Nouveau sursis pour les 282 salariés de la fonderie MBF Aluminium de Saint-Claude (Jura), placée en redressement judiciaire depuis novembre. Mardi 11 mai, le tribunal de commerce de Dijon a accordé deux semaines, jusqu’au 25 mai, à l’unique candidat à la reprise, pour qu’il précise son plan de financement, notamment son apport en fonds propres. C’est le troisième et ultime délai accordé. Le tribunal l’a bien précisé. Cette audience du 25 mai sera la dernière : ça passe ou ça casse !
, commente Xavier Caron, représentant syndical FO de l’usine, actuelle propriété du britannique CMV et d’un entrepreneur italien.
Avec le soutien de l’Union départementale FO du Jura, le syndicat FO MBF a pris la décision, le même jour, de sortir de l’intersyndicale, initialement constituée avec trois autres organisations. Poursuivre encore le blocage de la production, débutée le 31 mars, ainsi que le proposent les autres organisations, est dangereux. Cela fragilise un peu plus la fonderie, alors que ses caisses sont vides et que le plan de charge risque d’être insuffisant pour soutenir cet unique plan de reprise, annoncé avec seulement 84 % des effectifs
, explique le militant FO, qui veut donner sa chance à l’éventuelle reprise.
L’offre de l’entrepreneur Mikaël Azoulay, seul candidat, ne sauverait déjà que 229 postes sur 282 actuels, intérimaires compris. Sur les 282 salariés, 150 ont plus de 50 ans et cinquante ont dépassé les 55 ans
, précise Xavier Caron, 57 ans dont 28 ans chez MBF Aluminium. Les grévistes, qui dénoncent ou craignent le désengagement des gros clients que sont Renault et PSA (devenu Stellandis, après sa fusion avec Fiat Chrysler), exigent du premier une hausse des volumes de production et, du second, un maintien.
cinq redressements judiciaires et une liquidation
La colère qui tient MBF Aluminium n’est pas un cas isolé. Plusieurs autres fonderies automobiles sont en redressement judiciaires, menacées de fermeture. Propriétaire défaillant, trésorerie exsangue, équipements vieillissants faute d’investissement, désengagement des constructeurs qui se détournent des motorisations diesel, gourmandes en petites pièces, et/ou recourent à des fonderies étrangères : les éléments du scénario sont souvent similaires.
Le 21 mai, le tribunal de commerce de Toulouse se prononcera sur l’avenir de SAM (pour Société Aveyronnaise de métallurgie), fonderie de 350 salariés appartenant au groupe chinois Jinjiang, qui l’a rachetée il y a trois ans à Viviez-Decazeville (Aveyron). Ici, les salariés abordent l’échéance plus calmement, après avoir arraché du groupe Renault, client quasi-exclusif, une hausse des volumes à produire, à l’issue de 23 jours de grève à laquelle ils ont mis un terme le 6 mai.
Également propriété du groupe Jinjiang, la fonderie FVM de Villers-la-Montagne (Meurthe-et-Moselle) a vu son sort scellé le 20 avril, après... 21 mois de redressement, par une liquidation judiciaire avec effet immédiat
. Tout un symbole : l’équipementier avait été créé en 1983 par Renault et PSA.
Aucune offre de reprise n’a été présentée. Mais cela fait des années qu’on savait qu’on allait droit au carton avec la contraction du marché français des fonderies
, précise Jean-Louis Jullien, délégué FO (majoritaire) de ce fabricant de carters, racheté fin 2017 par Jinjiang alors qu’il était déjà en redressement depuis 2 ans et 22 jours
. Le répit a été court.
Jinjiang n’a pas tenu ses promesses d’investissements. Un an après son rachat, l’usine re-déposait le bilan
, se souvient le militant FO, aujourd’hui inquiet pour les 127 salariés licenciés. La majorité ont fait leur carrière chez FVM, et sont âgés de 50 à 56 ans. Ils n’ont aucune perspective sur le bassin d’emploi sinistré de Longwy
, souligne Jean-Louis Jullien.
Le 8 juin, c’est le tribunal de commerce de Paris qui réexaminera les perspectives des fonderies du groupe de l’Indo-Britannique Gupta. Placées en redressement mi-avril, suite à la défaillance du financier Greensill auquel leur propriétaire doit des milliards d’euros, les unités (aluminium et fonte) des Fonderies du Poitou, situées à Ingrandes (Vienne), et Alvance Aluminium Weels, implanté à Diors (Indre), qui comptent toutes Renault pour principal client, sont déficitaires. Elles totalisent quelque 850 salariés.
40 % des emplois de la filière menacés
Tous ces dépôts de bilan parmi les petits sous-traitants ne sont que la partie visible de la coulée. Une étude rendue publique l’an passé estimait que 5.200 des 13.500 emplois de la filière des fonderies automobiles – soit l’équivalent de 40 % des emplois - seraient menacés d’ici 2030, sous l’effet conjugué du recul des moteurs diesel et de la délocalisation de la production automobile. Sans même évoquer, à plus long terme, la fin de la vente des moteurs thermiques voté en France pour 2040.
Face au cataclysme qui s’annonce, le plan d’actions annoncé le 26 avril par l’exécutif, à l’issue d’un comité stratégique de la filière automobile, ne prend pas la mesure des enjeux pour FO Métaux. Pour donner à la fonderie française la capacité de se réinventer et de se projeter dans l’avenir
, selon les propres mots du ministre de l’Économie Bruno Le Maire, il prévoit de créer un fonds exceptionnel de 50 millions d’euros pour la reconversion des salariés (dont 30 millions de l’État, 10 millions de Renault et 10 millions de Stellantis), que les Régions sont appelées à abonder, et d’accompagner les projets de consolidation dans le secteur.
Offrir un avenir à la filière passe avant tout par la préservation des sites, des compétences et des savoir-faire des salariés
, martèle Paul Ribeiro, secrétaire fédéral FO Métaux chargé du secteur. Et il interpelle : où est la stratégie industrielle qui le permettra ? Il est impératif d’aller plus loin que la seule reconversion des salariés pour préparer l’avenir de la filière. Les pouvoirs publics doivent clairement dire que le pays a besoin de ses fonderies, et agir en conséquence
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A Saint-Claude (Jura), Xavier Caron, représentant syndical FO de la fonderie MBF Aluminium, qui attend la dernière audience du tribunal, le 25 mai, sur l’avenir du sous-traitant automobile, ne décolère pas : l’exécutif prétend vouloir réindustrialiser la France et laisse, sans rien faire, les constructeurs automobiles se tourner vers les fonderies étrangères
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