Et le salaire s’imposa

Histoire par Christophe Chiclet

«   La paie des mineurs   » par Heinrich Gross (1909). Illustration gallica.bnf.fr

Apparu au Moyen Âge, le salaire est depuis plus d’un siècle incontournable. Mais les travailleurs, avec le mouvement syndical, doivent le défendre encore et encore contre toutes les attaques qui veulent le diminuer, le rogner, le précariser.

Karl Marx, dans son livre Salaire, prix et plus-value, publié en 1865, a appelé les travailleurs à inscrire sur leur drapeau le mot d’ordre révolutionnaire : abolition du salariat.

Salaire vient du latin « salarium », qui était la rétribution en sel donnée aux légionnaires, la solde militaire. Le mot « salaire » apparaît au XVe siècle et « salariat » seulement à partir du début du XIXe.

Au Moyen Âge, il existait onze formes de salariat et sous-salariat dans le monde des artisans. En effet, la grande partie de la population active était composée de paysans ― serfs, libres, métayers, petits propriétaires ―, autosuffisants ou payés en nature. C’est avec l’apparition du prolétariat que le salaire s’est imposé. La France ne comptait que 400 000 ouvriers en 1789, 1,2 million en 1848 et 3 millions en 1881. En 1830 moins de 50 % de la population active est salariée, 62 % en 1936 et 90 % en 2000.

La première officialisation du salaire vient du code civil napoléonien de 1804. Il s’agit de l’article 1710 : « louage d’ouvrage ». Il stipule :  Le louage d’ouvrage est un contrat par lequel l’une des parties s’engage à faire quelque chose pour l’autre moyennant un prix convenu entre elles. À partir de 1890-1893, une poignée de députés essaie d’imposer un code du travail avec le contrat de travail.

Il ne sera voté qu’en 1910. Les conventions collectives suivront en 1919. Code, contrat et conventions sont indispensables à la fixation et la protection du salaire.

L’évolution du salaire

Au départ, l’ouvrier est payé soit à la pièce, soit à l’heure. Il sera payé aussi à la quinzaine, faisant la queue au bureau du comptable pour toucher sa maigre paie en liquide, alors que l’employé et l’agent de maîtrise sont mensualisés. La mensualisation et l’obligation d’avoir un compte en banque pour éviter le liquide se feront progressivement entre 1969 et 1978. À noter que dans nombre de pays aujourd’hui, les travailleurs continuent à être payés en liquide en fin de journée.

Dans l’Hexagone, en 1950, le gouvernement instaure le SMIG (Salaire minimum interprofessionnel garanti) qui, deux ans plus tard, sera indexé sur l’inflation. C’est l’échelle mobile des salaires qui disparaîtra en 1982. En 1970, Chaban-Delmas, Premier ministre, transforme le G en C, comme croissance. Les « coups de pouce », tant attendus, au Smic disparaissent autour des années 2006-2007. En 2019, quelque 2,32 millions de salariés étaient Smicards. Avec la précarisation des emplois et autre temps partiel…, nombre de travailleurs ne perçoivent même plus un Smic entier.

 

Arthur Groussier (1863-1957)
Secrétaire général de la fédération de la métallurgie de 1891 à 1893, il fut ensuite député de Paris du Parti ouvrier socialiste révolutionnaire de 1893 à 1902. Au Parlement, il a infatigablement poussé au vote de la loi sur le Code du travail (1910), comprenant le contrat de travail, nécessaire pour encadrer les salaires.

Christophe Chiclet Journaliste à L’inFO militante