Etat des lieux des établissements d’hébergement pour personnes âgées, Force Ouvrière tire la sonnette d’alarme !

Protection Sociale par Union Confédérale des Retraités-FO

© Christophe Lebedinsky

Dégradation des conditions de travail, manques d’effectifs, restrictions budgétaires, rigueur salariale…, la colère gronde dans le secteur des établissements d’accueil des personnes âgées. FO tire la sonnette d’alarme. Force Ouvrière alerte sur la situation extrêmement tendue dans la plupart des Ehpad. Dans la quasi-totalité des départements, la mobilisation se fait jour pour dénoncer les conséquences dramatiques et destructrices de l’austérité budgétaire mise en oeuvre par les pouvoirs publics.

Dans ce contexte tendu, le 9 février dernier, la Fédération des Services publics et de Santé a réuni une vingtaine de professionnels de la fonction publique territoriale, de la fonction publique hospitalière et de la santé privée qui travaillent en maison de retraite ou en Ehpad. Cette réunion a permis de donner la parole à ceux qui, au quotidien, exercent dans les structures accueillant les personnes âgées afin de dresser un état des lieux des attentes et des besoins des différents acteurs de ce secteur. Luc Delrue, Secrétaire fédéral, Didier Pirot, trésorier général-adjoint, Gilles Calvet, conseiller technique, dirigeaient cette rencontre. Jean-Pierre Laviéville et Robert Pougis, membres du bureau de lʼUCR-FO ainsi que Hélène Ho Minh Triet, assistante confédérale, étaient également conviés pour représenter lʼUCR-FO.

Dans leurs interventions, les professionnels ont été unanimes pour dénoncer leurs conditions de travail qui se détériorent de jour en jour. Leurs témoignages sont alarmants.

DES CONDITIONS DE TRAVAIL CATASTROPHIQUES

Les difficultés professionnelles rencontrées, les situations dramatiques évoquées coupent le souffle sous lʼeffet de lʼémotion qu’elles suscitent.

En sous-effectif chronique depuis de nombreuse années, les personnels sont mis à rude épreuve et, dans leur majorité, reconnaissent être au bord de lʼépuisement professionnel. Ils sont aussi durement éprouvés, moralement et psychologiquement. Les arrêts de travail et les cas de burn-out se multiplient.

Pour pallier la surcharge de travail, le manque de personnel, les absences, le glissement des tâches est largement pratiqué : cʼest une aide-soignante qui va remplacer le travail de lʼinfirmière, ou bien lʼinfirmière qui va devoir prendre une décision médicale, le plus souvent guidée par lʼenvie dʼaider malgré lʼabsence de qualification. Et, en cas de problème, se pose alors la question aigüe de la responsabilité. Autres pratiques, le lissage des congés, des horaires sur lʼannée, la modification des horaires de travail ou la suppression des RTT…, au détriment de la qualité de vie au travail, de la vie de famille et de la santé.

Une situation ubuesque se répand en outre dans tous les secteurs : le nombre croissant de postes budgétés (agents, aides-soignants, soignants, médecins, animateurs, directeurs…) qui restent longtemps vacants. Pour faire fonctionner les services, on voit se développer le recours à lʼintérim, aux CDD à répétition ou encore aux emplois dʼavenir…, des modes de recrutement de personnes souvent inexpérimentées qui ne répondent pas aux exigences dʼun savoir-faire au service de personnes fragiles.

Les personnels se trouvent très souvent dans lʼimpossibilité de mettre en pratique les formations qu’ils ont suivies. Cela accroît un fort sentiment dʼinsatisfaction, voire de frustration, notamment lorsque les enseignements suivis étaient destinés à améliorer la qualité de prise en charge des personnes âgées.

Les personnels sont aussi de plus en plus exposés aux récriminations et à lʼagressivité des familles qui, le plus souvent, méconnaissent leurs conditions de travail. Cʼest là un facteur de tensions supplémentaires, vécu comme « un nouveau fléau » que supporte très mal le personnel.

A cela sʼajoute des salaires très bas dans tous les secteurs. Dans le secteur privé, certains peuvent ne pas dépasser le Smic. Et les évolutions liées à lʼancienneté restent limitées, y compris dans la fonction publique hospitalière.

DES ETABLISSEMENTS ETRANGLES FINANCIEREMENT

Selon les directeurs dʼEhpad, les établissements se trouvent « à la limite de la survie ». « La défaillance de paiement nous guette », révèle un directeur dʼun établissement de la fonction publique hospitalière qui a reconnu sʼêtre retrouvé dans une impasse et nʼavoir pas eu dʼautre alternative que celle de retarder le paiement de ses fournisseurs pour assurer le versement des salaires du personnel.

Leurs marges de manoeuvre sont étroites. Elles sont déterminées et encadrées par les Agences régionales de santé (ARS) qui fixent les effectifs et les objectifs des établissements. De fait, les grandes décisions leur échappent et bien souvent, ils ont le sentiment que leur fonction est réduite à « servir de fusibles ».

De leur côté, certains conseils départementaux, comme celui du Nord, proposent une déshabilitation partielle à lʼaide sociale aux établissements. Cette mesure est mise en avant en vue de « redonner des marges de manoeuvre au plan financier » pour la fixation du tarif hébergement à la charge des nouveaux entrants solvables. Les directeurs FO présents sʼy refusent. Ils considèrent qu’instaurer des différences de prix et de traitement entre les résidents selon leur date dʼentrée et selon qu’ils bénéficient ou non de lʼaide sociale est contraire au principe de lʼégalité dʼaccès aux soins auquel ils sont attachés et remet en cause la notion dʼobligation de service public.

Pour permettre à leur établissement de résister et de fonctionner, certains directeurs se trouvent même contraints de refuser dʼaccueillir des personnes âgées très dépendantes !

LA SECURITE DES PERSONNES AGEES RESIDANT EN ETABLISSEMENT EST GRAVEMENT MENACEE

En ajustant les besoins des personnes âgées aux moyens disponibles, on accroît les risques de « maltraitance », et cela avec lʼaccord tacite des pouvoirs publics. Les contraintes budgétaires imposées aux établissements se répercutent par voie de conséquence sur les conditions de prise en charge et de vie des personnes âgées.

Les conditions de travail catastrophiques évoquées ci-avant peuvent conduire à une « maltraitance » des résidents. De façon unanime, les témoignages recueillis ont fait état du manque de temps qui leur est consacré pour les soins, la toilette, la surveillance de la prise des médicaments, lʼentretien des locaux… Le temps de la toilette est « réduit à 5 minutes par jour », avec, dans certains établissements seulement « deux douches données par mois, voire moins ». Même constat consternant pour les conditions de repas qui sont donnés à des horaires décalés, parfois avec un seul agent contraint de « donner la becquée à six résidents à la fois ». Pour des raisons de facilités, un responsable des cuisines reconnaît que « de plus en plus de repas mixés sont préparés » et quʼil faut alors pallier la dénutrition de nombreux résidents par des compléments alimentaires.

Tous ces dysfonctionnements sont amplifiés durant les nuits ou durant les périodes de congés, lorsque les personnels sont réduits au strict minimum. « A ce moment de la journée, nous ne sommes que deux agents pour 80 résidents », témoigne un agent social de la fonction publique tandis qu’un autre participant fait état de la difficulté de relever un résident qui a fait une chute. Les professionnels reconnaissent que « la sécurité des résidents est menacée ». La qualité de vie au travail de tous les personnels conditionne le bien-être des personnes âgées !

LA LOI « VIEILLISSEMENT » NEGLIGE LA SITUATION DES Ehpad

La loi du 28 décembre 2015 relative à lʼAdaptation de la société au vieillissement (ASV) ne résoudra pas les difficultés des établissements dʼaccueil de personnes âgées. Elle sʼest fixée comme axes prioritaires, le maintien à domicile des personnes âgées en perte dʼautonomie et lʼaide aux aidants. Elle renvoie à « meilleure fortune des finances publiques », pour ne pas dire quʼelle reporte sine die, le traitement des besoins des Ehpad.

De ce fait, le renforcement des lits et places en structures adaptées (Ehpad) est traité comme une question secondaire, alors que les 60 ans ou plus (15 millions aujourd’hui) seront 18,9 millions en 2025 et 24 millions en 2060, selon lʼInsee. Quant aux personnes âgées de plus de 85 ans, elles seront près de quatre fois plus nombreuses en 2050, passant de 1,4 million à 4,8 millions. Face à la dégradation des conditions de travail de ce secteur, la Fédération des Personnels des services publics et des Services de santé Force Ouvrière est déterminée à donner une suite à la réunion du 9 février afin de préparer le prochain Comité national début avril qui sera amené à arrêter un certain nombre de décisions, dʼactions et de mobilisations.

Plus que jamais, avec la Confédération FO, lʼUCR-FO revendique la prise en charge globale, pérenne et solidaire de la perte dʼautonomie, à domicile comme en établissement, dans le cadre de la solidarité organisée par la Sécurité sociale, cʼest-à-dire : des droits pour tous et non pas des aides sociales.

Union Confédérale des Retraités-FO L’Union Confédérale des Retraités Force Ouvrière rassemble tous les adhérents FO retraités des secteurs privé et public et nationalisé.

Sur le même sujet