Lagrue, secrétaire général de l’UD du Rhône. Dans l’Hérault, une équipe dédiée de trois ou quatre camarades est mandatée pour négocier les PAP, FO est souvent la seule organisation à venir négocier dans les petites entreprises.
Manque de moyens pour honorer toutes les invitations
Mais globalement, les structures manquent de bras pour pouvoir répondre à toutes les demandes. En Mayenne il y a énormément de petites entreprises et nous sommes seulement trois à négocier, nous devons faire une sélection des PAP
, explique Sébastien Lardeux, secrétaire général de l’UD.
Pour anticiper le rush, François Graza a regardé, grâce au fichier Mars (Mesure d’Audience et de la Représentativité Syndicale), qui reprend les résultats des premières élections CSE, tous les PAP à négocier en 2022 et 2023 dans les entreprises de plus de 300 salariés. À l’UD de Paris, une douzaine de camarades sont formés à la négociation des PAP.
Patricia Bocciarelli, secrétaire générale du syndicat FO des métaux d’Île-de-France et DSC chez Stellantis Retail, déplore la forte réduction du nombre d’élus et d’heures de délégation à la suite des ordonnances Macron. Avant la mise en place des CSE on avait trente personnes pour aller négocier, aujourd’hui on n’en a plus que cinq, c’est dramatique
, regrette-t-elle.
Elle est d’autant plus inquiète que dans les entreprises de plus de 50 salariés, la loi pose désormais le principe d’une limitation à trois mandats consécutifs, une aberration
à ses yeux. À chaque négociation de PAP elle demande la levée de cette limitation, même si cette éventualité n’est possible que dans les entreprises de moins de 300 salariés.
Dans le Calvados, trois jeunes retraités sont mandatés pour aller négocier les PAP. Si aucun syndicat n’est implanté et que nous ne pouvons pas y aller, j’envoie toujours à l’entreprise une ébauche de PAP et une affiche de candidature FO au CSE,
Les moyens de la propagande, un thème à négocier
Sur le fond, la négociation du PAP ne présente généralement pas trop de difficultés. Une erreur peut se glisser par inadvertance, Il faut être très vigilant sur le nombre de votants, de salariés ou de sièges
, conseille Patricia Bocciarelli. Tout dépend aussi de l’attitude de l’employeur. Difficile par exemple de contrôler le nombre de sièges à pourvoir si ce dernier refuse de fournir la liste des salariés.
Lorsqu’il négocie, Olivier Hallay, secrétaire du SDAS-FO de l’Hérault, veille particulièrement aux moyens accordés à la propagande. Le minimum légal, c’est l’affichage sur les panneaux et la distribution de tracts, explique-t-il. Je négocie la possibilité d’envoyer un appel à candidature sur le mail professionnel des salariés, d’organiser une réunion d’information dans l’entreprise et de pouvoir suivre tout le processus des élections.
Le cas échéant, il demande aussi l’autorisation d’entrer dans les différents établissements pour de l’affichage. C’est important car une fois la négociation terminée, en théorie nous ne pouvons plus revenir sur les lieux
, précise-t-il.
La difficulté de trouver des candidats
Pour Sébastien Lardeux, la difficulté n’est pas de négocier le PAP mais plutôt de trouver des candidats pour monter une liste dans les entreprises où FO n’est pas présente, et cela prend du temps. Dans les entreprises de moins de 50 salariés, c’est très difficile de s’implanter si on n’a pas déjà un camarade adhérent isolé.
Le logiciel Arctique, en cours de développement par FO à partir du fichier Mars, va permettre d’anticiper les élections CSE à venir par département ou par secteur. Idéalement, il faudrait s’en servir pour aller tracter en amont de la négociation du PAP et prévenir les salariés que des élections vont être organisées
, imagine Olivier Hallay.
Pour Pascal Lagrue, si la négociation des PAP permet des implantations, l’essentiel du développement se fait dans les syndicats constitués. Reste que le PAP est incontournable. Il ne faut pas lâcher car c’est notre seule porte pour entrer dans les entreprises
, rappelle Véronique, du Calvados.