« FO va mettre la question des salaires au centre des enjeux de la rentrée »

RMC (radio) et RMC Story (télévision) le 25 août 2021 par Yves Veyrier

Yves Veyrier, Secrétaire général de FO, était invité sur RMC et RMC Story

Invité d’Apolline de Malherbe, mercredi 25 août sur RMC, le Secrétaire général de Force Ouvrière, Yves Veyrier, revient sur les propos du ministre de l’Economie qui incite les patrons à embaucher et à augmenter les salaires.

Apolline de Malherbe : Yves Veyrier, bonjour ! Quand vous entendez Bruno Le Maire qui demande aux patrons d’embaucher et d’augmenter les salaires, il pourrait adhérer à Force Ouvrière ?

Yves Veyrier : Bonjour. Oui, enfin, il faudrait qu’il agisse ! Il y a quand même un changement de discours, c’est notable. On nous disait tout le temps : « le salaire, c’est l’ennemi de l’emploi » et là, tout d’un coup, le ministre de l’Economie et des Finances, qui est plutôt à surveiller les finances, nous dit qu’il faudrait augmenter les salaires. Donc, ça va plutôt dans le bon sens. Cela étant, je lui dis qu’il a deux moyens d’agir, lui, directement, le gouvernement en tout cas. C’est, d’une part, le Smic. Cette année, au 1er janvier 2021, c’est la plus faible augmentation qu’il y a eu du Smic ces trois dernières années : 0,99%. C’est quand même assez mesquin ! Alors que nous demandions qu’on donne un véritable coup de pouce au Smic. Il n’y a pas eu de coup de pouce au Smic depuis dix ans, excepté un seul très modéré.

ADM : Ils ont bon dos les patrons quand il leur dit c’est à vous d’augmenter les salaires ?

YV : Le ministre de l’Économie fait aussi référence aux bas salaires. Le Smic a justement le mérite d’augmenter immédiatement les bas salaires et de donner une dynamique des négociations de salaires dans les branches. Il a ce moyen d’agir ! Il y a aussi les fonctionnaires. L’indice de la rémunération de base des fonctionnaires est gelé depuis plus de dix ans maintenant. Le gouvernement a deux moyens d’agir.
Il y a un deuxième aspect qu’il faut souligner, c’est que le ministre « incite ». Je rappelle que FO avait demandé qu’on conditionne les aides publiques aux entreprises.

ADM : Vous vous dîtes, au fond, ce ne sont que des paroles ? Il faudrait qu’il ait un moyen de pression.

YV : Oui, nous sommes assez déterminés à faire ce qu’il faut pour que ça se traduise en actes, à la fois de la part du gouvernement et de la part des entreprises. Je vais mettre la question des salaires, FO l’a mise, au centre des enjeux de la rentrée ; nous nous sommes pas mal exprimés ces temps derniers en ce sens. Il faut que le salaire on ne l’oublie pas. C’est, à la fois, le pouvoir d’achat des salariés. J’ai suffisamment répété, depuis plus d’un an, quand on parlait des deuxièmes lignes, des emplois à bas salaires, à temps partiels, qu’il fallait mettre au cœur du plan de relance la revalorisation d’ensemble de tous ces emplois, qui, d’ailleurs, ne sont pas des emplois délocalisables.

ADM : Et vous le direz d’ailleurs directement au Premier ministre ?

YV : Je lui dirai le 1er septembre.

Emmanuel Le Chypre : Yves Veyrier vous avez plus d’arguments que jamais, c’est-à-dire que lorsque nous regardons les résultats, par exemple, des entreprises du CAC40 : profits historiques, distribution de dividendes supérieure pour 8 entreprises sur 10. Et puis, surtout, une entreprise sur deux qui a du mal à recruter. C’est quand même ça pour les patrons, l’argument principal, l’incitation principale : payez plus et vous embaucherez plus facilement.

YV : Et d’ailleurs, nous constatons, ces derniers temps, que là où les salaires sont améliorés, là où les emplois sont des emplois à CDI, on a un meilleur taux de recrutement. On a beaucoup parlé des emplois en tension. J’avais souligné le fait qu’il fallait s’interroger car ce sont souvent des emplois à bas salaires, à temps partiel, des emplois précaires. Le dossier de l’assurance chômage va revenir. FO l’a dit : ce n’est pas sur les chômeurs précaires qu’il faut taper, c’est sur les abus de contrats courts ! Le Président de la République avait parlé de qualité des emplois. Oui, la question de la qualité des emplois est au centre. Je le redis, la question des salaires est celle aussi du pouvoir d’achat. Et, dans salaire il y a cotisations sociales, il y a l’équilibre des systèmes de protection sociale.

ADM : Le service de Bruno Le Maire a affirmé à RMC et à notre service politique que par rapport à 2017 un salarié gagnerait 160 euros nets supplémentaires par mois.

YV : Vous vous souvenez qu’en 2018, la réponse du gouvernement avait été, plutôt que d’augmenter le Smic, d’accélérer la mise en place de la prime d’activité, les 100 euros de prime d’activité. Donc, on a, du côté du gouvernement, reconnu que le Smic ne suffisait pas pour finir les fins de mois puisqu’on y a ajouté 100 euros. Ce qui n’était pas négligeable. Mais ces 100 euros ne sont pas du salaire. Encore une fois, c’est de la prime d’activité. Ça n’est pas soumis à cotisations sociales. Ça n’est pas intégré dans les droits à la retraite. Il y a des enjeux majeurs aujourd’hui et la question des salaires, c’est le moyen de redistribuer les richesses qui sont produites, sinon elles filent où ? Sur les marchés financiers et les dividendes.

ADM : Dans 5 jours un serveur dans un restaurant devra présenter un passe sanitaire pour pouvoir travailler. Idem pour un comédien dans un théâtre ou quelqu’un qui travaille dans un cinéma. Est-ce que vous redoutez des conflits ou de la tension au sein des entreprises, des PME, partout ?

YV : Oui, il va sans doute y en avoir. J’ai bagarré tout cet été pour supprimer, ce qui était initialement dans le projet de loi sur le passe sanitaire : la sanction du licenciement ou la rupture du contrat de CDD ou de l’intérim. Nous l’avons obtenu, notamment au moment du débat parlementaire.

ADM : Ça va se traduire comment ?

YV : Encore une fois, nous avons suffisamment insisté en ce qui nous concerne, sur le fait qu’il fallait déployer tous les moyens d’information, d’explication. Rassurer les salariés. Il faut mobiliser la médecine du travail en particulier.

ADM : Vous pensez qu’on va pouvoir convaincre sans avoir le bâton ?

YV : Oui ! Je rappelle quand même qu’avant même l’intervention du Président de la République, plus de 30 millions de personnes étaient déjà vaccinées alors que nous avions déjà eu des controverses, des inquiétudes. Il y avait eu le problème avec l’Astra Zeneca. Cela n’avait pas empêché 30 millions de personnes de se vacciner. Ça a baissé aux mois de mai-juin parce qu’on pensait qu’on sortait de la crise sanitaire. Rappelez-vous, on pouvait tomber le masque, retourner au restaurant… Il y a eu un défaut de dynamique.

ADM : Est-ce que votre syndicat, est-ce que FO sera aux côtés des salariés jusqu’au-boutistes qui disent non je ne me ferai pas vacciner, non je ne ferai pas de tests, pas de passe sanitaire… quitte à aller au conflit avec mon patron.

YV : On défend tout le temps les salariés quand ils se tournent vers nous. J’invite d’ailleurs les salariés dans les entreprises à adhérer au syndicat quand il est là.

ADM : Au-delà du fait d’adhérer. Quand vous aurez un salarié qui va venir vous dire j’ai le droit de continuer à faire mes tests ou de ne pas présenter mon passe sanitaire, je refuse moi de me faire vacciner, je suis dans un conflit avec mon patron. Vous allez prendre quel parti ?

YV : Il ne sera pas en conflit avec son patron. Le problème est la question du passe sanitaire. Ils sont tous les deux dans cette difficulté. C’est une situation bancale. La suspension du contrat de travail n’est viable, ni pour le salarié, ni pour l’employeur. Je pense que le vaccin est aujourd’hui un des moyens de se protéger soi-même, notamment d’un risque grave. Il faut réussir à convaincre. Le plus nous aurons convaincu de salariés de se faire vacciner, le moins nous aurons de situations où nous n’arriverons pas à rassurer tel ou tel salarié et le plus aisé il sera de les reclasser sur un poste qui ne nécessite pas le passe sanitaire.

ADM : Fin août- début septembre, on parle toujours d’habitude de la rentrée sociale. On dit il faut anticiper la rentrée sociale. Et là en fait, on ne parle plus de rentrée sociale, on parle d’une rentrée des antivax, des anti-pass. On imagine qu’ils seront dans la rue, que la rentrée sera chaude de leur côté. Ils vous ont presque remplacés dans une forme de révolte ?

YV : Non je ne pense pas que qui que ce soit ait remplacé les syndicats. Les syndicats étaient là, ils ont été là, en tout cas FO, tout cet été sur ce dossier. Je le rappelle, nous avons quand même fait retirer le licenciement, la rupture du contrat de travail, ce n’est pas rien ! La situation finale n’est pas satisfaisante ! Je l’ai suffisamment reproché au gouvernement : à peine les signaux sont positifs sur la reprise d’activité que le gouvernement, le Président de la République, reviennent à grands pas avec réforme de l’assurance chômage, réforme des retraites. Je l’ai dit, si c’est le cas, nous serons sur le chemin et la question des salaires est une question que nous allons mettre au centre de cette rentrée.

ADM : Et vous le direz le 1er septembre à Jean Castex directement.

Yves Veyrier Ex-Secrétaire général de Force Ouvrière