Le 27 mars, la Confédération européenne des syndicats (CES), alertée par ses affiliés Croates, est montée au créneau contre la réforme temporaire
du Code du travail décidée par leur gouvernement au motif de faire face à la pandémie et à ses conséquences économiques.
Constatant que la Croatie n’est pas un cas isolé, la CES a également demandé aux institutions de l’Union Européenne (Commission, Parlement, Banque centrale) d’agir en urgence pour que les gouvernements des États membres s’abstiennent de prendre toute initiative visant à réduire les salaires, les droits et les protections des travailleurs, ou de saper le dialogue social.
Toute l’artillerie fournie aux employeurs croates
Le gouvernement du pays qui assure la présidence de l’Union européenne jusqu’au 30 juin prochain, a mis une boîte à outil très complète à disposition des employeurs. Et les outils ont tout de véritables armes contre les salariés.
Les entreprises Croates sont ainsi notamment autorisées à baisser les salaires en deçà du salaire minimum et à supprimer les primes exceptionnelles. En clair, les conventions collectives ont volé en éclat.
Les indemnités de licenciements diminuent lorsque la cessation d’activité est liée à la pandémie.
Les employeurs peuvent unilatéralement réduire le temps de travail et le salaire par un simple avenant au contrat de travail. Les entreprises peuvent aussi imposer un congé de quinze jours sans préavis. Elles peuvent délocaliser leur activité comme bon leur semble. Très logiquement, l’obligation pour l’employeur de consulter le comité d’entreprise est supprimée pour ce qui concerne ces mesures.
En poursuivant sur cette voie, la Croatie violera plusieurs des obligations qu’elle s’est engagée à remplir dans le cadre des conventions de l’Organisation internationale du travail, de la convention européenne des droits de l’Homme et de la Charte sociale européenne.
, écrivait la CES dans son courrier au gouvernement croate, lui demandant d’abandonner immédiatement
la mise en œuvre de ces mesures.
La CES est également intervenue auprès des gouvernements hongrois et polonais.
Hongrie : de l’attaque contre le code du travail aux pleins pouvoirs
En Hongrie, le 30 mars, le Premier ministre Viktor Orban a fait voter une loi autorisant son gouvernement à légiférer par décret sur tous les sujets, à déroger à n’importe quelle loi.
Les droits du travail avaient été attaqués dès le 18 mars, dans le cadre de la loi de proclamation de l’état d’urgence sanitaire. En vertu de celle-ci en effet, l’employé et l’employeur
peuvent par accord déroger aux garanties du Code du travail. Une formulation quelque peu hypocrite puisque comme chacun sait qu’un employé et un employeur ne sont pas sur le même pied d’égalité. Fondamentalement, cela revient à éliminer la totalité du Code du travail et des conventions collectives
, résumaient les quatre confédérations syndicales hongroises dans un communiqué commun du 21 mars.
En Pologne, une attaque contre le Conseil national du dialogue social
En Pologne, la loi adoptée par le Parlement pour prévenir et éradiquer le Covid-19 autorise le Premier ministre à démettre de leur mandat les membres du Conseil national pour le dialogue social (instance tripartite mise en place en 2015), et ce tant que durera la pandémie.
La majorité des syndicats et des organisations patronales se sont élevées contre cette grave atteinte à l’indépendance de cette instance majeure du dialogue social en Pologne.
, dans une déclaration commune.
Au Portugal, le droit de grève suspendu
Au Portugal, l’état d’urgence a été instauré le 18 mars et prorogé déjà deux fois. Il devrait donc durer jusqu’au 2 mai, à moins d’une nouvelle prolongation.
Un décret présidentiel du 2 avril a renforcé les dispositions visant à restreindre les droits des salariés, au motif de contenir la propagation du virus, protéger les citoyens et garantir la capacité de réponse du service national de santé ainsi que des chaînes d’approvisionnement en biens essentiels
.
Le paragraphe dédié aux droits des travailleurs
permet notamment aux pouvoirs publics compétents
de réquisitionner des agents publics, mais aussi des salariés du privé, pour accomplir des tâches différentes de celles prévues dans leur contrat de travail et en dérogeant aux conditions de travail (y compris en termes d’horaires) prévues par ce dernier. Les employeurs, eux, sont autorisés à suspendre unilatéralement le contrat de travail.
D’autres dispositions avaient déjà été prises dès le début de l’état d’urgence. Il s’agit notamment de la suspension du droit de grève. Par ailleurs, le droit des instances représentatives du personnel, des syndicats et ainsi que des organisations patronales à participer à l’élaboration de la législation du travail
est suspendu.
Modification arbitraire du contrat de travail, remise en cause des conventions collectives, affaiblissement du droit syndical, interdiction de faire grève… Autant de mesures qui, au Portugal comme ailleurs, viennent brutalement s’ajouter aux attaques déjà commises contre les acquis sociaux en amont de la pandémie. Or la situation exigerait à l’inverse que les droits des travailleurs et de leurs familles soient plus protégés et défendus que jamais.