Energie : les scandaleuses mauvaises pratiques des opérateurs privés

Service public par Evelyne Salamero

© HAMILTON/REA

Le médiateur de l’énergie s’inquiète des dysfonctionnements qui pénalisent les consommateurs dans le cadre de l’ouverture à la concurrence, soulignant que les litiges ont augmenté de 38% en deux ans.

Si le médiateur de l’énergie persiste à dire, dans son rapport annuel publié le 14 mai, que le développement de la concurrence dans le secteur de l’énergie est une bonne chose, les chiffres et faits qu’il dévoile n’en démontrent pas moins les méfaits de l’ouverture à la concurrence pour les usagers, désormais « consommateurs ».

Le nombre des litiges en lien avec les factures a bondi de 60 %

Le médiateur lui-même qualifie d’inacceptable le fait que douze ans après l’ouverture du marché, les fournisseurs ne sachent toujours pas gérer correctement les erreurs de références de compteur, de plus en plus fréquentes, qui empoisonnent la vie des consommateurs qui en sont victimes. Au passage, il rappelle à l’ordre les entreprises qui ne respectent pas l’interdiction légale de facturer des rattrapages de consommation de plus de 14 mois.

Toutes les catégories de litiges augmentent, mais certaines plus que d’autres, souligne-t-il. Les médiations relatives à des problèmes de facturation (blocage de facture, erreur sur le prix, règlement non pris en compte…) ont ainsi bondi de 60%. Et, cerise sur le gâteau, certaines entreprises ne mettent pas en œuvre dans le délai réglementaire les accords amiables qu’elles ont pourtant acceptés dans le cadre de la médiation.

Des fournisseurs qui profitent de la méconnaissance des « consommateurs »

Certains fournisseurs jouent sur la méconnaissance des consommateurs pour conquérir des parts de marché, au risque de détériorer la confiance des consommateurs, indique le médiateur, pointant la recrudescence des mauvaises pratiques, telles que des méthodes commerciales douteuses, des offres vertes pas si vertes, des promotions faussement alléchantes.

L’attribution de récompenses aux entreprises, du type prix du meilleur fournisseur ou premier sur le podium de la relation clients, par des sociétés de marketing dont certaines ont recours à des instituts de sondage, dans un manque total de transparence, ajoute à la confusion. Pour attirer les clients, les entreprises mettent en avant ces trophées qui ne reposent sur aucun critère précis et commun à tous. Le médiateur suggère de remettre de l’ordre dans cette jungle des récompenses, qui constituent un élément différenciant des offres, pour l’heure non réglementé.

Intérêts contradictoires

L’ouverture à la concurrence a donc généré un grand bazar, de l’aveu même du médiateur. Dans un marché de l’énergie en pleine mutation, avec l’intensification de la concurrence, la transition énergétique, le déploiement des compteurs communicants, la suppression des tarifs réglementés de vente de gaz naturel, et des prix qui ne cessent d’augmenter, les consommateurs ont plus que jamais besoin d’être protégés, en particulier les plus précaires, reconnaît-il.

Pourquoi dès lors ne pas tout simplement maintenir les tarifs réglementés et revenir à un monopole public de la production et de la distribution d’énergie, en clair pourquoi ne pas revenir au bon vieux service public de l’énergie ?

La réponse à la question se trouve dans la contradiction exprimée par l’actuel médiateur en exercice, M. Jean Gaubert, lorsqu’il écrit dans l’éditorial du rapport 2018 : certes, les intérêts industriels de puissants opérateurs doivent compter mais la société doit être au service du plus grand nombre. Difficile en effet de concilier les intérêts du marché et ceux des usagers, pardon, des « consommateurs »…

 

Le rôle du médiateur de l’énergie

La fonction de médiateur national de l’énergie a été créée fin 2006, dans le cadre de la libéralisation du secteur, en application des directives de Bruxelles. Sa mission est de proposer des solutions amiables aux litiges avec les entreprises du secteur de l’énergie et d’informer les consommateurs d’énergie de leurs droits. Il s’agit d’une autorité publique indépendante, dont le financement est assuré par l’État (son budget est inscrit dans la loi de Finances), et d’une personne physique nommée pour six ans par le gouvernement.

Evelyne Salamero Ex-Journaliste à L’inFO militante

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