Fonction publique : un nouveau gel des salaires « inadmissible »

Service Public par Valérie Forgeront

Manifestation des fonctionnaires pour la défense des services publics, à Paris, le 22 mars 2018. © F. Blanc

Les syndicats dont FO demandaient une augmentation substantielle des salaires en 2019 cela afin de compenser la perte de pouvoir. Perte que FO estime à 16% depuis 2000. Le rendez-vous salarial qui s’est tenu ce 18 juin entre les neuf organisations de fonctionnaires dont l’UIAFP-FO (interfédérale FO) et le ministère de l’Action et des comptes publics n’a pas répondu à cette attente. Pire, Olivier Dussopt, le secrétaire d’État en charge de la fonction publique a annoncé le gel du point d’indice en 2019, donc des traitements/salaires indiciaires des 5,4 millions d’agents publics. Alors que le gouvernement s’entête par ailleurs à vouloir imposer des contre-réformes que les fonctionnaires rejettent, « l’heure reste à la mobilisation » indique l’UIAFP.

Mécontentement, déception, résultat inadmissible… Les mots employés le 18 juin par le secrétaire général de l’interfédérale FO (UIAFP-FO), Christian Grolier, à la sortie du rendez-vous salarial de la fonction publique en disent long. La rencontre est un échec.

Olivier Dussopt, secrétaire d’État en charge de la fonction publique a annoncé en effet aux neuf organisations syndicales un nouveau gel du point d’indice en 2019. Ce point – la base qui sert au calcul de l’ensemble des traitements/salaires indiciaires dans la fonction publique- est déjà gelé cette année.

Concrètement « depuis 2010 cela fait huit années de gel » résument les fonctionnaires FO. Entre temps, les fonctionnaires n’ont reçu qu’une augmentation minime (+0,6% en juillet 2016 et +0,6% en février 2017)… Autant dire que c’est loin de suffire pour résorber la perte de pouvoir d’achat accumulée depuis 2000, soit 16%.

Les agents devront ils bientôt crier « à votre bon cœur… ! » dans les rues ? Derrière ce trait d’humour lancé par l’UIAFP-FO au lendemain du rendez-vous salarial pointe la colère ambiante. Les agents risquent en effet de subir une nouvelle perte de ce pouvoir d’achat, ne serait-ce que par l’augmentation des retenues pour pension, autrement dit des cotisations retraites indique l’UIAFP-FO.

De simples « mesurettes »

Cela s’ajoute aux mesures décidées à l’automne dernier par le gouvernement, soit, entre autres, la réactivation cette année du principe de jour de carence pour maladie ou encore l’application d’un mécanisme très imparfait de compensation de la hausse de la CSG, et ce contrairement à la promesse faite au printemps 2017 d’un système qui apporterait un gain de pouvoir d’achat… Bref, le pouvoir d’achat des agents était déjà en berne, le gouvernement semble vouloir qu’il le reste.

« Ce ne sont pas les quelques mesurettes et corrections techniques annoncées qui vont atténuer cela » fulminent ainsi les fonctionnaires FO. Olivier Dussopt a annoncé en effet pour les agents des versants de l’État et de la territoriale une revalorisation de la monétisation des jours inscrits sur le compte épargne temps (CET).

De quoi se réjouir ? Pas vraiment explique l’UIAFP. « Ce n’est qu’un moyen d’éviter la prise de jours de congés dans des services en sous-effectifs chroniques ». A noter que malgré ce phénomène de sous-effectif -constaté depuis des années dans l’ensemble de la fonction publique- dû aux suppressions massives de postes notamment dans le cadre de réformes structurelles (RGPP, MAP…), le gouvernement veut supprimer 120 000 postes en cinq ans dans la fonction publique.

Le secrétaire d’État a annoncé aussi ce 18 juin la « relance » en 2019 des mesures PPCR (protocole sur les parcours professionnels, carrières et rémunérations imposé en 2015 malgré le rejet de plusieurs syndicats dont FO), notamment quelques améliorations de grilles indiciaires mais au prix pour les agents d’un allongement des carrières en 2019. Il s’agit en réalité d’appliquer en 2019 les mesures promises pour 2018 mais annulées au nom des économies budgétaires.

Le poids fatal du PPCR

La relance de ce protocole pèserait pour 840 millions d’euros en 2019 sur les finances publiques se plaît à rappeler le ministère. La dépense publique aurait-elle soudain alors le vent en poupe ? Pas vraiment. Le gouvernement vise un nouveau recul de la dépense –plusieurs dizaines de milliards a priori- à travers les mesures issues du programme action publique 2022 (CAP22) qui devraient être annoncées très prochainement. Plus largement, l’Exécutif entend réaliser un plan d’économies sur les dépenses publiques à hauteur de 60 milliards d’ici 2022. Paradoxalement, l’État a accepté dès cette année de se priver, entre autres, de cinq milliards de recettes à travers de nouvelles mesures fiscales destinées aux plus aisés (suppression de l’ISF, PFU)… Les fonctionnaires qui subissent un gel chronique de leurs salaires ne peuvent qu’apprécier.

En 2015, Force ouvrière -au-delà même de sa contestation du cadre et du contenu du PPCR- soulignait par ailleurs l’absence totale de garanties quant à l’application du protocole par les gouvernements futurs. L’annulation en 2018 des mesures PPCR qui auraient apportées une légère amélioration pour les agents a démontré la pertinence du propos.

Et que dire des effets induits de ce PPCR qui en véritable carcan enserre toute négociation. Ainsi, le rendez-vous salarial du 18 juin ne constituait pas une séance de négociation annuelle mais un simple point d’étape encadré par PPCR. Celui-ci prévoit en effet des négociations triennales sur les orientations en matière d’évolution des rémunérations et des carrières. Des orientations qui doivent tenir comptes des données macro-économiques (croissance, inflation…). « De fait, le gouvernement a beau jeu de justifier une croissance faible pour ne pas augmenter les traitements et salaires » s’indigne l’UIAFP-FO.
Des réformes qui attisent la colère

Le ministère annonce aussi pour 2019 une revalorisation des indemnités de nuitée et des indemnités kilométriques pour les agents… Certes « cela répond à une revendication de FO mais cela reste le simple remboursement de frais engagés par les agents pour se déplacer dans le cadre de leurs missions ». Concrètement… La belle affaire répondent en substance les fonctionnaires FO.

Quel bilan tirer alors du rendez-vous salarial ? Au-delà de l’échec l’annonce du gel du point, la décision du ministère participe à tendre davantage encore les relations avec les syndicats et à nourrir la colère des agents. Alors que les deux récentes journées de grève nationale dans la fonction publique (22 mars et 22 mai) avaient déjà montré un profond mécontentement salarial, celui-ci est attisé par les quatre réformes (contractualisation de l’emploi, rémunération au mérite, mesures de départs volontaires, restructuration des IRP) que voudrait imposer le gouvernement.

La grande mascarade du dialogue social

La réforme des IRP par exemple qui vise une fusion des comités techniques (CT) et des CHSCT est rejeté comme les trois autres par les agents. Ce 15 juin, trois syndicats dont FO ont ainsi claqué la porte d’une réunion de concertation consacrée à cette simplification du dialogue social ou « mascarade de dialogue social » s’indigne FO.

Le 19 juin, le gouvernement ouvrait cette fois le 4e chantier de réforme consacré à la « mobilité », plus exactement selon l’intitulé : « comment proposer aux agents un accompagnement renforcé dans leurs transitions professionnelles et faciliter la mobilité ». Concrètement… en quittant notamment la fonction publique, ce qui cadre avec la volonté du gouvernement de concevoir des mesures permettant un vaste plan de départs des agents. Cela s’oppose bien sûr au statut général et au principe de carrière.

« Le gouvernement souhaite appliquer à la Fonction publique l’idée de transition professionnelle, vieille recette libérale des RH des années 1980 qui pourrait être définie comme une articulation savante de périodes de formation, d’emploi, de mobilité, voire de chômage, subies par les agents » réagit l’UIAFP-FO. « Le gouvernement poursuit avec détermination son programme de destruction du statut général des fonctionnaires » s’indigne l’UIAFP-FO qui a refusé de participer ce 19 juin à cette nouvelle « mascarade de dialogue social ». L’heure reste donc « à la mobilisation » rappellent les fonctionnaires FO.

Valérie Forgeront Journaliste à L’inFO militante