FO Finances en congrès : Une souffrance au travail qui va crescendo

Entre Militants par Valérie Forgeront, FO Finances

Par les restructurations permanentes depuis des années, les agents des ministères économiques et financiers connaissent de graves difficultés au plan des conditions de travail témoignent nombre de militants au cours de ce XIXe congrès de la fédération FO Finances.

Une militante, en poste en Seine-Saint-Denis, rapporte ainsi les déclarations de nombreux agents. Ils évoquent du « stress, un travail pas reconnu, une sensation de n’avoir qu’à remplir des objectifs ». Dans les services de la DGFIP (finances publiques) du département des Hauts-de-Seine, les agents connaissent aussi la souffrance dans leur travail indique une militante. « C’est le règne de la performance et du devoir de rentabilité immédiate. En retour, nous recevons que du mépris ! »

Le malaise au travail se généralise, tous les agents l’évoquent constate le secrétaire départemental FO DGFIP de Charente se disant « démuni face à cette détresse ». Le médecin de prévention de Charente a relevé dans un rapport « les pleurs, les dépressions, les suicides des agents » souligne le militant expliquant que les agents FO ont adressé un message d’alerte à la direction.

Le message sera-t-il entendu ? En attendant, par la suppression des effectifs qui entraîne l’aggravation de la charge de travail, les dégâts continuent. « Une trésorerie du département reste actuellement sans agents. Les deux agents qui y travaillaient sont en longue maladie pour dépression ».

A l’Insee indique Marie-Josée Defrance, « il y a une mise en danger des agents. Des expertises ont été demandées dans pratiquement tous les départements ». Dans le Cher explique Franck Jeansonni, à cause de la réforme territoriale des services « notre médecin de prévention est maintenant à deux heures de route de chez nous ».

Le développement syndical, il n’y a que ça de vrai !

Malgré les difficultés (perte d’effectifs, restructurations de services...) l’engagement syndical ne faiblit pas soulignent les personnels FO des Finances. « Le nombre d’adhérents a été multiplié par deux en un an et demi » souligne ainsi Jean-François Zamora pour les personnels de l’Administration Centrale (7 000 agents). « FO est ainsi la deuxième organisation de l’Administration Centrale au CHSCT ».

Dans le secteur de l’Industrie se réjouit de son côté Guillaume Petitpré, ingénieur de l’Industrie et des Mines, le syndicat FO-UNSP a raflé 93% des voix et la totalité des sièges aux dernières élections professionnelles. « Nous sommes donc encore les premiers ! » indique le militant pestant au nom des ingénieurs de l’État contre une décentralisation à outrance, des réformes qui heurtent les missions et une tentative des gouvernements de brader les carrières et rémunérations des personnels.

Dans le Cher se félicite Franck Jeansonni, FO Finances a enregistré deux progressions successibles notables lors des scrutins professionnels. +36% puis +22%.

La perte des effectifs : un problème chronique

A la DGFIP des Hauts-de-Seine « on a perdu 1/6 des effectifs en quelques années » explique une militante. « Tout est calculé en amont par le ministère pour supprimer des emplois. En 2015, il y avait 10 000 heures d’écrêtement (heures supplémentaires, NDLR) mais cela ne suffit pas à la DGFIP 92 pour modifier les conditions de travail des agents ». Les agents DGFIP de ce département sont allés rencontrer leur direction et lui ont adressé une pétition qui demande l’arrêt des suppressions d’emplois.

« On a subi la fermeture de bureaux d’opérations commerciales, de directions régionales… » indique Jacques Deffieux du secteur FO Douanes (USD-FO). Par une forte mobilisation et le soutien de la fédération et de la confédération « on a sauvé l’existence des direction régionales des douanes ». Cela a fait l’objet d’un accord avec le ministère le 11 juin 2014.

La suppression de postes de douaniers entraîne la recherche d’un reclassement des agents. Et c’est grâce à l’action de FO notamment que les agents ont obtenu aussi un accord sur la mobilité le 2 mars 2015. Les douaniers FO restent dans l’action et entendent progresser dans leurs capacités de mobilisation. « On fera tout pour être reconnue comme une administration prioritaire » et donc obtenir des créations de postes.

Pour l’instant au quotidien, la situation des restructurations n’est pas simple à gérer. Ainsi « l’école de formation de Rouen a fusionné avec celle de La Rochelle, mais cela à effectifs constants » lance avec ironie Patrick Calmels (Charente-Maritime). Marie-Jeanne Catala, secrétaire générale de l’USD-FO complète : « cette fusion s’accompagne en outre d’une réduction de la durée de formation, dix mois contre quatorze auparavant ».

Autre aberration relève Patrick Calmels, les personnels des bureaux qui auront disparu seront affectés aux services de surveillance. « Cela implique que des agents de plus de cinquante ans vont se retrouver soudain sur le terrain, armés et portant un gilet pare-balles. » Plus largement résume Marie-Jeanne Catala, la douane a perdu 2 500 postes en dix ans.

En 1992, on comptait encore 22 000 douaniers, ils ne sont plus que 16 000 aujourd’hui. Quant à la création annoncée, suite aux attentats, de 1 000 postes de douaniers sur deux ans. La réalité est bien différentes insistent les agents. Il y aura en fait 310 créations d’emplois entre 2015 et 2020 dont 250 en 2017.

Un militant FO Finances du département de l’Eure conteste « l’idéologie des suppressions d’emplois en vigueur depuis quelques années et quels que soient les gouvernements. Pour l’administration, la maigreur des effectifs serait efficace sur le fonctionnement et la productivité des services. Désormais cette maigreur vire à l’anorexie ! » Et le militant de citer le cas de trésoreries dotées seulement d’un poste et demi, parfois d’un poste un quart…

Chez les techniciens supérieurs de l’Economie et de l’Industrie, la situation de l’Emploi est aussi inquiétante. « Ce nouveau corps de techniciens créé en 2012 est déjà passé de 1000 à 800 agents » indique Sébastien Bergerou notant par ailleurs que le plan sur les carrières et rémunérations (PPCR) a induit une perte mensuelle de 15 euros pour certains agents.

En Moselle s’indigne de son côté une militante FO de la DGFIP « les services ont connu une suppression de 59 emplois en 2016. C’est la plus forte perte d’effectifs cette année derrière celle subie par les services de Paris ».

Du côté des laboratoires d’analyses rattachés à la CCRF et aux douanes, les emplois fondent aussi comme neige au soleil s’inquiète Sophie Mahé. « Il y a actuellement 385 agents contre plus de 500 il y a encore quelques années. Ils sont répartis sur onze sites mais deux d’entre eux, Strasbourg et Lille vont bientôt fermer 

A La Réunion il reste seulement quatre agents dans le service » explique la militante notant que l’administration recrute de plus en plus de contractuels. Et Sophie Mahé de souligner son indignation face aux restructurations qui induisent une mobilité contrainte des agents. Ainsi le laboratoire qui en région parisienne travaille sur l’analyse des produits chimiques va être délocalisé à Lyon. Selon quelle logique. Nul ne le sait.

Les réformes qui attaquent les missions

Les restructurations par fusions de services entraînent un élargissement des périmètres des entités administratives indique Jean-François Zamora (FO Centrale). « Il y a une hyper-mutualisation des fonctions supports (Ressources humaines, informatiques…). » En conséquence explique le militant « malgré la baisse des effectifs, notre périmètre ne cesse d’augmenter. Alors que l’administration centrale compte 7 000 agents, le comité technique de Centrale concerne 14 000 agents ».

En Charente explique un militant de la DGFIP, il y a déjà deux maisons de service au public, des structures rassemblant quelques points de services et censées remplacer les vrais services publics rayés de certains territoires. « Une autre de ces maisons va s’ouvrir à Saint-Claud tandis que simultanément, une trésorerie sera fermée » fulmine le militant.

Avec quels moyens fonctionnera cette maison ? « Il y aura un agent d’accueil et spécialiste en tout (l’emploi, l’assurance maladie…). Il aura acquis sa spécialisation après une demi-journée de formation dans chacun des services concernés ».

A Vierzon dans le Cher, les agents de la DGFIP ont fait grève pendant un mois et demi en janvier dernier. Ils contestaient la suppression d’effectifs et la fermeture de sites.

La réforme programmée du prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu met aussi les militants en colère. « Non seulement cela va avoir un impact catastrophique » sur la charge de travail des agents mais cette réforme induit l’abandon de la mission régalienne de l’État. Elle traduit aussi une rupture d’égalité dans le traitement des citoyens face à l’impôt » indique Bertrand Roussel de Paris.

Comme d’autres le militant s’inquiète de l’avenir des services de l’impôt des particuliers (SIP) lesquels a priori seraient dessaisis du traitement de la collecte des impôts effectuée par les entreprises. « C’est un processus majeur de démantèlement du réseau de recouvrement. Que vont devenir les collègues ? » s’interroge- t-il.

A paris le démantèlement des services des impôts va déjà bon train. Le nombre des pôles d’enregistrement des SIE (impôts des entreprises) est passé de 14 à 3, les SIP de 6 à 3, les services traitant les impôts fonciers, de 5 à 2…

Pour Hélène Fauvel, (FO DGFIP), « le prélèvement à la source ne sera pas une simplification. Et par ailleurs on est très loin d’une grande réforme fiscale ! » En Savoie explique de son côté Jean-Jacques Perronet, la recette des douanes de Chambery est supprimée. Autre dysfonctionnement du aux réformes : la DGFIP de Chambery a fermé son accueil le mercredi par manque de personnel.

« Alors que le contexte est dégradé, nos ministères jouent les pyromanes » s’indigne Hélène Fauvel, la secrétaire générale de FO DGFIP. « Leur seul objectif est de réduire les déficits. Alors ils sont les champions des artifices budgétaires ». La militante indique ainsi que l’administration compte désormais les apprentis dans l’effectif des agents à temps plein.

A L’Insee explique Marie-Josée Defrance, FO s’est fortement mobilisé contre la réforme territoriale induisant le passage de 22 implantations à treize. Pour l’instant il y a une sorte de « statu quo au niveau des implantations » mais l’inquiétude règne parmi le personnel. « Comment continuer sans nouvelles missions et avec la baisse des effectifs ».

La CCRF (concurrence, consommation et répression des fraudes) subit un véritable feuilleton indique Françoise Lagouanere (FO DCCRF). En 2010, cette direction ministérielle a été « démantelée » par la Reate (réforme territoriale des services) puis ventilée au plan régional dans les directions interministérielles Direccte et au plan départemental dans les directions interministérielles DDI.

« FO ne cesse de revendiquer une sortie de la CCRF des DDI mais cela n’a toujours pas eu lieu » peste la militante listant les effets désastreux de cette réforme. « Près de la moitié des effectifs ont été perdus ainsi que 40% des implantations. Certains services départementaux sont dotés de moins de dix agents ».

La CCRF explique Françoise Lagouanere est « devenu un laboratoire de la casse du service public. Il y a des suppressions de missions, une destruction des compétences ». La situation est « alarmante car cette destruction constitue une menace pour la sécurité des consommateurs ».

Du côté des Chambres régionales des comptes (CRC), les réformes ont fait aussi des dégâts. « Il y a eu sept chambres fermées sur vingt-deux en 2002. Est arrivée alors la réforme territoriale avec son redécoupage des vingt-deux régions en treize. Le nombre de CRC a alors été réduit à treize » explique Dominique Goussot pestant contre l’approche de plus en plus politique du travail de la Cour des comptes.

Par ailleurs souligne-t-il les contrôles des comptes sont de plus en plus difficiles à mener. Quant à la réforme du contrôle juridictionnel des comptes prévoyant une simple amende pour les comptables publics en cas de mise en débet (déficit constaté dans les deniers gérés par ce comptable) « cela affaibli le contrôle des comptes qui sera alors réduit à la portion congrue ».

Pour Hélène Fauvel, la mise en débet sans préjudice pour la collectivité « c’est la mort programmée du comptable public. Le risque quand on est comptable public ne sera plus assurable. Faudra-t-il alors avoir, comme au siècle dernier, une fortune personnelle pour être comptable public ? »

Un besoin urgent de reconnaissance salariale

« Notre salaire stagne voire baisse du fait des hausses de cotisations. Ensuite, beaucoup d’agents percevront une retraite de misère. De qui se moque-t-on ? » lance une militante de la DGFIP des Hauts-de-Seine se réjouissant de la grève programmée le 15 novembre.

A l’Insee, lance irritée Marie-Josée Defrance, « comment ne pas relever la précarité des enquêteurs. Le bas de leur grille de salaire est sous le Smic ! »

La militante s’irrite par ailleurs d’un PPCR (plan pour les carrières et rémunérations imposé par le gouvernement en septembre 2015) « qui manque de perspectives pour les carrières », de salaires qui stagnent et même baissent, d’une hausse de salaire (+0,6% en juillet) en « trompe l’œil »…

« Il faut des moyens pour nos services sociaux » lance devant le congrès un militant de l’Eure. « Beaucoup d’agents de catégorie C font désormais des demandes d’aides sociales » tant ils connaissent des difficultés dues à la faiblesse des salaires.

« 41% des agents des finances ont renoncé à des soins au cours des douze derniers mois. Parmi eux, 41% y ont renoncé au moins trois fois » indique Patricia Dounaevsky du secteur Industrie.

Valérie Forgeront Journaliste à L’inFO militante

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