FMI : le maintien des pays pauvres dans la spirale de l’endettement

InFO militante par Valérie Forgeront, L’inFO militante

© Liu Jie/XINHUA-REA

Le Fonds monétaire international (FMI) annonce, dans le cadre de la pandémie, une aide d’urgence à vingt-huit pays pauvres, après vingt-cinq autres en avril. Mais ces aides sont loin de constituer un acte gratuit.

Les aides annoncées en octobre par le FMI pour vingt-huit pays pauvres émanent du Fonds fiduciaire d’assistance et de riposte aux catastrophes, (ARC, avec des pays contributeurs comme l’Allemagne, le Royaume-Uni, le Japon, la Chine…). Et, situation ubuesque, ces aides leur serviront à rembourser le FMI et à dégager leurs maigres ressources pour leurs efforts en matière d’urgence médicale et d’aide. L’ARC, explique encore le FMI (regroupant 189 pays), fournit une aide aux membres les plus pauvres et les plus vulnérables pour couvrir leurs dettes envers le FMI pendant une phase initiale au cours des six prochains mois. L’organisme onusien envisage que des dons, pour un montant total de 959 millions de dollars, soient accordés à des pays pauvres, pour une période de deux ans, jusqu’à mi-avril 2022.

Les contraintes d’austérité budgétaire imposées depuis des années par le FMI, soumettant, en échange de prêts, ces pays à des réformes structurelles qui assèchent leurs capacités de dépenses publiques, ne semblent donc pas appelées à disparaître. En mai dernier, la Confédération syndicale internationale (CSI) invitait le FMI ainsi que la Banque mondiale à abandonner le système des prêts assortis de conditions. Depuis, l’annulation de la dette des pays pauvres reste une arlésienne et seul un moratoire d’un an a été accordé par le FMI. De leur côté, début octobre les ministres des Finances du G20 ont décidé de prolonger jusqu’en juin – voire jusqu’à fin 2021 – le moratoire sur la dette des pays les plus pauvres. Sur 73 pays, 46 avaient demandé à en bénéficier. Pour l’instant, pour 2020, seuls 1,66 % des paiements relatifs aux dettes ont été concernés par cette suspension. Les dettes contractées par les pays pauvres envers d’autres États, dont beaucoup appartiennent au G20, soit les plus riches, atteignaient l’an dernier 178 milliards de dollars.

L’Afrique au bord du précipice

En ce mois d’octobre, un rapport de la Banque mondiale souligne l’augmentation de 9,5 % sur un an de la dette des pays les plus pauvres, à 744 milliards de dollars en 2019. Le FMI signale, lui, leur manque de moyens pour lutter contre la pandémie. Les États d’Afrique ont besoin, par exemple, de 1 200 milliards d’ici à 2023. Pour l’instant, les engagements des préteurs bilatéraux officiels et des institutions internationales couvrent moins d’un quart des besoins prévus, constate le FMI, précisant qu’en Afrique le revenu des ménages pourrait reculer de 12 % cette année et 43 millions de personnes supplémentaires pourraient tomber dans l’extrême pauvreté. Pour l’organisation caritative Oxfam International il est nécessaire d’annuler les paiements de la dette, sinon le tsunami qui s’emparera de nombreux pays parmi les plus pauvres du monde ne sera que retardé, les laissant dans l’incapacité de se permettre d’investir dans la santé et la sécurité sociale. Pour aller vers la reprise, conseille le FMI, tous les États doivent accélérer leurs investissements publics, ce qui entraînerait des investissements de la part du privé, doperait la croissance et créerait des emplois.

Les pays pauvres sont toutefois invités à la prudence car, explique sans rire le FMI, ils n’ont pas accès à un financement illimité. On pourrait même les croire condamnés au cercle vicieux du remboursement de leurs dettes.

Valérie Forgeront Journaliste à L’inFO militante

L’inFO militante Le bimensuel de la Confédération

Sur le même sujet