[Exposition] Georg Baselitz, une histoire allemande, rétrospective à Beaubourg (1)

CULTURE par Christophe Chiclet, L’inFO militante

Dernière ligne droite pour la première rétrospective d’un des plus grands artistes allemands vivants, présentant 60 ans de peintures, sculptures, gravures, dessins visible jusqu’au 7 mars.

L’homme est inclassable, n’appartenant à aucune école. Il navigue entre le figuratif et l’abstrait avec une approche conceptuelle. Il dit peindre des images qui n’ont pas encore existé et exhumer ce qui a été rejeté dans le passé. C’est lié à son vécu et son imaginaire. Son œuvre révèle son interrogation sur la représentation de ses propres souvenirs d’enfants. Et il montre aussi la complexité d’être un artiste dans les Allemagnes de l’après-guerre.

Ses influences sont nombreuses et se croisent au fil du temps dans son œuvre : expressionnistes abstraits américains, maniéristes italiens, art africain, Dubuffet et les surréalistes. Ses toiles sont souvent monumentales.

Il se définit lui-même : Je suis né dans un ordre détruit, un paysage détruit, une société détruite. Et je n’ai pas voulu réinstaurer un ordre ; j’avais vu assez de soi-disant ordre. J’ai été contraint de tout remettre en question, d’être naïf. Cela a valu à ce créateur d’être censuré d’abord en RDA, puis en RFA.

Une enfance dévastée

Né en 1938 dans un petit village allemand, l’année où Hitler commence à mettre l’Europe à feu et à sang, il a la malchance de grandir à Dresde, ville martyre. En effet, du 13 au 15 février 1945, cette ville est rasée par les bombardements de l’aviation anglo-américaine. Bombardements dont l’utilité sera mise en cause, y compris dans le camp allié. Le jeune Georg est l’un des rares rescapés, d’où ses traumatismes mis en peinture plus tard. Il grandit en RDA où il commence des études d’art. Il est renvoyé de l’école car inspiré par Picasso, il refuse de se plier au réalisme socialisme pictural. En 1957, il passe à Berlin-Ouest, quatre ans avant la construction du mur.

Bouleversé par la découverte des horreurs nazies, avec son ami Eugen Schönebeck il publie Premier manifeste pandémonique, texte sur la situation post-apocalyptique de l’Allemagne en 1945.

En 1963, il expose à Berlin-Ouest La grande nuit foutue, trois toiles qui vont être censurées et Baselitz sera même poursuivi en justice pour atteinte à la pudeur. En effet, il représente un jeune garçon exhibant son sexe en érection. En 1965, il part travailler six mois à Florence. En rentrant, il peint Les grands amis, où entre autres, il se représente avec sa femme Elke en haillons dans un paysage dévasté.

En 1969, il commence à peindre à l’envers, des motifs renversés, avec des personnages la tête en bas (Les filles d’Olmo). En 1979, il débute sa carrière de sculpteur, s’inspirant de l’art de l’Afrique de l’Ouest. Depuis 2014, il peint des figures évanescentes qui évoquent son corps vieillissant et fragile, sentant sans doute que les fantômes de Dresde vont le rattraper bientôt.

(1) Centre Pompidou, Paris, Georg Baselitz, Rétrospective, jusqu’au 7 mars 2022, galerie 1, lundi, mercredi, vendredi, samedi, dimanche, 11h-21h, jeudi 11h-23h. Tarifs : de 11 à 14 €. Réservation recommandée.

Christophe Chiclet Journaliste à L’inFO militante

L’inFO militante Le bimensuel de la Confédération