Dans la sidérurgie, FO exige des garanties concrètes pour la préservation de l’emploi
La transition écologique ne doit pas se faire au détriment de nos emplois !
Le 28 novembre, une délégation de FO Métaux a été reçue au ministère de l’Industrie pour exprimer sa vive inquiétude
quant à l’impact social de la transition écologique sur l’industrie sidérurgique. Un sujet déjà mis sur la table le 9 octobre. La sidérurgie est prise en étau. Alors qu’elle fait face à des coûts croissants pour se conformer à la législation environnementale européenne
, explique Paul Ribeiro, secrétaire fédéral, pointant une législation européenne « punitive ». Le militant ne cache pas ses craintes pour le maintien de l’emploi sidérurgique ― 40 000 emplois directs en France.zéro émission nette
en 2050, NDLR]
Chez ArcelorMittal, gel des investissements pour la décarbonation
Les décisions d’ArcelorMittal (15 400 emplois) inquiètent. Le 25 novembre, il a confirmé la fermeture de deux des huit usines de sa filiale ArcelorMittal Centres de Services, et la suppression de 136 postes. Pis, le 26 novembre il a annoncé différer ses projets européens de décarbonation, conditionnant leur reprise à des mesures de protection de l’acier européen de la part de la Commission européenne – un plan d’urgence est à l’étude.
Concrètement, sur le site de Dunkerque (3 500 emplois directs dans le Nord), des investissements à hauteur de 1,8 milliard d’euros, dont 850 millions d’aides publiques, sont gelés. Ces financements publics restent sanctuarisés. Le ministère l’a confirmé
, rassure Paul Ribeiro. Concernant le site de Fos-sur-Mer (2 500 emplois directs dans les Bouches-du-Rhône), la délégation FO est tombée de haut. Nous avons appris qu’ArcelorMittal n’a déposé aucune demande d’aide publique relative à un projet de décarbonation. La direction va devoir s’en expliquer
, martèle Sylvain Ibanez, représentant syndical national FO d’ArcelorMittal, déterminé à obtenir une clarification
au CSE du 17 décembre.
Ce 28 novembre, FO Métaux a aussi déposé ses revendications. Dont l’instauration d’un moratoire pendant la période de transition écologique, notamment sur le calendrier et les conditions financières
, et des garanties concrètes pour la préservation des emplois et des outils industriels
. Si un moratoire n’est pas acté pour 2025, l’année risque d’être catastrophique pour l’emploi
, avertit Paul Ribeiro.
Novares : la grève a permis d’améliorer les mesures du PSE
L’usine de l’équipementier automobile Novares située à Ostwald, dans le Bas-Rhin, devrait fermer ses portes avant l’été. L’annonce a été faite en CSE le 25 septembre dernier. L’activité du site, qui emploie 122 salariés, est au plus bas en raison de la politique de délocalisation menée par son principal donneur d’ordre, le groupe Stellantis, qui représente plus de 95 % des commandes selon le syndicat FO. Un cabinet d’expertise a été nommé, mais je ne vois pas comment le site pourrait être sauvé
, analyse Bachir Himmi, délégué FO. Les premiers départs sont prévus dès le mois de mars. Si la fermeture de l’usine semble inéluctable, les salariés ont décidé néanmoins de se battre pour améliorer leurs conditions de départ. Les négociations du PSE ont démarré le 5 novembre. Après l’annulation des deux réunions suivantes par la direction, l’intersyndicale, à laquelle participe FO, a lancé un appel à la grève illimitée le 20 novembre. Il aura fallu que la mobilisation s’étende à l’usine Novares de Sainte-Marguerite, dans les Vosges, pour que les négociations reprennent le 25 novembre et que les salariés parviennent enfin à se faire entendre.
Augmentation des indemnités supra-légales
Un accord sur les conditions de départ a ainsi été trouvé le 3 décembre. Il devait être soumis à la signature des syndicats en ce début de semaine. FO le validera, avec l’accord des salariés, lesquels ont repris le travail le 5 décembre. Parmi les mesures négociées, les salariés licenciés percevront 2 200 euros d’indemnités supra-légales par année d’ancienneté. La proposition initiale de la direction se limitait à 1 300 euros. Ils bénéficieront aussi d’un congé de reclassement de douze mois, rémunéré à hauteur de 80 % du salaire brut, et d’un budget formation de 10 000 euros. Un arrangement a par ailleurs été trouvé pour le paiement des dix jours de grève.
C’est une bataille à moitié gagnée. On n’empêche pas la casse sociale, mais on a réussi à obtenir des mesures correctes face au préjudice subi, ce qui est très rare actuellement
, réagit Bachir Himmi.
Chez Hennessy, à Cognac, mobilisation contre le projet d’une délocalisation partielle de l’embouteillage en Chine
En trente-cinq ans chez Hennessy, je n’ai jamais vu une telle mobilisation
, salue Frédéric Merceron, délégué FO chez le leader mondial du cognac. Les 19 et 20 novembre, quelque 600 salariés ont débrayé, alarmés par un projet de la direction consistant à exporter vers la Chine une partie de la production charentaise du prestigieux breuvage afin que, destinée au marché local de ce pays, elle soit mise en bouteille là-bas. Pour la direction, ce projet de délocalisation de l’embouteillage visait principalement à éviter la nouvelle taxe de 39 % décrétée par la Chine sur l’importation de volumes inférieurs à 200 litres. Une mesure de représailles après les surtaxes imposées par Bruxelles sur les véhicules électriques importés depuis ce pays
, analyse Frédéric Merceron.
Crainte de répercussions sur le tissu économique régional
L’annonce a vite fait craindre des suppressions d’emplois, dans l’entreprise et au-delà, dans tout le bassin d’emploi de la région. La perte partielle de l’activité d’embouteillage menaçait en effet d’avoir des répercussions sur les fournisseurs et sous-traitants. Sans compter le risque que les autres maisons de cognac emboîtent le pas, cela affectant alors en cascade le tissu économique de la Charente.
Le 26 novembre, la direction d’Hennessy a choisi de suspendre le projet. Si la grève a joué son rôle, les remous politiques autour de la surtaxation ont joué le leur. Lors du G20, Paris et Pékin ont échangé sur le sujet. D’autres discussions sont prévues début 2025. Baisse ou disparition de la taxe ne sont pas exclues.
Demeure toutefois l’inquiétude alors que le projet n’est que suspendu. Les délégués syndicaux, dont FO, ont été reçus par le Bureau national interprofessionnel du cognac (BNIC) le 28 novembre. Celui-ci pourrait demander l’extension de l’AOC à la phase de mise en bouteille et ainsi protéger de nombreux emplois.
Chez Auchan, qui supprime 2 389 emplois, FO refuse le scénario d’un plan social au rabais
C’est la douche froide !
Délégué syndical FO chez Auchan Retail France, Franck Martinaud ne cachait pas son exaspération, le 2 décembre, après la première séance de négociation sur le projet de l’enseigne de supprimer 2 389 emplois. Nos craintes se confirment : la direction semble privilégier l’accompagnement des salariés vers la mobilité externe au détriment de véritables mesures de reclassement interne. C’est inadmissible !
FO exige des reclassements pour tous, dans les magasins du groupe et, si besoin, dans les enseignes de l’Association familiale Mulliez (AFM, détenant Auchan). Et ce, avec maintien du salaire et sans aucune perte d’ancienneté
. Ce n’est pas acquis, l’AFM ne se considérant pas comme un groupe.
Des propositions nettement inférieures
à celles du PSE de 2020
Nombreux sont les points de blocage. Ainsi, la direction propose de réserver l’indemnité supra-légale aux seuls salariés qui partiraient dans un plan de départ volontaire. En cas de mobilité interne, le maintien du salaire ne serait acquis que pour une durée limitée… Ces propositions sont nettement inférieures à celles du plan social signé en 2020
, commente le militant. FO ne cautionnera pas une négociation qui se limiterait à un plan social au rabais
, prévient-il. Le parti pris d’austérité de la direction passe d’autant moins que les actionnaires de l’Association familiale Mulliez (AFM) viennent de se voir reverser un milliard d’euros de dividendes par Decathlon. En clair, il y a de l’argent mais pas pour les salariés d’Auchan qui seront licenciés
, note Franck Martinaud. FO, qui s’interroge sur l’usage des aides publiques encaissées par Auchan (83 millions d’euros reçus chaque année entre 2013 et 2018, au titre du Crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi – CICE), appelle à l’ouverture d’une commission d’enquête parlementaire sur le sujet.
Valeo annonce 868 suppressions de postes : FO dénonce un chiffre minimisé
Annoncé, et dénoncé depuis des mois par FO qui alertait sur l’avenir incertain
des sites Valeo en France, en sous-activité, le couperet a fini par tomber. Le 27 novembre, au motif de la chute des ventes automobiles, l’équipementier a présenté un plan de 868 suppressions de postes sur huit sites. Il s’inscrit dans le cadre de la restructuration à l’échelle européenne de la division Power (systèmes thermiques et électriques).
Pour FO, jusqu’à 1 282 postes supprimés
Ce plan comprend la fermeture de l’usine de La Suze-sur-Sarthe (270 salariés, Sarthe) et du centre R&D de La Verrière (390 salariés, Yvelines), tous deux mis en vente en juillet. C’était aussi le cas de l’usine de Saint-Quentin-Fallavier (Isère), mais celle-ci est appelée à réduire ses effectifs, de 308 à 70 salariés. Les sites de Sainte-Florine (Haute-Loire), Reims (Marne), Laval (Mayenne), Amiens (Somme) et Limoges (Haute-Vienne) sont aussi concernés.
Personne ne s’attendait à autant de suppressions de postes. Les salariés sont choqués et dégoûtés
, souligne Bertrand Bellanger, coordinateur FO (deuxième organisation) chez Valeo. Cette deuxième vague de suppressions d’emplois depuis mi-2023, qui pourrait réduire jusqu’à près de 10 % le nombre de postes actuels (13 500), angoisse. Dans les autres divisions
FO Métaux, qui apporte son soutien aux équipes FO et aux salariés, appelle Valeo à des solutions durables, permettant de conjuguer compétitivité, innovation et maintien des emplois en France
.
Si, dans le contexte actuel, réduire les coûts peut être nécessaire
, sacrifier des emplois et fragiliser l’avenir de la filière en France est une erreur stratégique
, explique le militant qui dénonce une délocalisation qui ne dit pas son nom
, vers des pays européens à faible coût de main-d’œuvre. La France supporte l’essentiel des suppressions d’emplois annoncées – l’Allemagne, la Pologne et la République tchèque subiront 188 suppressions de postes.
Le coordinateur FO se fait fort de rectifier la communication de Valeo, qui annonce 694 départs contraints et 174 départs volontaires
. Pour FO, les suppressions de postes pourraient s’élever jusqu’à 1 282, si l’on intègre les postes vacants supprimés et si tous les salariés refusent leur transfert.
Car les conditions des mobilités internes
restent à négocier, pour préserver les acquis sociaux des salariés
. L’issue des négociations sociales sur des accords de méthode, lesquelles détermineront le calendrier d’information-consultation des instances de représentation du personnel, devrait être connue dans la semaine du 9 décembre.