Fonction publique : l’austérité salariale toujours au rendez-vous

Service Public par Valérie Forgeront

Manifestation des agents de la Fonction publique contre le projet de loi dit de transformation de la fonction publique, le 9 mai 2019 à Paris. Photos : F. Blanc.
Article publié dans l’action Élections dans la Fonction publique

Rien… « On sort avec rien » déplorait Christian Grolier, le secrétaire général de FO-Fonction publique, ce 2 juillet à la sortie du rendez-vous salarial annuel entre les syndicats et le ministère de l’Action et des Comptes publics tandis qu’un rassemblement de personnels de Santé, à l’appel de FO notamment, se tenait devant les ministères à Paris-Bercy. Le gouvernement semble vouloir une nouvelle fois imposer l’austérité salariale aux agents publics.

Reçus le 2 juillet par le secrétaire d’État, Olivier Dussopt, chargé de la Fonction publique (plus de 5,5 millions d’agents), les neuf syndicats du public n’ont pu que constater l’absence totale de proposition du gouvernement pour une amélioration salariale. Quatre organisations dont FO ont donc choisi de quitter cette réunion du rendez-vous salarial annuel (prévu dans le cadre contraignant du PPCR/parcours professionnels carrière et rémunérations) à l’issue des interventions syndicales. Ce rendez-vous comme celui de l’an dernier vire donc sans surprise à l’échec, le gouvernement campant sur ses positions, soit la volonté de maintenir une austérité salariale pour les fonctionnaires des trois versants (État, hospitalière, territoriale) en 2020.

Probable hasard de calendrier, l’Insee publiait ce 2 juillet des statistiques sur les salaires dans la fonction publique de l’État et annonçait qu’en 2017, le salaire net moyen à l’État avait progressé de 1% en euros constants. Les salaires auraient retrouvé leur niveau de 2011 indique l’Insee précisant que la période 2016-2017 avait été celle d’une hausse générale de 1,2% (en deux temps) mais aussi d’une revalorisation des grilles de certains corps ou encore du transfert d’une partie des primes en points d’indice.

L’Insee rappelle encore qu’en 2011, 2012, 2013 et 2014, le salaire net mensuel moyen (en EQTP) à l’État était en baisse et n’a connu qu’une légère progression en 2015 (+0.4%) et 2016 (autour de +0.2%) avant la hausse de 1% en 2017. Plus largement, le salaire net moyen à l’État retrouve en 2017 le niveau qu’il avait près de dix ans auparavant et qui traduisait déjà une perte de pouvoir d’achat pour les agents n’a rien de satisfaisant. Pour autant cela signifie aussi que depuis 2011, c’est principalement la mesure d’augmentation générale des salaires, même minime, qui a eu un impact sur les salaires.

Qu’en est-il aujourd’hui ? Alors que la première revendication des agents est le dégel du point d’indice (base de calcul de tous les traitements/salaires des agents) bloqué depuis 2011 (hormis en 2016-2017) et sa revalorisation, le gouvernement évacue cette demande. Or, pour FO notamment la revalorisation du point, soit une hausse générale des salaires, est essentielle afin de résorber la perte de pouvoir d’achat des agents depuis 2000 et alors que l’inflation sur ces douze derniers mois est évaluée à 1,3%.

Quelques mesurettes...

FO- Fonction publique revendique ainsi une augmentation de 18% de la valeur du point et demande aussi entre autres la pérennisation de la compensation à la hausse du taux de CSG (la validité du mécanisme n’étant assuré que jusqu’en 2020) ou encore la suppression du jour de carence pour maladie réinstauré en 2018.

Le gouvernement lui ne propose ni dégel du point ni d’autres mesures salariales d’ailleurs hormis la poursuite des mesures PPCR (qui avaient été suspendues en 2018 pour raisons budgétaires). Le gouvernement n’envisage que quelques dispositions à la marge. Le secrétaire d’État a ainsi évoqué l’augmentation de l’indemnité de remboursement de repas, laquelle passerait de 15,25 euros à 17,50 euros. Comme son nom l’indique soulignait Christian Grolier, « il s’agit d’une indemnité de remboursement de frais engagés par l’agent et non d’une mesure salariale. Et par ailleurs, la dernière revalorisation de cette indemnité date de 2006 ».

Le ministère qui annonce aussi l’arrivée d’une revalorisation de la participation employeur au CESU (chèque emploi service universel) prévoit par ailleurs le maintien cette année du mécanisme de la GIPA (la garantie individuelle de pouvoir d’achat). Cette garantie calculée sur le traitement brut indiciaire a été créée en 2008 pour tenter de pallier les effets de l’inflation sur les salaires. Depuis, la GIPA a toujours pour objectif de contrer la perte de pouvoir d’achat… En l’absence de hausse des salaires.

Vers une rémunération toujours plus individualisée

« Le gouvernement ne propose que des mesures qui participent à pérenniser la précarité dans la Fonction publique. La preuve la GIPA est maintenue » indique Christian Grolier. Le secrétaire général de FO-Fonction publique note encore la volonté du gouvernement d’accentuer le paramètre du mérite dans la rémunération. Une volonté déjà affirmée dans le cadre du projet de loi de Transformation de la Fonction publique. Désormais explique Christian Grolier « le gouvernement souhaite modifier le mode de fonctionnement du Rifseep », le Régime Indemnitaire tenant compte des Fonctions, des Sujétions, de l’Expertise et de l’Engagement Professionnel créé en 2014 et généralisé aux versants de l’État et de la Territoriale en 2017.

Le Rifseep est composé d’une Indemnité de fonctions, de sujétions et d’expertise (IFSE) versée mensuellement et basée sur les fonctions exercées par l’agent et d’autre part d’un Complément indemnitaire annuel (CIA) qui est censé mesurer l’engagement professionnel, concrètement le mérite.

Ce CIA, jusque-là facultatif, prétend apprécier « la valeur professionnelle de l’agent, son investissement personnel dans l’exercice de ses fonctions, son sens du service public, sa capacité à travailler en équipe et sa contribution au collectif de travail » ainsi que l’explique le ministère. Jusqu’à présent les employeurs ont le droit de ne pas mettre en place ce CIA pour certains corps et par ailleurs soulignait encore le ministère lors de la création du Rifseep, l’insuffisance professionnelle d’un agent peut « justifier » aussi le non versement du CIA lequel a une nature exceptionnelle au même titre qu’un « bonus ».

« La rentrée sera décisive »

« Au prétexte d’une généralisation du Rifseep aux 3 versants de la Fonction publique, le gouvernement veut désormais dissocier l’IFSE et le CIA. Ainsi le CIA pourrait être versé seul, déconnecté de l’IFSE pour permettre des primes au mérite... » s’irrite Christian Grolier rappelant qu’une telle mesure n’aurait rien à voir avec une véritable augmentation de salaires. Lors de la mise en place du Rifseep, L’Union interfédérale FO de la Fonction publique/UIAFP-FO (désormais FO-fonction publique) fustigeait d’ailleurs un système qui « déconnecte le grade de l’agent du montant et du niveau de la prime mais également permet à l’administration de geler les primes pendant quatre ans ». Plus largement, FO déplorait une mesure qui allait « accentuer la politique d’individualisation des salaires » dans la Fonction publique. Le gouvernement semble bien vouloir faire monter d’un cran encore cette individualisation.

Ainsi, face à l’absence manifeste de dialogue social ressenti une nouvelle fois le 2 juillet par les syndicats et alors que la colère des agents se cristallise légitimement sur la question salariale mais aussi sur l’attaque contre le Statut général que constitue le projet de loi pour la transformation de la Fonction publique (que vient d’adopter le Sénat en première lecture), les syndicats dont FO multiplient les actions de protestation (grèves, manifestations…) depuis plusieurs mois. Le 27 juin dernier les neuf organisations du public appelaient ainsi à un rassemblement devant les ministères financiers de Bercy à Paris. Ces neuf organisations, dont FO, doivent se réunir le 10 juillet en intersyndicale.

De son côté, FO Fonction publique indique d’ores et déjà que « le rapport de force sera seul capable de faire plier et reculer ce gouvernement. A chaque instant, nous devons permettre aux personnels de se mobiliser, de lutter pour faire aboutir leurs revendications. La rentrée sera décisive tant sur l’avenir du Statut général des fonctionnaires avec le projet de loi de Transformation de la Fonction publique que sur les salaires et les retraites. Tout l’été, nous continuerons d’informer, sensibiliser et mobiliser les personnels ».

Valérie Forgeront Journaliste à L’inFO militante