[Exposition] Prisonniers et artistes dans l’enfer du camp de Gurs 1939-1944

Culture par Christophe Chiclet

A l’occasion des commémorations des quatre-vingts ans de la construction du sinistre camp d’internement de Gurs (Pyrénées-Atlantiques), , le musée de Pau expose une soixantaine de dessins de prisonniers.

Au printemps 1939, plus de 500 000 républicains espagnols passent précipitamment la frontière française, les troupes franquistes sur leurs talons. La IIIe République construit dans l’urgence des dizaines de camps d’internement des plus sommaires, sans hygiène, avec des rations alimentaires miséreuses. A Gurs, à quelque quarante km de Pau, cette même république va aussi parquer, à partir de mai 1940, des centaines de prisonniers pour délit d’opinion et des milliers de Juifs étrangers, 18.185 au total, dont la philosophe Hannah Arendt (1906-1975), la future grande spécialiste des systèmes totalitaires (nazisme-stalinisme), qui y transitera de mai à juin 1940, avant de réussir à rejoindre non sans difficultés les États-Unis.

Avec la débâcle et l’instauration du régime de Vichy, Pétain va puiser dans ce « vivier » pour devancer les souhaits du Reich et livrer à la mort la plupart des Juifs allemands de Gurs. Parmi eux se trouvaient des artistes, amateurs ou déjà reconnus à l’époque. Dans l’enfer de Gurs, comme les internés l’avaient dénommé, ils ont dessiné la douloureuse vie d’un quotidien des plus incertains. Outre la soixantaine d’œuvres, dessins et aquarelles, sont présentées des photos d’époque témoignant de cette réalité concentrationnaire.

L’infirmière suisse

Ces dessins, gravures, gouaches auraient pu disparaître avec leurs auteurs mais mais beaucoup ont été conservées par Elsbeth Kasser (1910-1992), une infirmière suisse, qui travailla pour la Croix Rouge au camp de Gurs.

Elle les a reçues de ces gens qui lui avaient fait confiance. Elle a fait ramener tous ces documents, dont elle mesurait l’importance, en Suisse. Mais elle est restée traumatisée par le souvenir de ces gens. Elle se disait ̎à quoi bon les avoir soignés pour qu’ils soient finalement tués ? ̎ Et elle a gardé les œuvres dans un carton sous son lit, durant quarante ans. a expliqué Walter Schimd, actuel président de la Fondation Elsbeth-Kasser. Ce n’est qu’à la fin de sa vie, dans les années 80, qu’elle se laissera convaincre par ses amis. Elle va alors les sortir de sous son lit, comme la fin d’un mauvais cauchemar. Ils seront alors dépoussiérés, répertoriés, inscrits à la fondation qui porte aujourd’hui son nom et finalement exposés non loin du lieu de souffrance où ils ont vu le jour dans la nuit de l’enfermement, antichambre des camps d’extermination construits en Allemagne seulement quatre-cinq ans avant Gurs.

 

Musée des Beaux-Arts de Pau : « Gurs 1939-1944 », rue Mathieu Lalanne, 64000 Pau, 05 59 27 33 02, de 10h-12h/14h-18h (sauf mardi et dimanche).

Christophe Chiclet Journaliste à L’inFO militante