Ils sont partis, pour certains avant l’aube, de Riom, Angers, Lyon, Caen, Reims, Aix-en Provence, La Rochelle ou encore Poitiers pour venir crier leur colère sous les fenêtres du ministère de la Santé, le 11 avril 2018. Près de 200 militants, représentant 40 établissements hospitaliers, ont ainsi répondu à l’appel lancé quelques jours auparavant par les syndicats FO et CFTC des urgences du CHU de Strasbourg, en grève depuis le 20 mars. Les urgentistes ont déployé banderoles et pancartes tandis que des haut-parleurs diffusaient de la musique à plein volume.
Une délégation a été reçue durant une heure et demie par des représentants de la Direction générale de l’offre de soins (DGOS). Ses membres exigeaient notamment des moyens supplémentaires pour les établissements ainsi que la date d’un moratoire sur les fermetures de lits et les suppressions de postes. Ils sont ressortis déçus du ministère, sans réponses à leurs questions.
En finir avec le principe de l’enveloppe financière fermée
« Nous voulions aussi savoir quand les ARS allaient arrêter d’imposer aux chefs d’établissement des feuilles de route inacceptables qui détruisent les postes, les lits et les acquis du personnel, a expliqué à la sortie Luc Delrue, secrétaire fédéral de FO santé. Nous voulons remettre en cause le principe de l’enveloppe financière fermée. Il manquait 1.5 milliard d’euros dans les caisses en 2017. »
A l’occasion de cette rencontre, la délégation a appris l’ouverture dès le lendemain 12 avril d’une concertation sur l’hôpital et le lancement de cinq chantiers portant entre autres sur l’organisation territoriale, le financement ou les ressources humaines. « Je ne sais pas qui est invité à cette réunion mais notre question ne se réglera pas dans ces 5 chantiers, nous voulons une vraie négociation et nous attendons des mesures urgentes », a prévenu Luc Delrue.
Un préavis de grève illimité court jusqu’au 30 avril
Depuis plusieurs mois, des grèves, des manifestations ou des débrayages se multiplient, à Rouen, Angers, Lille ou Clermont-Ferrand. Et pour la première fois, des directeurs rejoignent le personnel dans la mobilisation. Luc Delrue a rappelé que la fédération FO Santé avait déposé un préavis de grève illimité qui court jusqu’au 30 avril. Il a appelé les syndicats à la résistance dans les établissements. « Comme pour les Epahd, c’est tous ensemble, fonctionnaires et salariés, qu’on va gagner face à des attaques tous azimuts, a-t-il ajouté. Nous allons contacter les autres organisations syndicales. Il faut travailler à unifier la mobilisation et si possible qu’elle soit concomitante avec celle des cheminots. »
Des militants venus de Lyon ou d’Angers ont aussi appelé au micro tous les établissements à organiser des assemblées générales. « Nos avancées ont été obtenues grâce à l’unité des organisations syndicales et du personnel, avec des revendications claires », a rappelé le camarade de Lyon.
Tous les manifestants témoignent des mêmes conditions de travail extrêmement dégradées, en raison d’un sous-effectif permanent et d’un manque criant de lits. Et les soignants comme les patients en pâtissent. Et ils sont venus devant le ministère, « là où sont prises le décisions ».
Jusqu’à 7 heures d’attente avant de voir un médecin
Le mouvement est parti du CHU de Strasbourg. « On veut plus de moyens et plus de postes, les conditions de travail sont insupportables, explique Léo Dalila, infirmier aux urgences. Les gens attendent des heures et des heures. On veut avertir la ministre que ça devient dangereux pour les patients. Les pompiers et le Samu font la queue devant les urgences. Les équipes sont sous tension. On a eu quelques lits d’aval en allant voir la direction mais ce n’est pas pérenne et ça ne règle pas le problème. On veut aussi informer la population qui n’est pas forcément au courant. » Il dénonce aussi des conditions d’embauche trop précaires, avec le renouvellement de CDD de trois mois durant deux ans avant une titularisation.
Lyderim, Hadjera, Rudy, Denis et Nadia sont venus de Lille. « Les urgences du CHU accueillent de 350 à 400 personnes par jour, témoignent-ils. Le temps d’attente est en moyenne de 3 ou 4 heures pour voir le médecin, mais ça peut monter à 7 heures. Il est arrivé que des patients décèdent sur des brancards dans le couloir des urgences. »
Ils font aussi le lien entre les suppressions de postes et la hausse de la violence. « Le nombre d’agressions a triplé, explique Lyderim Boudersa, secrétaire général du syndicat FO du CHU. Après avoir fait grève l’an dernier, on a obtenu des agents de sécurité la nuit, mais ça va s’arrêter. Rien qu’au niveau des urgences, il nous manque 10 postes en équivalent temps plein. Mais au lieu de création de postes, la direction fusionne et restructure. » Ils déplorent aussi l’absence de dialogue social dans l’établissement. « Le directeur refuse de nous recevoir, les agents ne se sentent pas écoutés, ils sont encore moins motivés », ajoute Hadjira.
« C’est de pire en pire et on n’a toujours pas touché le fond »
Même constat et même combat dans le Puy-de-Dôme. Aux urgences de Riom, où un patient a violemment agressé 6 personnels hospitaliers le 19 mars, les agents sont au bout du rouleau. « Des patients sont à deux dans une chambre individuelle, l’un n’a ni fluides ni sonnette, mais on continue à fermer des lits, dénonce Christopher, infirmer aux urgences Smur de Riom. Le personnel est épuisé, mais la ministre ne parle que de réorganisation. On demande aux agents de plus en plus de mobilité et de flexibilité, les changements de planning sont incessants. Ils fuient l’hôpital et se reconvertissent. »
« On nous dit qu’on est des privilégiés avec un statut de fonctionnaires, mais la loi ne s’applique pas pour nous, certains peuvent travailler jusqu’à 80 heures par semaine, renchérit Valérie Margat, secrétaire générale FO des hospitaliers de Riom. Au niveau national, on a plus de maladies professionnelles et d’accident du travail que dans le BTP. C’est de pire en pire et on n’a toujours pas touché le fond. »
Pour elle, seuls « des syndicats costauds qui tiennent la mer » permettront des avancées. « On a fait deux ou trois grèves aux urgences pour obtenir des choses, explique-t-elle. On est ultra-majoritaires et on ne les lâche pas. En 2014, on a eu 7 millions d’euros pour refaire les urgences, elles devraient ouvrir en 2020. Pour l’instant, la salle d’attente est dans un Algeco car on a mis des lits dans la salle d’attente. »
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