Félix Fénéon (1861-1944) commence sa carrière comme petit fonctionnaire au ministère de la guerre d’où il sera licencié pour fait d’anarchisme. En effet, ce militant libertaire signe des articles de critique d’art dans la presse anarchiste de l’époque : Le Chat Noir, La Plume, L’En dehors, Le Père Peinard…
A la fin du XIXe siècle une partie des anarchistes se laisse tenter par le terrorisme, à l’exemple des nihilistes russes. En 1894, des rafles touchent l’ensemble du mouvement libertaire. C’est ainsi que Fénéon se retrouve sur les bancs des accusés au « procès des 30 » (6 août 1894), aux côtés, entre autres, d’Émile Pouget, un des futurs fondateurs de la CGT l’année suivante. La police avait retrouvé onze détonateurs cachés dans son bureau au ministère ! Soutenu par son ami Stéphane Mallarmé, il sera acquitté. Comprenant que la violence ne menait à rien, les anarchistes français vont massivement entrer dans les syndicats et participeront à l’élaboration, en 1906, de la Charte d’Amiens dont FO revendique aujourd’hui l’héritage.
Critique d’art, défenseur des artistes néo-impressionnistes (Signac, Seurat…), éditeur à La Revue Blanche, journaliste, Fénéon publie aussi Rimbaud et James Joyce tout en devenant conseiller artistique d’une des plus grandes galeries parisiennes.
Collectionneur éclectique
Au tournant des deux siècles, il va se constituer une étonnante collection de tableaux, allant de Degas à Max Ernst en passant par Seurat, Signac, Bonnard, Vuillard, Matisse et Modigliani. En revanche, il n’appréciait guère Picasso. A côté de ces œuvres contemporaines, ce libertaire farouchement anti-colonialiste a amassé plus de 450 statuettes, masques, poulies de métier à tisser, bois de lit historiés…, en provenance d’Afrique (Guinée, Cameroun) et d’Océanie. Il fut certainement l’un des tout premiers à considérer ces productions autrement que comme des curiosités exotiques. Alors qu’à l’époque on parlait « d’art primitif », terme encore employé de nos jours par certains, Fénéon refusait cet adjectif péjoratif, inventant les « arts lointains ». Le président Chirac refusant aussi le « primitif » préférera « premiers ». Alfred Jarry le surnommait celui qui silence
et son vieil ami Mallarmé a écrit qu’il était l’un des critiques les plus subtils et des plus aigus
. Il s’agit de la première exposition rendant hommage à Félix Fénéon et « sa belle anarchie ».
Jusqu’au 29 septembre, Musée du quai Branly-Jacques Chirac, mezzanine Est, 37 quai Branly, 75007 Paris ; mardi-mercredi-dimanche 11h-19h, jeudi-vendredi-samedi 11h-21h. Colloque autour de l’exposition les 23-24 octobre au musée du quai Branly et au musée de l’Orangerie, 9h30-18h30. |