Fonction publique : la grande déception salariale

Service Public par Valérie Forgeront, FGF FO

Christian Grolier, Secrétaire général de l’union interfédérale des Fonctionnaires FO à la sortie de la négociation avec le ministre de l’Action et des Comptes publics, Gérald Darmanin, le 16 octobre 2017. Photos : F. Blanc (CC-BY-NC 2.0)

Trois heures et trente minutes de discussion entre le ministre de l’Action et des Comptes publics, M. Gérald Darmanin et les neuf organisations syndicales de la fonction publique… Et au final une immense déception pour les fonctionnaires. Malgré quelques avancées, mineures, le ministre est « resté droit dans ses bottes en termes budgétaires » indiquait ce 16 octobre Christian Grolier pour FO à l’issue de cette rencontre salariale du 16 octobre.

Si un prochain rendez-vous salarial est d’ores et déjà prévu pour octobre 2018 annonçait ce 16 octobre le ministre de l’Action et des comptes publics, M. Gérald Darmanin, en charge de la Fonction publique, reste que le grand rendez-vous de cette année laisse les fonctionnaires pour le moins sur leur faim au plan salarial.

La rencontre de hier qui réunissait le ministre et les neuf organisations syndicales de la fonction publique dont les fonctionnaires FO (UIAFP-FO/interfédérale de la fonction publique) s’est en effet soldée par une grande déception pour les organisations syndicales.

Le ministre a ainsi confirmé que le point d’indice (base de calcul de l’ensemble des traitements/salaires des fonctionnaires) sera effectivement gelé en 2018. M. Darmanin qui entend par ailleurs « ouvrir des débats » l’an prochain avec les fonctionnaires sur le système de prévoyance et l’accès aux soins pour les agents (notamment de catégorie C) a confirmé aussi que le jour de carence pour maladie sera effectivement rétabli l’an prochain. Ces deux points constituent les premières déceptions côté syndical, notamment pour FO.

« La fonction publique s’affirme toujours comme la variable d’ajustement budgétaire » souligne ce 17 octobre l’UIAFP-FO (interfédérale FO) dans un communiqué.

Une compensation mais pas de gain de pouvoir d’achat

D’autres déceptions suivent et pas des moindres. En ce qui concerne les annonces ministérielles de ce 16 octobre en effet, les syndicats n’ont rien noté de réjouissant. Certes le ministère fait une avancée en matière de compensation de la CSG. Contrairement à l’idée initiale du gouvernement qui consistait à écarter d’une mesure de compensation les nouveaux agents de la fonction publique, la mesure concernera aussi bien les titulaires, les contractuels que les « entrants » dans la fonction publique.

La compensation consistera à supprimer la Contribution exceptionnelle de solidarité (CES de 1 %) payée par certains agents (titulaires et contractuels) ainsi que la cotisation salariale maladie (0,75%) payée par les contractuels. Cela consistera aussi à créer une prime, laquelle concerna donc aussi les entrants.

Cette prime sera versée au 1er janvier 2018 et assise sur les revenus de 2017. Elle sera réactualisée en 2019 sur la base de la rémunération de 2018 a indiqué le ministre précisant que le coût de cette compensation de la hausse de la CSG serait de trois milliards pour l’État en année pleine. Pour Christian Grolier de l’UIAFP-FO « l’avancée du ministère sur cette mesure montre que le mouvement social du 10 octobre a servi à quelques chose ».

Quelques jours après la journée nationale de grève et de manifestations du 10 octobre qui a rassemblé plus de 400 000 fonctionnaires dans les rues à l’appel des neuf organisations syndicales de la fonction publique, le ministère a donc un peu revu sa copie en ce qui concerne la compensation de la CSG… Cependant regrette Christian Grolier « il n’est toujours pas question d’un gain de pouvoir d’achat pour les agents » contrairement à la promesse du chef de l’État.

Le calendrier du PPCR reporté d’un an

Le ministre a annoncé aussi le report d’un an de la poursuite de l’application du PPCR (protocole sur les parcours professionnels, carrières et rémunérations). Imposé le 30 septembre 2015 par le gouvernement alors qu’il venait d’être rejeté par trois syndicats (FO, CGT, Solidaires) affichant à eux trois un poids majoritaire au plan de la représentativité, le PPCR est entré dans une application progressive depuis le 1er janvier 2016.

Ce protocole se faisait fort d’améliorer le déroulement des carrières des agents et la progression de leurs rémunérations. FO (non signataire de ce PPCR qui notamment allonge la durée de carrière, individualise davantage la rémunération ou encore supprime les réductions de temps de service) soulignait en 2015 que « le gouvernement prenait des engagements dont il savait qu’ils incomberaient à ses successeurs de les assumer ».

FO pointait alors « le risque que ces derniers donnent prétexte d’une situation financière dégradée pour remettre en question le calendrier » de mise en place du PPCR… C’est exactement ce qui se passe aujourd’hui avec l’annonce du gel de la poursuite du PPCR en 2018.

Ce 16 octobre, le ministre Gérald Darmanin s’est fait un plaisir de rappeler que ce « PPCR avait été négocié par le précédent gouvernement » et « qu’il n’avait pas recueilli la majorité chez les organisations syndicales ». Il a insisté par ailleurs sur le coût du Protocole. Pour 2018, celui-ci nécessitait un financement de 800 millions. Il n’a pas été budgétisé. En 2021, en année pleine, le PPCR nécessiterait un financement de quatre milliards d’euros. Or, 82% de la dépense pour le PPCR « reste à budgétiser » (financer) a indiqué le ministre précisant qu’au total, d’ici 2021, l’application du PPCR induirait un coût de onze milliards d’euros pour l’État.

Le ministre persiste et signe

« Même si FO n’a pas signé ce protocole à l’époque, le gel de la mise en place de quelques mesures qui pouvaient entraîner une petite amélioration pour les agents est à déplorer » indiquait ce 16 octobre Christian Grolier. En 2018 le PPCR programmait la mise en œuvre du transfert des primes en points d’indice, l’attribution de points dans la grille et l’intégration des travailleurs sociaux de la catégorie B à la catégorie A (la plus haute).

Malgré l’absence évidente de mesures de revalorisation salariale, le ministre persiste et signe cependant : oui il y aura bien une hausse du pouvoir d’achat pour les fonctionnaires… Mais cette hausse devra être jugée sur l’ensemble du « quinquennat qui dure cinq ans » lançait M. Darmanin en tentant l’humour.

Ce plan de hausse s’articulera autour de trois points. Le premier point consistant en une compensation de la hausse de la CSG est déjà réalisé indiquait le ministre arguant par ailleurs d’une progression du pouvoir d’achat des fonctionnaires déjà patente. Selon M. Darmanin, le salaire moyen des agents aurait ainsi progressé de 4% en 2017 et progressera de 2% en 2018. Les fonctionnaires contestent ces chiffres. FO rappelle ainsi que la perte de pouvoir d’achat depuis l’an 2 000 se creuse chaque année. Elle atteint désormais 16%. Par ailleurs « la baisse de pouvoir d’achat des fonctionnaires sera accentuée par l’augmentation des retenues pour pension » souligne l’UIAFP-FO.

Des mesures au mérite et une attaque du point d’indice ?

Les deux autres points du plan censé doper le pouvoir d’achat d’ici 2022 pourraient par les thèmes qu’ils entendent aborder aggraver les tensions entre le gouvernement et les organisations syndicales. Le ministre de l’Action et des Comptes publics prévoit ainsi de lancer à partir de janvier prochain une « discussion » avec les syndicats sur la rémunération des agents au mérite. Il serait ainsi question d’augmenter le pouvoir d’achat selon des mesures fondées sur le mérite et « non par des mesures générales » indique le ministre.

Le troisième point, indiqué à la presse mais pas aux organisations syndicales semble-t-il ce 16 octobre, relèverait lui aussi de l’issue de discussions entre les organisations syndicales et le ministère. M. Darmanin prévoit de lancer aux alentours de « la fin de l’année 2018 » une discussion portant sur la différenciation de la valeur du point selon les branches (État, territoriale, hospitalière) de la fonction publique… Les fonctionnaires, notamment FO, y sont opposés.

Les organisations syndicales de la fonction publique doivent se rencontrer le 26 octobre prochain. Il sera question « des suites à donner à la mobilisation du 10 octobre et aux annonces du ministre » indiquent les fonctionnaires FO soulignant qu’à l’issue de ce rendez-vous salarial du 16 octobre « il est clair que le compte n’y est pas ».

Valérie Forgeront Journaliste à L’inFO militante

FGF FO Fonctionnaires