Après quasiment une année de discussions, cette convention a été signée par quatre ministères (Finances, Affaires sociales, Travail, Transports), trois organisations professionnelles du secteur (la Chambre syndicale du déménagement, l’Union nationale des organisations syndicales des transporteurs routiers automobiles, l’Organisation des transporteurs routiers européens) et cinq organisations syndicales, dont la Fédération FO des Transports et de la Logistique (FO UNCP).
Cette convention nationale tripartite – qui pourra faire l’objet de déclinaisons régionales et départementales – s’intègre au plan national de lutte contre le travail illégal (PNLTI 2013-2015), lancé pour trois ans par l’État en novembre 2012 et qui déjà a induit la signature de plusieurs conventions dans divers secteurs professionnels.
Dès 1995, une première convention nationale de partenariat contre le travail clandestin avait été signée dans le secteur du transport de déménagement, reconduite en 2005, par une nouvelle convention entre l’État et la Chambre syndicale du déménagement. Le texte signé en juillet dernier vise à donner un nouvel essor à la lutte contre le travail illégal.
« Un déménagement sur deux se fait au noir »
Pour Patrice Clos, le Secrétaire général de la Fédération FO des Transports, cette montée en puissance est indispensable « alors qu’un déménagement sur deux se fait au noir », c’est-à-dire sous forme de travail dissimulé.
La signature de cette convention participe aussi des actions de soutien au secteur des transports, qui ont été décidées à l’issue d’une rencontre interministérielle organisée en octobre 2013 entre l’État, le patronat des transports routiers de marchandise et les syndicats.
Le travail illégal, frauduleux et passible de sanctions civiles et pénales, inclut plusieurs formes d’infractions :
– le travail dissimulé (absence de déclarations obligatoires, de remise de bulletin de paie, dissimulation d’heures de travail…) ;
– le prêt de main-d’œuvre exclusif à but lucratif ;
– le marchandage ;
– l’emploi irrégulier de travailleurs étrangers sans titre de travail ;
– la fraude aux revenus de remplacement ;
– le cumul irrégulier d’emplois constituent ainsi des infractions relevant du travail illégal.
La convention nationale vise donc à développer des actions de vigilance, de contrôle (via l’inspection du travail), d’information ou encore de prévention pour combattre toutes les formes de travail illégal. Elle « ne fixe pas et donc ne garantit pas le niveau des moyens à engager pour ces actions », constate toutefois Patrice Clos, se réjouissant en revanche que le texte encourage les organisations syndicales à se constituer partie civile dans les procédures juridiques engagées contre le travail illégal.
Des milliards d’euros perdus pour l’État et la Sécu
Pour les ministères du Travail et des Transports, « le développement des formes irrégulières de travail et d’emploi dans le secteur du déménagement est particulièrement préoccupant et porte atteinte aux équilibres économiques et sociaux de la profession ainsi qu’aux finances publiques ».
Sur le plan national, le travail illégal induit en effet un manque à gagner substantiel pour l’État en termes de recettes fiscales. Quant à l’absence de versements de cotisations sociales, elle constitue autant de recettes en moins pour les organismes de Sécurité sociale.
S’il est impossible de chiffrer précisément le manque à gagner qu’induit le travail illégal pour les comptes publics, l’ampleur du phénomène n’est toutefois pas contestée, rappelait l’an dernier un avis du CESE sur « l’économie non déclarée » en proposant d’accroître les sanctions contre le travail illégal. L’économie non déclarée (incluant le travail non déclaré et la minoration des revenus déclarés) équivalait à 10,8 % du PIB (produit intérieur brut) en 2012, indiquait le CESE.
La Cour des comptes estimait quant à elle l’an dernier, dans son rapport sur la Sécurité sociale, que la fraude sur les cotisations sociales s’élevait à 20 voire 25 milliards d’euros en 2012.
Le travail illégal pèse sur les vrais emplois
La Fédération FO des Transports estime que « le développement du travail illégal dans le secteur du déménagement n’est pas étranger, bien sûr, à la mauvaise situation des emplois dans ce secteur d’activité ».
En 2013, on comptait 2 648 entreprises de déménagement (avec ou sans salarié) contre 2 463 en 2012. Ce solde positif dans un secteur qui compte le plus de petites entreprises de moins de cinq salariés masque la hausse inquiétante des défaillances d’entreprises. Entre 2012 et 2013, elles ont ainsi augmenté de 23 %.
Autre signe des difficultés du secteur du déménagement : les créations d’entreprises ont reculé de 22 % entre 2012 et 2013. La baisse est même de 47 % en ce qui concerne les créations d’entreprises avec salariés.
Alors que près de 90 % des entreprises de déménagement comptent moins de 50 salariés, l’emploi dans le secteur est en recul avec 11 514 salariés en 2013 contre 11 654 en 2012. Les effectifs ont chuté de 7,2 % entre 2012 et 2013. Le déménagement est le secteur des transports qui subit la plus grosse perte d’effectifs.