FO obtient la condamnation de la filiale logistique d’Intermarché pour application déloyale de l’accord d’intéressement

InFO militante par Elie Hiesse, L’inFO militante

© Pierre VASSAL/HAYTHAM-REA

En représailles d’une grève, la direction de l’entrepôt Intermarché de Reyrieux (Ain) avait délesté l’activité de 20 % sans consulter préalablement le CSE et donc permettre un réajustement de la base de calcul de l’intéressement. Saisi par FO et ses militants, le conseil des Prudhommes de Bourg-en-Bresse a restauré les salariés dans leurs droits.

Alors que la base logistique Intermarché de Reyrieux (Ain) a définitivement fermé ses portes le 14 avril dernier, FO a obtenu un jugement favorable du conseil des Prud’hommes de Bourg-en-Bresse restaurant les salariés dans leurs droits. Les juges ont condamné la filiale logistique du groupe de grande distribution pour « application déloyale de l’accord d’intéressement », en 2014 et 2015.

C’est un désaveu pour Intermarché, et une victoire pour FO et ses militants qui ont porté l’affaire en justice fin 2017. Même si le jugement intervient tardivement, commente Richard Mouclier, délégué central FO d’ITM LAI (Intermarché Logistique Alimentaire International), où FO est la deuxième organisation représentative. En effet, l’activité de la base logistique de Reyrieux vient d’être transférée à plus d’une soixantaine de kilomètres, à Saint-Quentin-Fallavier en Isère, dans un nouveau site ultra-automatisé, d’une surface près de deux fois plus importante (70 000 m²).

Si la décision de la juridiction sociale a été rendue le 8 janvier dernier, plus de trois ans après qu’elle a été saisie, c’est que les avocats de l’entreprise n’ont pas ménagé leurs efforts pour faire obstruction. Ils ont saisi toutes les occasions, rappelle le délégué syndical. Mais les juges ont tranché : ils ont condamné le logisticien à payer plus de 65 000 euros aux 54 salariés et militants FO, ainsi qu’à la section FO de l’établissement.

La somme recouvre le rappel des primes d’intéressement 2014 et 2015, des dommages et intérêts pour le non-respect et violation dudit accord, et pour exécution déloyale du contrat de travail.

Une mesure de rétorsion pour sanctionner une grève

Tardive, la décision n’en a pas moins, pour Richard Mouclier, valeur d’ avertissement à la direction nationale qui a engagé, depuis 2012 et jusqu’à fin 2026, un vaste plan de transformation et de regroupement de ses bases logistiques. A terme, leur nombre doit être réduit de 37 à 18. Car là réside l’origine de l’affaire de l’établissement de Reyrieux.

Tout s’est déclenché après que l’ensemble des 220 salariés de l’entrepôt ont conduit une grève en mai 2014, à l’appel de la section FO majoritaire et dans le cadre d’un mouvement de grève nationale lancé par l’organisation, pour réclamer une amélioration des mesures du plan social devant accompagner les fermetures d’établissements. Et cette grève a duré à Reyrieux. Deux jours.

La direction locale a décidé, pour faire un exemple, de punir les salariés à travers l’intéressement. Elle a subitement transféré plus de 20 % de l’activité vers d’autres entrepôts, sans consulter au préalable les instances représentatives du personnel et, donc, permettre un réajustement de la base de calcul de l’intéressement. Car cette chute volontaire de l’activité a rendu les critères économiques et de performance, sur lesquels reposait le calcul, purement inatteignables. Le problème, au-delà des pratiques agressives et intolérables du management local de l’époque, c’est que celui-ci n’a pas été désavoué par la direction nationale, martèle le militant.

Il rappelle la double peine alors infligée aux salariés : la perte programmée de leur emploi et la suppression de la majeure partie de l’intéressement, lourde de conséquences pour des salariés majoritairement payés au Smic.

Le seuil de déclenchement de l’intéressement n’est pas à la discrétion de l’employeur

Plusieurs tentatives de négociation pour obtenir une compensation ayant échoué, la section FO de l’établissement et ses militants, soutenus par la FGTA, ont décidé de saisir la justice. Le syndicat n’est pas parti la fleur au fusil, malgré deux avis juridiques nous assurant que l’issue serait favorable aux salariés. C’est la première fois que nous engageons une action en justice pour contester le montant de l’intéressement qui est, par définition, aléatoire et non garanti. La victoire obtenue devant le conseil des prud’hommes n’en est que plus éclatante !, confie Richard Mouclier, délégué central FO d’ITM LAI.

De fait, comme l’a rappelé le conseil de prud’hommes de Bourg-en-Bresse, le seuil de déclenchement de l’intéressement ne doit pas être laissé à la discrétion de l’employeur, l’intéressement, tant dans son principe que dans son montant, devant se référer à des critères objectivement mesurables et indépendants de la volonté de l’employeur.

L’avertissement semble avoir été entendu par le logisticien ITM LAI : il n’a pas fait appel du jugement. C’est une seconde victoire pour FO.

Elie Hiesse Journaliste à L’inFO militante

L’inFO militante Le bimensuel de la Confédération