États-Unis : le gouvernement à la rescousse du statut de salarié

InFO militante par Fanny Darcillon, L’inFO militante

Les chauffeurs Uber et Lyft manifestaient en 2019 contre les bas salaires des sociétés de covoiturage à Los Angeles, en Californie, et réclamaient l’application de l’AB5 (Assembly Bill 5), texte réglementaire qui reconnaît ces travailleurs indépendants comme salariés, avec les droits qui leur sont dus. © Ronen Tivony / SOPA Images/ZUMA/REA

Un projet de texte réglementaire dévoilé mi-octobre pourrait redessiner les critères qui fixent les statuts d’auto-entrepreneur et de salarié. Au profit de ce dernier statut, bien plus protecteur.

Un chapitre de plus dans le bras de fer qui, aux États-Unis, oppose les syndicats aux entreprises employant des auto-entrepreneurs : le 11 octobre, le gouvernement a présenté un projet de texte réglementaire qui pourrait avoir pour conséquence de limiter la qualification de « travailleurs indépendants », au profit du statut de salarié. Avec à la clé des enjeux de taille, puisque seul ce dernier statut ouvre droit à certaines protections fédérales telles que la garantie de salaire minimum et la réglementation du temps de travail.

Le texte, qui n’a pas valeur de loi mais servirait de référence aux entreprises – et potentiellement aux tribunaux en cas de contentieux –, est soumis à consultation publique jusqu’à fin novembre, après quoi il entrerait en vigueur dans plusieurs mois s’il est approuvé. Une incertitude qui n’a pas empêché les syndicats nationaux de saluer l’initiative de l’administration. Trop d’entreprises placent les profits avant les personnes, en qualifiant faussement et intentionnellement leurs travailleurs d’auto-entrepreneurs afin d’éviter de leur fournir la paie, les heures supplémentaires, le lieu de travail et les bénéfices auxquels les employés ont droit d’après les lois du travail et de l’emploi, a souligné la Fédération américaine du travail – Congrès des organisations industrielles (AFL-CIO) dans un communiqué.

La dépendance économique davantage prise en compte

À rebours d’une décision prise tardivement par l’administration de Donald Trump, l’actuel ministère du Travail propose de revoir la façon dont l’État fédéral distingue qui est salarié de qui est freelance. Parmi tous les critères potentiellement pertinents pour appréhender cette question, sous la présidence Trump le gouvernement avait choisi de donner une importance majeure à deux d’entre eux : le contrôle exercé par le travailleur sur son propre travail et la façon dont l’investissement personnel du travailleur module son profit ou ses pertes. L’administration actuelle propose, elle, de revenir à une approche multifactorielle, incluant par exemple l’ancienneté du partenariat entre le travailleur et l’entreprise ou la dépendance économique de l’un envers l’autre. Ce qui change tout.

Selon certaines études, employer quelqu’un comme salarié plutôt que comme auto-entrepreneur coûterait environ 30 % de plus à une entreprise aux États-Unis. Lorsque le texte a été dévoilé, les géants du transport avec chauffeur Uber et Lyft ont dévissé respectivement de 10,42 % et de 12,02 % à la Bourse de New York. En 2021, un sondage du Pew Research Center estimait que 16 % des Américains avaient déjà gagné de l’argent à travers une entreprise de la gig economy, l’économie du travail à la tâche ou des missions ponctuelles.

Une volte-face des États-Unis en faveur de la protection des travailleurs serait un signal fort envoyé aux ambitions de cette nouvelle économie. D’ores et déjà, l’AFL-CIO a salué l’initiative du gouvernement actuel, soit faire passer les travailleurs en premier.

Fanny Darcillon

L’inFO militante Le bimensuel de la Confédération

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